Mercredi soir le 28 février, la salle Bourgie recevait la violoniste Jennifer Koh et la compositrice et pianiste (claviériste) Missy Mazzoli dans un type de concert encore rare à Montréal, d’où le titre de ce texte. Discrète cette musique en effet, parce qu’à Montréal elle demeure encore trop peu reconnue. Pourtant, Mazzoli est l’une des plus importantes créatrices musicales de l’heure. Ailleurs en amérique anglo-saxonne, elle est une star en ascension. J’y reviendrai.
Le programme présenté à Montréal faisait partie d’une tournée des deux musiciennes et amies célébrant quinze années de collaboration. Étaient regroupées des œuvres de Mazzoli, soit écrites pour violon solo ou en duo avec piano (ou clavier synthétiseur). D’une parfaite cohérence organique, ce programme était déployé tel un grand voile fin parcouru de mouvements ondoyants qui enflent et désenflent le tissu sonore, dans un tout stylistique assez planant et résolument post-minimaliste.
Le résultat final donne une idée imparfaite de la contribution musicale de Mazzoli à ce début de 21e siècle car sa production est vastement plus complexe et étoffée que le programme relativement monochrome d’hier. Écoutez par exemple son superbe Concerto pour contrebasse Dark With Excessive Bright, son opéra Proving Up, ou These Worlds in Us pour orchestre, et vous comprendrez mieux.
Cela dit, ce concert parcouru de très beaux moments d’intangibilité et de spiritualité contenue était important car il présentait à Montréal un encore trop rare concert de ce que je qualifie de réelle ‘’musique de notre temps’’. Une musique savante qui croise le besoin de retour à la tonalité avec les possibilités sonores héritées de l’avant-garde moderniste, les influences savantes avec les vernaculaires, les atmosphères impressionnistes et affectives avec les textures plutôt issues de l’indie pop/rock, ou de l’électro. Étant donné que Montréal est depuis longtemps l’un des pôles les plus créatifs en musique contemporaine d’avant-garde sur le continent, la connaissance, et encore plus l’appréciation, de la nouvelle musique post-moderne se fait attendre.
Ce n’est pas pour dire que cette musique est meilleure que la musique contemporaine ‘’traditionnelle’’. Que nenni. Il s’agit seulement d’un changement de paradigme. La musique contemporaine traditionnelle, avec ses univers abrasifs et abstraits, est en vérité un outil, une façon de faire hyper concentrée sur un formalisme intellectuel. Il peut en résulter des œuvres de fabuleuse beauté suprasensible. Au contraire, la nouvelle musique contemporaine vise, dans une démarche infiniment plus holistique (ou inclusive), la création de nouveaux mondes sonores et surtout émotionnels, en ne se refusant aucun outil ou technique compositionnelle.
La première carbure au savoir rigoureux, en suscitant parfois des émotions. La deuxième carbure aux émotions et à l’imagination, en se servant d’un certain savoir, suscitant parfois de la transcendance.
Bref, merci à Olivier Godin, Directeur artistique de la salle Bourgie d’avoir à cœur l’avènement d’une culture d’écoute montréalaise de cette musique que nous ne pourrons pas longtemps continuer de méconnaître.