musique contemporaine

M/NM | Le New European Ensemble ouvre la 12e édition

par Vitta Morales

L’ensemble néerlandais New European Ensemble a donné le coup d’envoi de la 12e édition du Festival Montréal/Nouvelles Musiques. Le concert d’ouverture, intitulé Dynamite Barrel, présentait le travail de compositeurs contemporains novateurs dont les pièces s’inscrivaient dans le thème de cette année : le mariage de la musique et de l’image. 

En me rendant à ce concert, j’ai supposé que cela signifiait que la musique évoquait des images, mais qu’en fin de compte, chaque auditeur était responsable de son propre imaginaire. Comme j’allais bientôt le constater, chacun des compositeurs invités exploiterait ce thème de manière légèrement différente. Les pièces sont conçues pour représenter des lieux, des évolutions sonores, des périodes historiques ou un mélange des trois. Parfois, cela a été fait, comme c’est souvent le cas lorsqu’il s’agit de nouvelle musique de chambre, en repoussant les limites des textures et des timbres, ce qui signifie qu’elles contiennent tous les passages fleuris, les techniques étendues, l’orchestration mixte et les moments sans métrique auxquels on peut s’attendre. Pour ceux qui trouvaient cela épuisant, la pièce Cyan Saturn, inspirée par Bitches Brew de Miles Davis, offrait un beau contraste, car elle contenait certaines formes de composition du jazz fusion, ce qui en faisait quelque chose d’un peu différent.

Quoi qu’il en soit, la plupart des pièces de la soirée associaient leur musique à des images projetées sur un écran et demandaient essentiellement aux musiciens du New European Ensemble de « composer » les images en direct. Dans un morceau, cela signifiait de recontextualiser de vieilles scènes des Looney Tunes ; à une autre occasion, un film de Bollywood ; et à la toute fin, un morceau de surf rock superposé à de la musique thaïlandaise sur fond d’ombres chinoises. 

Lorsque la structure musicale se transformait en ce que je considérerais comme des paysages sonores denses, pointillistes ou sans mètre, j’étais beaucoup plus tolérant à l’égard des cris et des grincements lorsque je pouvais voir qu’ils étaient en accord avec ce qui se passait à l’écran. Le cerveau est amusant de la sorte. À d’autres moments, j’ai eu l’impression que certains paysages sonores denses avaient fait leur temps. Je peux tout à fait admettre que la musique de chambre contemporaine pose des questions importantes sur les pratiques établies lorsqu’elle emprunte cette voie ; mon bémol est qu’il semble que ce soit toujours les mêmes questions. Et elles sont posées depuis plus de quelques décennies à ce stade. Dans l’ensemble, le New European Ensemble a interprété et nous a offert une musique très intéressante, mais je ne serais pas prêt à me précipiter à la table de vente de marchandise.

photos: Marie-Ève Labadie

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classique moderne / classique occidental

OSM | Payare et Weilerstein : passion à deux de Prokofiev à Ravel

par Alexandre Villemaire

En cette veille de Saint-Valentin, les 12 et 13 février, le cadre était on ne peut plus propice à réunir sur la scène de la Maison symphonique le couple formé de Rafael Payare et Alisa Weilerstein.

Si Daphnis et Chloé de Maurice Ravel peut volontairement être associé à l’idylle amoureuse, tant par son propos que par sa musique, la Symphonie concertante pour violoncelle de Sergei Prokofiev, avec son éclectisme, ses sons mordants et percussifs, pouvait apparaître comme décalée par rapport à l’esthétique du programme. Au contraire, les œuvres étaient d’une grande complémentarité au niveau du langage timbral, des dynamiques et de leur jeu passionné.

En première partie donc, la Symphonie concertante de Sergei Prokofiev. Écrite entre 1950 et 1952, cette œuvre en trois mouvements de la maturité du compositeur russe est un remaniement d’un précédent concerto pour violoncelle dont l’accueil fut vertement critiqué. Le langage de Prokofiev y est texturé et composite, faisant appel à tout l’entendu du violoncelle, de même qu’à des sonorités et des passages orchestraux et rythmiques qui rappellent le jazz. Au podium, nous avions un Payare toujours aussi fougueux, plus contenu que d’habitude dans sa gestique pour cette partition complexe où les interventions de l’orchestre sont véloces au niveau des textures et des techniques. La direction de Payare était précise et l’orchestre d’une grande intensité.  

Les deuxième et troisième mouvements (Allegro giusto et Andante con moto) nous ont particulièrement plu, respectivement pour leur virtuosité, leur usage d’effets orchestraux dynamique et leur accent folklorique pour la cadence du deuxième mouvement où Alisa Weilerstein démontre toute l’étendue de sa technique et des jeux possibles de son instrument avec une aisance évocatrice. Même si ce qui, à l’oreille, semble sonner faux est en fait bien calculé, écrit et transmis avec naturel. Les lignes de violoncelles sont aussi véloces que les traits d’orchestre, se mariant avec les différentes sections dans une orchestration riche et inventive. Sur scène, Alisa Weilerstein nous transporte dans un univers qui est le sien où elle ne fait pas que jouer la musique. Elle est la musique. Elle incarne un personnage telle une actrice sur une scène de théâtre où son expression faciale et ses gestes sont aussi signifiants que la musique qui l’accompagne. Elle a d’ailleurs été chaleureusement ovationnée par le public pendant plusieurs minutes.

La deuxième partie dédiée à la musique du ballet Daphnis et Chloé nous plongeait dans un monde onirique et coloré. Ici, Payare devient un peintre devant un canevas vierge qu’il peint avec précision. Même si on se trouve dans du répertoire qui est archi connu, voir se déployer les dynamiques et les couleurs imaginées par Ravel est toujours un ravissement. Intéressante disposition d’ailleurs que celle du chœur qui était installé plus en hauteur qu’à l’habitude pour cause d’enregistrement. Bel effet également que de faire entrer successivement les rangées de choristes lors de l’introduction pour simuler un effet de voix qui arrive du lointain et qui gagne en puissance. Petite critique : l’effet processionnel aurait eu encore plus d’impact si cette entrée avait été chantée sans partition ! Pour le reste, les interventions du chœur étaient excellentes, assurées avec un beau contrôle des nuances et des dynamiques. À l’orchestre, Rafael Payare danse sur scène et instigue vigueur et caractère aux différents effectifs orchestraux tant dans les moments les plus diaphanes que dans les passages tonitruants et cuivrés rappelant le langage de Georges Gershwin. L’interprétation des deux œuvres de cette soirée, étonnamment complémentaire et passionnée, méritait amplement les applaudissements nourris d’une Maison symphonique bien remplie et a donné à l’orchestre de beau matériel pour leurs prochaines sorties d’albums ; sorties que nous avons hâte de découvrir.

crédit photos: Antoine Saito

jazz

Mois de l’histoire des Noirs | Malika Tirolien et l’ONJM cassent la baraque

par Vitta Morales

Je ne passerai pas par quatre chemin pour dire que Malika Tirolien avec l’ONJM a été l’un des meilleurs concerts auxquels j’ai assisté. Nous ne sommes qu’en février, mais je pense qu’il s’agira de l’un de mes concerts préférés de l’année. Et la raison en est simple : jeudi à la Cinquième salle de la PdA, Tirolien et compagnie nous ont offert des interprétations fantastiques de chansons solidement conçues, rehaussées par les excellents arrangements de Jean-Nicolas Trottier.

Tirolien, armée d’une section rythmique, de trois choristes, d’un orchestre à cordes et de cuivres, a interprété des chansons de son album Higher, sorti en 2021, ainsi que quelques autres sélections issues d’un projet distinct appelé Gemini Crab. Les chansons de Higher, dans leur forme originale, sont déjà groovy, riches en synthétiseurs et très énergiques (en partie, sans doute, parce qu’elles ont été coproduites par Michael League de Snarky Puppy). Dans une entrevue avec Tirolien, notre collègue Varun Swarup s’est demandé avec beaucoup d’intelligence si ces chansons pouvaient devenir encore plus grandioses. La réponse est immédiate.

Ces arrangements, et en particulier l’utilisation des cordes, sont synonymes de légèreté et de flottement dans les moments les plus doux de la musique, mais ils sont également capables d’ajouter une densité et une dissonance satisfaisantes lorsque c’est nécessaire. Les cors, quant à eux, ont apporté une certaine puissance et un certain tonus, ce qui a rendu les moments les plus groovy encore plus agréables. Pour reprendre les mots de Tirolien, Jean-Nicolas « a trouvé le moyen d’élever la musique sans lui faire perdre son identité première ». Musicalement, le spectacle et les compositions contenaient un peu de tout.

Des grooves de quintuplets, un shuffle en 12/8, des solos de synthé, une bataille de saxophones, du rap politique, des notes aiguës, des changements de tempo créatifs, un solo de guitare déchirant et même une légère chorégraphie ont été vus avant la fin de la soirée. Et le plus important, c’est que tout a fonctionné. Cela a vraiment fonctionné. En parcourant mes notes, j’ai cherché à voir s’il y avait des commentaires critiques qui valaient la peine d’être mentionnés. En fin de compte, j’ai décidé qu’il serait un peu forcé d’inclure des remarques. En effet, ce que je retiens de cette soirée n’est pas « Wow, quel beau concert, mais il aurait été bon de nettoyer les éléments X, Y et Z ». Je me suis plutôt dit : « Quel concert exceptionnel de la part de toutes les personnes impliquées ».

électronique

IGLOOFEST | Suite et fin avec Four Tet

par Léa Dieghi

Après quatre semaines de musique, des milliers de danseurs traînant leurs pieds sur le quai Jacques-Cartier, et une programmation mettant la musique électronique et toute sa diversité à l’honneur, nous assistons ce samedi à l’aboutissement de la saison montréalaise d’Igloofest 2025.  Et quoi de mieux que Four Tet  pour clôturer cette incroyable saison festivalière hivernale ? Retour sur une soirée pleine d’émotions. (Du moins, pour moi, ça l’était!) 

SAPORO : Priori, Avalon Emerson et Fourtet 

Si la plupart des artistes qui ont été accueillis sur la grande scène cette saison naviguaient plus dans la electro-tech-house, cette soirée a véritablement été l’occasion de ramener la techno au premier plan.  

Pour les amateurs de musique techno ayant, d’ailleurs, pour beaucoup critiqué la programmation de cette année “pas assez techno”, c’était LA soirée à ne pas manquer. 

On commence avec Priori (de son vrai nom Francis Latreille), véritable OG de la musique techno underground au Québec. Les habitués ont sûrement déjà vu son nom sur les affiches de Rave -un peu plus underground- de Montréal, et ceux aux côtés de différents grands noms de la musique, canadiens, mais aussi internationaux . Avec son style un peu plus déstructuré, de textures captivantes, et l’utilisation accrue de synthétiseurs, son set a été une ouverture parfaite pour Avalon Emerson, qui a rapidement fait monter la chaleur – et les BPM –  d’un cran. 

Originaire du désert Américain (Arizona), la chaleur de son état de naissance s’est rapidement fusionné avec la froideur des entrepôts qu’elle a fréquenté, créant ainsi ce style hybride, entre industriel et onirique. 

Ses  lignes deep bass ont rapidement percuté les installations de l’igloofest, accompagnées de hi-hat et clapes aiguës, tout aussi frappant. Alors que je me promenais aux alentours des feux au milieu du site, histoire de me réchauffer un peu, j’ai été rapidement prise de court par la puissance de son set. Et tout autour de moi, c’est comme si le public, lui aussi, s’était activé.

Et après un 1h30 de set, géré à la perfection, Avalon Emerson s’est effacée, non sans un tonnerre d’applaudissements, pour laisser place à la grande tête d’affiche de la soirée -je dirai même de toute la programmation 2025-: Four Tet

Je dois avouer que mon avis sur la question est sûrement biaisé, étant donné que je suis religieusement FourTet depuis maintenant plusieurs années. Il m’accompagne dans mes écouteurs quotidiennement, et le voir était véritablement un de mes rêves.

Et vous savez, parfois, la réalité n’est pas aussi belle que le fantasme mais… dans le cas de Four Tet, c’est une claque que je me suis prise. 

Sa musique a réussi à me prodiguer un bonheur, et un high, que peu d’artistes ont réussi à me procurer dans la vie  Accompagné de ses machines analogiques, doté d’une grande précision musicale, il livre un set d’une énergie impressionnante. Réussir à diriger une foule de cette façon, ce n’est pas donné à tout le monde:  Et dans cet océan humain, c’est comme si Four Tet était devenu un genre de Poséidon, contrôlant nos mouvements comme des vagues. 

Les gens sautaient, criaient, applaudissaient, et on aurait pu continuer comme ça encore des heures. Être face à un tel talent, ça nécessiterait plus que deux heures pour véritablement l’apprécier. Mais deux heures, c’était la case horaire  que nous avions, et c’était assez pour se rendre compte du talent de Four Tet. Un véritable génie, qui m’a presque fait lâcher une larme d’appréciation. 

VIDEOTRON: SISI Superstar, Princess Superstar et Awwful 

Pour être honnête, je n’ai pas passé autant de temps que j’aurai aimé devant la petite scène Vidéotron, durant cette dernière soirée. Malheureusement, quand il y a deux scènes, on doit forcément se retrouver à faire des choix! 

Pour autant, le peu de temps que j’ai passé à danser durant les trois sets de ces artistes, m’a donné de bons avant goût de ce qu’iels ont à offrir: Une techno traversée par l’hyperpop, très cunty, et très inspirée de la culture LGBTQIA++.  

Les gens semblaient apprécier, et moi aussi: La prochaine fois que leurs noms apparaîtront sur une programmation, j’irai définitivement voir un peu plus ce dont iels sont capables.

électronique

IGLOOFEST | Cloonee conclut en tech-house le dernier vendredi

par Léa Dieghi

Pour cette avant-dernière soirée de la saison Igloofest 2025, l’équipe de  programmation nous offrait une fois de plus la diversité entre sa petite scène Vidéotron et la grande scène Sapporo. Au menu : afrobeat, RnB, rap US, shatta, pop-électro, reggaeton pour la première, et de la bonne tech-house aux sonorités un peu plus latines avec Cloonee pour la deuxième. 

VIDÉOTRON : VIBE BENDERS 

Un peu avant le début des festivités, j’ai eu la chance de discuter quelques minutes à l’arrière-scène avec le collectif montréalais Vibe Benders, qui a occupé la scène Vidéotron durant toute la soirée. Une première. Bien qu’ils aient fondé leur collectif il y a trois ans, ses membres se retrouvent déjà à fouler les pas des plus grands artistes électroniques de l’Igloofest. Quand je leur ai demandé quelles allaient être leurs intentions pour cette soirée hivernale, leurs réponses étaient claires : amener la chaleur des îles au cœur de l’hiver et “soigner” le public. 

Mission réussie. 

C’était la quatrième soirée que je passais à l’Igloofest et, honnêtement, j’ai rarement vu la scène Vidéotron aussi remplie. L’espace était bondé, les gens dansant les uns avec les autres. L’énergie était carrément palpable. 

La scène en 360, avec son côté un peu plus intimiste, semblait être une structure parfaite pour accueillir leur énergie. Twerk près des machines, micro en main, iels ont joué les MC durant la soirée, une tradition pour les membres de Vibe Benders afin de constituer littéralement une communauté avec leur public. 

Tout au long de la soirée, les trois membres de Vibe Benders ont ainsi pu enflammer la foule, remixant des classiques rap US et français sur des fonds d’afrobeat et de pop-électro. Le collectif, dont une partie de la mission est d’élever le travail d’artistes pan-africains/noirs, s’est aussi beaucoup inspiré de la musique shatta, un genre musical émergé en Martinique, très influencé par le dancehall sud-africain. 

Entre les musiques des années 2000 et celles plus actuelles, le collectif porte bien son nom : V.I.B.E., Visionary Individuals Behind Energy. Des individus qui, littéralement, ont su insuffler une toute nouvelle énergie à l’Igloofest. 

SAPPORO : MOLYNESS, CLASSMATIC ET CLOONEE 

Si l’énergie sur la petite scène était explosive, un chaos maîtrisé, celle sur la grande scène relevait de la maîtrise et de la finesse techniques. 

La soirée a débuté avec la talentueuse Molyness, qui avait la difficile tâche d’assurer le set d’ouverture. L’artiste germano-marocaine, basée à Montréal depuis plus de sept ans, a su entraîner les premiers danseurs.euses au-devant de la scène. Avec ses choix musicaux parfaitement sélectionnés, entre house et techno, ses transitions ont accueilli avec fluidité les deux autres artistes de la soirée.

Classmatic, Brésilien de naissance, a lui aussi réchauffé la grande scène et, au fur et à mesure de son set, des centaines de personnes se sont retrouvées à danser, prêtes à accueillir Cloonee pour le grand final de la soirée. Sans déception, Cloonee a su faire ce qu’il fait de mieux : créer un set de tech-house qui a laissé les gens en sueur. Autour de moi, plusieurs personnes qui semblaient avoir froid ont rapidement ouvert leurs vestes. Entre ses propres productions et celles d’autres artistes, notamment latinos, sa performance était digne de son nom, parfaite pour un vendredi soir, début du week-end.

TAVERNE TOUR I The Drin au Ministère

par Helena Palmer

Le week-end du Taverne Tour s’est terminé au Ministère. Tout le monde a écrasé des Labatt 50 pendant trois jours d’affilée et la salle déborde d’énergie après la performance de La Sécurité. Nous avons survécu au festival, en sautant par-dessus les bancs de neige d’un lieu à l’autre. Maintenant, il est temps de faire la fête.

The Drin était le groupe de clôture, un groupe de noise rock avec un saxophone, un harmonica et des paroles morbides. C’était un choix intéressant pour clôturer le festival. Je reverrais volontiers ce groupe quand je pourrai prêter attention à ce qui se passe sur scène. Leur son est grinçant et cool, et ils sont certainement des artistes captivants, mais peut-être pas assez pour retenir l’attention décroissante des festivaliers sur leur dernière once d’énergie.

C’était un peu surréaliste et désorientant d’être témoin à une heure du matin d’un homme portant des lunettes de soleil sombres qui jouait du saxo et qui s’approchait rapidement de la foule, tandis que quelqu’un me poussait une part de pizza grasse dans la main. Pendant ce temps, le chanteur demande « Voulez-vous vous regarder mourir ? ». Honnêtement ? Non, pas du tout. Pour l’instant, je suis à la fête de la pizza ; j’ai envie de faire du headbang et de bouger des fesses. Il y a un temps et un lieu pour réfléchir à sa propre mortalité, et je ne suis pas sûr que ce soit celui-là.

TAVERNE TOUR I Vibes de mauvaises garces et folie hyperpop O Patrovys

par Amir Bakarov

O Patro Vys est une petite salle située au-dessus du Billy Kun, un bar célèbre pour ses diverses têtes d’autruche sur les murs. En réalité, O Patro Vys n’a pas beaucoup de têtes d’autruche, mais les mauvaises vibrations de salopes ne manquaient pas en ce vendredi soir enneigé, lors du deuxième jour de la tournée des tavernes de Montréal. Public Appeal, Franki, Los3r et Ura Star & Fireball Kid ont enflammé la piste de danse et fait hurler de nombreuses filles (et moi). Je suppose que c’est ce que FKA Twigs voulait dire par « Eusexua ».

Public Appeal, un DJ et musicien français, détruit les salles de danse et les pistes de rave de Montréal depuis six ans. Ce soir-là, ils ont enflammé O Patro Vys avec un set pop sans étiquette qui mélangeait des rythmes électroclash robustes et des sons indie sulfureux. C’était de l’énergie pure, alimentée par des influences allant de Charli XCX à la techno underground – les gens sur le dancefloor autour de moi sautaient et chantaient, profondément accrochés à la présence confiante de Public Appeal et à sa pop à la limite du dystopique.

Public Appeal

Franki, le projet de l’auteure-compositrice-interprète Helena Palmer, a présenté à O Patro Vys un spectacle pop inspiré du denim, bouillonnant autour de rythmes percutants et d’une nostalgie insolente de l’été brat . Sa guitare douce et ses paroles intimes étaient soutenues par Julia Mela (de Gondola) à la basse et par DJ Wiltbarn, un jeune artiste local adepte du juke, du footwork et de l’électronique girly-pop – un trio parfait pour accompagner des chansons joyeuses sur le tissu, la mode et le chaos de tous les jours. La chanson « You Look Good in Your Jeans » est encore dans ma tête alors que j’écris cette chronique un jour plus tard. Et je ne porte même pas de jeans.

Franki

Je suis sorti fumer une cigarette et, à mon retour, j’ai constaté que les trois filles pétillantes sur la scène s’étaient transformées en trois garçons munis d’ordinateurs portables, prêts à montrer leurs talents d’informaticiens. Les voix sucrées, le mélange de paroles mélancoliques et de rythmes électroniques effrontés n’étaient pas très éloignés de l’énergie féminine qui a dominé la soirée à O Patro Vys. Los3r, un trio électronique d’Ottawa formé fin 2022 par des amis de longue date, Noah Perkins (Geunf), Thomas Khalil (User) et Julien Martinet (dulien), a absolument tout déchiré.

La soirée s’est terminée avec les instruments réels de Ura Star & Fireball Kid, une présence sonore de six membres, décrite sur leur Bandcamp comme « de la musique pour les bons moments, les fêtes de cuisine, les feux de grange et les trajets nocturnes ». À l’époque, les jeunes appelaient ça du « easycore » – beaucoup de sauts, beaucoup de guitares ; des textures brillantes et mélodiques et des chants comme « I love going out – we always have a good time / cold beer in my mouth reminds me of summertime, oh ya » ; ses accroches pop, punk, axées sur le synthé et, honnêtement, je m’en tape les couilles. Les garçons sont arrivés à la fête d’été de Brat et ont trouvé un moyen de s’intégrer à l’ambiance. Rien que du respect.

TAVERNE TOUR I La maternité est une explosion cacophonique

par Amir Bakarov

Motherhood a pris la scène avec un tourbillon d’énergie expérimentale, célébrant le lancement de leur nouvel album, Thunder Perfect Mind, avec un spectacle aussi imprévisible qu’excitant. Originaire de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, ce groupe de trois musiciens perfectionne son art depuis une bonne dizaine d’années, et sa présence chevronnée sur scène était évidente dès la première note. Malgré leur petit groupe, leur son semblait massif, composé de guitares, de synthétiseurs et d’une panoplie apparemment infinie de pédales. Le résultat est un voyage spatial, infléchi par les mathématiques et le rock, avec des rythmes qui s’entrechoquent et un côté new wave ironique qui rappelle les premiers Talking Heads.

Musicalement, Motherhood oscille entre grooves funky et ruptures angulaires, adoptant des signatures temporelles décalées et des rythmes de batterie sautillants. Leurs mélodies, souvent simples et accrocheuses, sont entrecoupées de changements abrupts qui maintiennent le public en alerte. Un instant, vous vous retrouvez en train d’accompagner un riff entraînant, et l’instant d’après, ils se lancent dans une explosion sonore cacophonique. Bien que cette approche puisse être exaltante, on a parfois l’impression qu’ils changent de direction simplement pour le plaisir de changer les choses, ce qui donne l’impression que le set est un peu éparpillé.

Pourtant, l’empressement de Motherhood à explorer tous les recoins musicaux fait partie de leur charme. L’éclairage, baigné de couleurs vibrantes et changeantes, complétait l’esprit agité du groupe, soulignant leur interaction dynamique sur scène. Le public semblait se nourrir de cette atmosphère sous haute tension ; les bras s’agitaient et les pieds tapaient du pied tandis que le groupe enchaînait les morceaux.

TAVERNE TOUR I La télécabine commence à osciller

par Amir Bakarov

Le spectacle à guichets fermés de Gondola lors de la soirée d’ouverture du Taverne Tour a démontré de façon éclatante pourquoi le groupe fait rapidement des vagues. Le groupe, qui se décrit lui-même comme un « sad boy rock », a réussi un délicat exercice d’équilibre : intime et lyrique, mais indéniablement énergique. Les accents pop du groupe se mêlent élégamment à une sensibilité punk – rappelant les pionniers de la vieille école – créant une ambiance « pop rock rencontre punk rock » qui est aussi intrigante que contagieuse. Dès leur entrée sur scène, sous les lumières bleues, ils ont projeté une énergie et une assurance nouvelles, à mille lieues de l’esthétique plus discrète et « fantomatique » qu’ils avaient adoptée lors de leurs précédentes prestations.

C’est Lyle qui mène la charge, avec son timbre de voix distinctif qui flirte avec le grit post-punk de Ian Curtis. Il y a cependant une ouverture émotionnelle dans sa prestation qui lui donne une tournure plus sensible, reflétant les thèmes moroses et introspectifs – « Nous faisons surtout de la merde triste et morose à propos de mes sentiments et d’autres choses ». Alors que Gondola embrasse clairement les coins les plus sombres du chagrin d’amour et de la tristesse, ils ont trouvé un moyen de laisser percer un rayon d’espoir, rendant le set live un peu plus édifiant.

Leur setlist s’est déroulée de manière fluide, commençant par des morceaux plus lents et lyriques avant de monter en puissance avec des hymnes bruts et punk. Gondola n’a pas hésité à reconnaître son penchant pour la pop, en proposant des chansons accrocheuses et des refrains à chanter qui semblaient plus honnêtes que commerciaux. Malgré les accents moroses, on sentait bien que Gondola voulait laisser le public sur une note d’espoir.

Au service d’Ennio Morricone

par Vitta Morales

L’Orchestre FILMharmonique, sous la direction de Francis Choinière, ainsi que le Chœur des Mélomanes, ont rendu un court et doux hommage au prolifique Ennio Morricone à la Maison Symphonique le soir du 8 février. La sélection comprenait divers thèmes de films tels que Cinema Paradiso, The Untouchables, ainsi que les classiques Westerns Spaghetti tels que The Good, the Bad, and the Ugly, A Fistful of Dollars, et cetera.

Parmi les moments forts de la soirée, citons le contrôle dynamique de la soprano Myriam Leblanc sur les notes les plus élevées ; un moment amusant pour Lévy Bourbonnais, qui s’est avancé au centre de la scène en jouant de l’harmonica, vêtu d’un poncho et du chapeau de cow-boy obligatoire ; la trompette puissante d’Henri Ferland ; et le final grandiose de « L’extase de l’or ».

J’admets que la soirée contenait quelques sélections que j’ai trouvées un peu « carrées » ou peu émouvantes. Cependant, je reconnais que, d’une part, je n’étais pas toujours familier avec le film associé à un morceau donné et donc probablement moins investi émotionnellement ; et d’autre part, Ennio Morricone a littéralement écrit des centaines de partitions au cours de sa vie, et en tant que tel, chaque thème ne peut pas être un chef-d’œuvre.

Quoi qu’il en soit, il ne s’agit pas d’une condamnation de l’orchestre ou du chœur, qui ont joué solidement et efficacement, et ont offert une soirée musicale agréable.

chanson keb franco / hip-hop / rap keb / soul/R&B

TAVERNE TOUR | Quai des brumes complet pour Tabi Yosha, DJ Moses Bélanger at Rau_Ze

par Arielle Desgroseillers-Taillon

C’est avec une assurance assumée que Tabi Yosha et le DJ Moses Belanger sont montés sur la scène d’un Quai des brumes complet. Portée par une voix puissante, la chanteuse d’origine haïtienne a su captiver la foule avec un mélange envoûtant de R&B et de hip-hop, interprétant les titres de son premier EP True Colors ainsi que son dernier single Truth Lays

Habile dans l’art de tenir un public en haleine, Tabi Yosha a charmé la salle par son humour et sa spontanéité. Elle n’a pas hésité à solliciter le public à maintes reprises—presque trop—avec des interactions rythmées, comme son classique « Quand je dis Tabi, vous dites Yosha ! ».

En fin de prestation, elle a surpris le public en annonçant qu’elle avait décidé, le matin même, d’interpréter Billets, une toute nouvelle chanson francophone dont la sortie est prévue cette année. Un moment fort où sa voix puissante s’est imposée avec aisance dans un registre résolument rap, et en français, pour le plus grand plaisir de la salle.

La salle déjà réchauffée, Rau_Ze est monté sur scène accueilli par les cris du public.
« J’espère que vous allez avoir du fun ce soir parce que c’est ma fête aujourd’hui » a lancé Rose Perron à peine arrivée, provoquant immédiatement un « Bonne fête à toi ! » chanté par la foule. 

Accompagné de leurs musiciens habituels, le duo Rau_Ze, formé de Rose Perron et Félix Paul, a enflammé la scène grâce à leur énergie et leur complicité contagieuse. Lors de Virer nos vies, Rose a traversé la salle en courant avant d’achever la chanson perchée sur le bar du Quai des Brumes, tandis qu’un énorme mosh pit déchaînait la foule.

Ce samedi soir au Quai des brumes était une soirée sous le thème d’artistes féminines au talent et à la présence impressionnante, une démonstration claire que la scène québécoise n’a rien à envier à personne.

dance-punk / no wave / post-punk

TAVERNE TOUR | Chandra, La Sécurité, The Gories… taverne tour de maître !

par Félicité Couëlle-Brunet

Hier soir, le Taverne Tour a offert une soirée riche en contrastes, oscillant entre post-punk, dance-punk et garage rock brut. Avec Chandra, La Sécurité et The Gories, chaque performance a marqué les esprits par son énergie singulière et son ambiance électrisante.
Chandra a ouvert la soirée avec un set hypnotique, porté par son mélange unique de post-punk et de no wave. À seulement 12 ans, elle enregistrait déjà des morceaux influencés par ESG et Talking Heads, et son passage au Taverne Tour prouvait que son univers était toujours aussi captivant après tant d’années de service. Sur scène, elle dégageait une aura quasi mystique, sa voix oscillant entre chant parlé et envolées mélodiques. Ses synthés répétitifs et ses rythmes mécaniques créaient une transe envoûtante, accentuée par sa présence charismatique et sa chevelure rose éclatante, comme une icône d’un autre temps transportée dans le présent.
La Sécurité a pris le relais avec une explosion de dance-punk frénétique. Le groupe fusionne les rythmes nerveux du post-punk avec des grooves dansants et une énergie euphorique, rappelant des groupes comme Le Tigre ou Bodega. Dès le début, la chanteuse Ramona a instauré une ambiance complice en lançant un enthousiaste « Let’s go Kenny » à son batteur, déclenchant un set ultra-dynamique.
Son attitude exubérante et son chant scandé donnaient une urgence jubilatoire à chaque morceau. La bassiste, impassible mais magnétique, apportait une profondeur hypnotique aux compositions, tandis que le guitariste jonglait entre riffs tranchants et passages plus chaotiques. Kenny, à la batterie, semblait être le moteur du groupe, frappant avec une intensité qui ne laissait aucun répit. Leur performance était un mélange parfait de tension et de plaisir brut, transformant la salle en une piste de danse frénétique.
Enfin, The Gories ont conclu la soirée avec un set de garage rock primitif et sauvage. Formé à la fin des années 80, le trio de Détroit reste fidèle à une esthétique minimaliste et brute, inspirée du blues et du rock’n’roll des années 60. Sans basse, seulement deux guitares crues et une batterie martelée sans concession, ils ont réveillé l’instinct punk du public. Leur retour à Montréal après dix ans d’absence a déclenché un raz-de-marée d’énergie, avec des moshpits furieux dès les premières notes. Leur son lo-fi et leur attitude désinvolte donnaient l’impression d’assister à un concert clandestin dans un sous-sol moite, où la sueur et le chaos sont les seuls mots d’ordre.
De la transe post-punk de Chandra à l’euphorie dance-punk de La Sécurité, en passant par la furie garage de The Gories, cette soirée du Taverne Tour a prouvé une fois de plus que la scène indépendante est plus vibrante que jamais.

Crédit photo La Sécurité: Camille Gladu Drouin

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