Chanson francophone / indie folk / indie pop / indie rock

Coup de coeur francophone | Le Roy, la Rose et le Lou[p], quand s’unissent les forces montantes

par Jacob Langlois-Pelletier

Le lendemain du Gala de l’ADISQ 2023, quoi de mieux que de voir sur scène le trio formé de la récipiendaire du Félix de la « Révélation de l’année » en 2022, Ariane Roy, et de deux anciens nommés dans cette catégorie en 2019 et 2021, Lou-Adriane Cassidy et Thierry Larose.

Après avoir été réunis sur scène le temps d’un concert mémorable aux Francos 2022, les trois auteurs-compositeurs-interprètes avaient annoncé en juin dernier une courte tournée de neuf représentations. Devant un Club Soda plein à craquer lundi soir, Le Roy, La Rose & Le Lou[p] ont offert une excellente prestation, à la hauteur de leur talent.

En lever de rideau, les trois artistes se présentent au public, chacun assis sur une chaise, guitare à la main. En ce début acoustique, ils interprètent la chanson thème de leur formation, suivie d’un titre solo de chacun des membres. On remarque tout de suite que nous n’avons pas affaire à un simple spectacle. Les différents morceaux sont ré-imaginés en trio, donnant vie à une superbe version de Cantalou ornée des harmonies de Cassidy et Roy.

D’entrée de jeu, une connexion spéciale s’installe entre eux et le public. Presque silencieuse par moment, la foule est admirative des talents qui se déploient devant elle. Cependant, ce court moment guitare-voix était loin d’être annonciateur du reste du spectacle…

Fin du segment plus intimiste, Thierry, Lou-Adriane et Ariane se lèvent et leur band fait son entrée sur scène. Le rythme devient effréné, la batterie et les guitares se déchainent. Leurs voix s’y mêlent à merveille. La proposition des trois protagonistes est rock, ça décoiffe et ça fait bouger le Club Soda.

Les trois membres sautent, dansent  et s’échangent de nombreux sourires; leur plaisir est contagieux. Ils s’échangent le rôle principal alors qu’on navigue dans leurs discographies respectives. Le résultat est cohérent et on salue tout le travail réalisé pour ficeler une telle soirée. 

Ce qui monte doit redescendre, Le Roy, La Rose & Le Lou[p] ont offert un moment de douceur et de calme au public en fin de spectacle. Au piano et accompagnée par la voix d’Ariane Roy, Lou-Adriane Cassidy a chanté Ça va ça va. Sa délicatesse a charmé les gens présents et c’était sans équivoque l’un des moments phares du spectacle.

Après le titre Les amants de Pompéi porté par les chants du public, Thierry Larose s’est écrié « Vive la musique québécoise! », deux fois plutôt qu’une. Si l’art de ces trois artistes prometteurs ne vous convainc pas que de la bonne musique peut se faire ici, aussi bien vous traiter de cause perdue…

Crédit photo : Jacob Langlois-Pelletier

art-punk / expérimental

Une soirée avec Pussy Riot: ce groupe qui n’en est pas un

par Ann Pill

Si les spectateurs pensaient assister à un concert des Pussy Riot, ils ont peut-être été un peu déçus par leur prestation à guichets fermés mercredi soir au Théâtre Rialto.

Ceux qui s’attendaient à une expérience d’activisme multimédia, à une performance absurde mais émouvante et poignante, ont été servis. La salle de ce magnifique ancien cinéma était pleine à craquer, mais la scène était étrangement stérile. Quelques tambours, quelques pieds de micro, un DJ et une longue table avec une quantité ridicule de bouteilles d’eau (nous reviendrons sur les bouteilles d’eau plus tard).

Le spectacle, intitulé Riot Days, est une « pièce » au sens le plus large du terme, basée sur le livre de Maria (Masha) Alyokhina, membre de la communauté Pussy Riot. Il s’agit des mémoires de Maria (Masha) Alyokhina, qui raconte les deux années qu’elle a passées dans une prison du goulag après la fameuse action « punk-prayer ».

Pour les non-initiés, les Pussy Riot sont un groupe de protestation féministe et un collectif artistique. En 2012, elles ont donné une de leurs célèbres représentations de guérilla à la cathédrale de l’église du Christ-Sauveur de Moscou, pour protester contre la réélection de Poutine et ses liens avec l’Église.

Les Pussy Riot ont compté 10 à 15 membres au fil des ans, mais seules quatre d’entre elles se sont produites : Maria Alyokhina, Diana Burkot, Olga Borisova et Alina Petrovna.


Alexander Cheparukhin, producteur et réalisateur des éléments visuels des Riot Days, a présenté le groupe. « Ils n’ont jamais été un groupe punk », a-t-il dit à la foule, « ils n’ont jamais été un groupe du tout. »

On pouvait sentir l’incertitude au sein du public quant à ce qu’ils attendaient de cette soirée.

Des codes permettant de faire des dons aux hôpitaux pour enfants ukrainiens étaient disséminés un peu partout. Les membres de Pussy Riot n’ont jamais perdu de vue les réalités de la guerre et la situation en Russie pendant leur performance.

Le spectacle a commencé par une performance de Liza Anne, une ouverture parfaite qui a donné le ton de l’activisme étrange de la soirée. C’était à la fois beau et émouvant quand elle a parlé de son coming out à 30 ans et comment maintenant elle est « sobre, amoureuse, et que tout a un sens ». Dans la foulée, elle s’est lancée dans un numéro chorégraphié délicieusement déroutant sur son amour pour Shania Twain.

Cette combinaison de beauté, d’émotion, de chaos, de confusion et d’humour a été le fil conducteur de la soirée. La performance des Pussy Riot nous a mis en état d’alerte. À un moment donné, Alyokhina s’est tenue au centre de la scène, se versant une bouteille d’eau après l’autre sur la tête, tandis que Borisova arrosait le public.


La leader, trempée de sueur, allume une cigarette et tout le groupe commence à faire des tours de piste.

Chaque élément du spectacle était intrinsèquement relié. Pour les non russophones, le texte à l’écran a clarifié l’élément narratif du spectacle. Cela a également conduit à des parties incroyables du spectacle où l’on pouvait lire en lettres géantes tout en majuscules : « Poutine s’est pissé dessus. »  

Il y avait des vidéos des Pussy Riot au moment de leur arrestation et du contenu de leur infâme prière punk qui a vraiment mis le public dans le contexte de la Russie de l’époque. Chaque livre devrait être accompagné d’un récit d’une heure et demie qui vous est hurlé en russe alors que vous êtes aspergé d’eau.

Bien qu’il ne soit pas certain que le public ait payé pour cela, il était certainement engagé et personne ne pouvait détourner le regard. Le spectacle a vraiment pris de l’ampleur après l’arrosage de bouteilles d’eau. Malheureusement, le son était un peu bizarre. Mais le spectacle était tellement synchronisé et chorégraphié qu’il a pu suivre son cours.


Les Pussy Riot ont sorti beaucoup de nouvelles musiques ces deux dernières années, avec des éléments vraiment sympas, mais nous n’avons entendu aucun de ces succès lors de ce spectacle. La musique était surtout un outil pour vous tenir au courant de l’histoire de Masha. Il ne s’agissait ni de leur ancien son punk brut, ni de leur nouvelle musique pop électronique plus accessible. C’était une bande-son expérimentale presque industrielle. 

Ce n’était pas un concert. Les Pussy Riot ne sont pas un groupe. Il s’agit d’un groupe d’activisme politique qui a diffusé son message par le biais de la musique. Mais leur message féministe anti-Poutine est plus important que jamais. Et si entre l’eau dans les yeux et la surcharge sensorielle qui s’est produite sur scène, le message à retenir était peut-être « Poutine a fait pipi dans son pantalon. »


Crédit photo: Sarah O’ Driscoll 

Festival Ligeti à la Salle Bourgie | Pierre-Laurent Aimard : Touchantes et transcendantes perspectives

par Rédaction PAN M 360

Il y a cent ans déjà, le fascinant compositeur hongrois György Ligeti voyait le jour. Même s’il a disparu en 2006, sa musique a préservé une trace imposante sur la musique contemporaine et actuelle des XXe et XXIe siècles. La Salle Bourgie et le Quatuor Ligeti ont invité une foule d’interprètes et de compositeurs à venir rendre hommage à cet architecte sonore aussi diversifié que bouleversant.

La musique de Ligeti est difficile à définir en une seule œuvre puisqu’elle évolue non seulement à travers les formats dans le quel il a composé, mais aussi à travers les périodes. Ainsi, il était impossible d’adéquatement représenter et honorer son œuvre à travers un seul concert. C’est pourquoi ce festival est composé de trois concerts distincts, indépendants, pour t’enter de représenter les différents aspects du travail de Ligeti et de le présenter à un public souvent déjà conquis, mais toujours aussi curieux face à une musique si inusitée.

Le dernier concert du Festival Ligeti invitait un musicien de marque. Le fantastique pianiste français Pierre-Laurent Aimard venait rendre un hommage remarqué et sincère à un proche collaborateur et ami en la personne de Ligeti. Il a proposé un touchante mise en perspective des œuvres pour piano du compositeur avec les œuvres du répertoire classique (avec Beethoven), romantique (avec Chopin) et moderne (avec Debussy). C’était également l’occasion de mettre en valeur le nouveau piano à queue de concert de la Salle Bourgie (un Steinway modèle D-274 de Hambourg).

La première partie est entièrement consacrée à l’alternance entre les mouvements de la Musica ricercata (1951-1953) de Ligeti et des Bagatelles de Beethoven (une sélection parmi elles). On apprécie la manière avec laquelle Aimard met en évidence les idées en résonnance et les liens étroits entre l’écriture des deux compositeurs. On se surprend à parfois perdre le fil et à confondre les deux compositeurs, du moins lorsque l’on ne connait pas les œuvres par cœur. On ne peut qu’admirer l’interprétation intense et magnifique de la part du pianiste.

Le programme de la seconde partie a été modifié, offrant à nouveau une alternance de compositeurs, cette fois-ci entre les œuvres de Ligeti, Chopin et Debussy. Cela donne l’occasion à Aimard de comenter chaque œuvre du programme et d’en expliquer la logique. L’attention avec laquelle il a reconstruit le programme démontre tout l’amour sincère qu’il portait pour Ligeti et sa musique, et on le sent à travers l’exploration harmonique, mélodique et rythmique qu’il a proposé. Il offre même un rappel, où il joue l’œuvre Fanfares qui avait été retirée du programme. Un grand succès et une belle occasion de réfléchir sur les échos entre les époques.

On peut qualifier la célébration de György Ligeti et son Festival à la Salle Bourgie comme un succès. Que cela soit une occasion de découvrir ou d’approfondir sa connaissance sur le compositeur hongrois, une chose est sûre : il a été impossible de rester passif devant la musique intensément créative et époustouflante de ce monument de la musique contemporaine.

Crédit photo : Claudine Jacques

Festival Ligeti à la Salle Bourgie | Quatuor Ligeti : Comment honorer un géant?

par Rédaction PAN M 360

Il y a cent ans déjà, le fascinant compositeur hongrois György Ligeti voyait le jour. Même s’il a disparu en 2006, sa musique a préservé une trace imposante sur la musique contemporaine et actuelle des XXe et XXIe siècles. La Salle Bourgie et le Quatuor Ligeti ont invité une foule d’interprètes et de compositeurs à venir rendre hommage à cet architecte sonore aussi diversifié que bouleversant.

La musique de Ligeti est difficile à définir en une seule œuvre puisqu’elle évolue non seulement à travers les formats dans le quel il a composé, mais aussi à travers les périodes. Ainsi, il était impossible d’adéquatement représenter et honorer son œuvre à travers un seul concert. C’est pourquoi ce festival est composé de trois concerts distincts, indépendants, pour t’enter de représenter les différents aspects du travail de Ligeti et de le présenter à un public souvent déjà conquis, mais toujours aussi curieux face à une musique si inusitée.

Le second concert, dimanche après-midi, était l’occasion pour plusieurs compositeurs de rendre hommage à György Ligeti à travers des œuvres commandées par le Quatuor Ligeti. On entend des œuvres de Nicole Lizée, de Xiaoyong Chen, d’Emily Hazrati, de Mandhira de Saram, de Rolf Hind, de Sidney Corbett, d’Ana Sokolovic, et surtout de Lukas Ligeti, le fils de György, dont l’œuvre Entasis ouvrait le programme.

On retrouve dans leurs œuvres des évocations, des pastiches et des emprunts au style particulier de Ligeti (père). On explore à la fois les rythmes et les timbres, jumelant à quelques reprises la voix et les sifflements aux sont rudes des techniques de violon souvent demandées par le compositeur. On se rend compte durant cette première partie à quel point Ligeti a su utiliser l’étendue du langage musical contemporain, en ajoutant des dimensions de texture et d’intensité qui ont inspiré plusieurs générations de compositeurs après lui. Le Quatuor Ligeti est d’une qualité exemplaire et communique parfaitement les intentions des partitions.

Le concert s’est terminé par les deux Quatuor à cordes du compositeur, des œuvres qui mettent en valeur l’agressivité et la délicatesse anxiogène du style plus mature de Ligeti. Les contrastes sont frappants, sur le plan des sonorités et de l’intensité, et on est facilement happés par la force de l’écriture. On est épuisés à la fin, mais on en sort rassasiés et marqués.

Pour lire le compte rendu du troisième et dernier concert, c’est ICI!

Crédit photo : Claudine Jacques

Festival Ligeti à la Salle Bourgie | Ensemble de l’OSM et Quatuor Ligeti : Un compositeur aux multiples musicalités

par Rédaction PAN M 360

Il y a cent ans déjà, le fascinant compositeur hongrois György Ligeti voyait le jour. Même s’il a disparu en 2006, sa musique a préservé une trace imposante sur la musique contemporaine et actuelle des XXe et XXIe siècles. La Salle Bourgie et le Quatuor Ligeti ont invité une foule d’interprètes et de compositeurs à venir rendre hommage à cet architecte sonore aussi diversifié que bouleversant.

La musique de Ligeti est difficile à définir en une seule œuvre puisqu’elle évolue non seulement à travers les formats dans le quel il a composé, mais aussi à travers les périodes. Ainsi, il était impossible d’adéquatement représenter et honorer son œuvre à travers un seul concert. C’est pourquoi ce festival est composé de trois concerts distincts, indépendants, pour t’enter de représenter les différents aspects du travail de Ligeti et de le présenter à un public souvent déjà conquis, mais toujours aussi curieux face à une musique si inusitée.

Le concert de samedi soir ouvrait le bal avec des invités talentueux qui venaient soit compléter le Quatuor Ligeti pour des œuvres avec un effectif plus grand, soit offrir leur propre interprétation des œuvres du compositeur.

Le chef Jean-Michaël Lavoie et l’Ensemble de l’Université de Montréal et de l’Université McGill, formé d’étudiants provenant des deux facultés de musique, ont assisté le Quatuor dans la réalisation de Ramifications, une œuvre datant de la fin des années 1960 et qui fait solidement partie de son style plus texturé et aujourd’hui associé au suspense (grâce à Stanley Kubrick). L’interprétation est exemplaire et le public apprécie beaucoup.

Une délégation de l’OSM, composée d’instruments à vent (cuivres et bois), a présenté Kammerkonzert (Concerto de chambre, composé en 1969-70), avec un effectif élargi, et Six Bagatelles pour quintette à vent (1953). Dans les deux œuvres, le mariage des timbres et des textures était tout à fait délectable. La maîtrise des sonorités des musiciens de l’OSM était plus qu’adéquate pour rendre hommage à de telles œuvres.

Un souci de santé a forcé un changement un programme, et on fait pour la première fois la rencontre plus intime avec le Quatuor Ligeti, qui a gentiment proposé de jouer des œuvres qui n’étaient pas au programme. On a ainsi pu entendre un plus large éventail des styles compositionnels de Ligeti, avec de belles mises en contexte par les membres du Quatuor. Une fenêtre sur un style plus mélodique, on apprécie beaucoup l’effort impromptu des musiciens, et les œuvres (des extraits du répertoire pour cordes) étaient magnifiques.

Lisez le compte rendu du deuxième concert ICI!

Crédit photo : Simon Laroche

Coup de cœur francophone | Mission accomplie pour Likouri et Madame Autruche

par Michel Labrecque

Assister à un spectacle au Quai Des Brumes, ce bar emblématique de la contre-culture du Plateau Mont-Royal, fait toujours ressortir une tonne de souvenirs. Les bières après les répétitions de chorale, les premiers shows de Lhasa De Sela, alors inconnue. Le lieu est magnifique et il est plein d’histoires.

Lesamedi  4 novembre, Coup de cœur francophone nous a présenté deux jeunes autrices-compositrices très différentes musicalement, mais très complémentaires au fil d’arrivée.

Likouri est chanteuse, accordéoniste et compositrice à la tête d’un sextette acoustique. Elle aime raconter ses histoires de vie, plutôt tristes, mais avec beaucoup d’humour. Dès le départ, elle nous invite à entrer dans son « chaos organisé », nous parle de fuite, de whisky et de déni du paradis. 

Alors que ses monologues sont présentés en français québécois, ses chansons, elles, sont écrites en français de France. La musique est un mélange de valse musette, de tzigane, de klezmer, avec quelques saillies jazz. Accordéon, violon, violoncelle, contrebasse, clarinette et bandolim. Un joli mélange, que toutefois l’acoustique du bar ne permet pas d’apprécier pleinement. 

Le spectacle reprend plusieurs chansons du seul album de Likouri, Aza ainsi que de nouvelles pièces, dont deux sont chantées dans un espagnol très convenable. 

Mais c’est surtout la personnalité de Likouri,  capable d’une grande autodérision, qui semble avoir gagné les cœurs. 

À la fin de la performance, elle a revêtu un keffieh, le foulard palestinien, pour exprimer son indignation face aux bombardements Israéliens sur Gaza et à l’apartheid qui y règne depuis des décennies. C’était bien senti. Sauf qu’elle n’a jamais parlé des morts israéliens du 7 octobre. Ce qui m’a laissé sur un malaise. 

Madame Autruche, alias Mélisande Archambault, a pris le relais, avec son violon et son trio de musiciens. Une musique folk, rock, atmosphérique, assortie de textes très personnels. 

J’ai découvert Madame Autruche l’été dernier dans un lieu très improbable: Ste-Rose du Nord, petit village sur le fjord du Saguenay, où elle se produisait dans un bar minuscule. J’ai été séduit par la proposition. Cette femme a construit une identité personnelle. 

Par la suite, j’ai appris que Mélisande Archambault a travaillé avec les groupes Canaille, Groenland et Les Royals Pickles. Et que Madame Autruche avait fait deux albums: Les Pentes Glissantes en 2019 et Réveillez-moi quand il fera beau en 2023.  

S’il y a un trait commun entre Likouri et Madame Autruche, c’est la capacité d’autodérision. Féminine. Mais qui laisse une place à la jubilation.

Mélisande Archambault n’est pas une virtuose du violon, mais elle sait se servir très intelligemment de son instrument pour en tirer le meilleur. Les trois musiciens accompagnateurs sont talentueux , particulièrement le guitariste , qui a ficelé des solos très inspirés. On en aurait pris davantage. 

L’esprit du Coup de cœur francophone, c’est la découverte. À cet égard, cette soirée est une mission accomplie.

Chanson francophone / folk progressif / jazz / rock prog

Coup de cœur francophone | Pierre Flynn, lumineux ténébreux

par Claude André

Tout vêtu de noir, arborant chapeau et barbe poivre et sel, Pierre Flynn s’est présenté hier sur la scène du superbe Gesù sous un faisceau blanc en nous parlant de cette voix angélique qu’il a entendu un jour avant de s’installer au piano pour Je suis tout seul dans le noir.

 À voir la façon très chaleureuse dont le public l’accueille, on se dit qu’il y a quelque chose de légèrement mystique dans cette relation qui le lie certes à ses fidèles, mais aussi dans sa dégaine de ténébreux lumineux.

« Pierre Flynn, 50 years of progressive rock »… C’est cette phrase entendue à… CHOM FM, et soufflée par son voisin anglo un beau matin, qui aura servi de prétexte à cette rencontre avec « quelques copains », puisque ce grand procrastinateur n’a rien de neuf à proposer coté chanson.

Qu’à cela ne tienne, il en a ressorti quelques-unes qui dormaient dans sa garde-robe, dont le classique rock La Maudite machine de son ancienne formation Octobre. Une relecture vachement bien rendue, lorsque seul avec sa guitare et ses samples, il nous aura fait balancer la tête et taper du pied à l’unisson. Moment rare et précieux, car longtemps il refusa de la reprendre puisqu’elle lui torturait trop la nostalgie. Ce qui nous a valu une autre de ses anecdotes savoureuses dont le spectacle est truffé, celle du temps de sa jeunesse où il traînait dans le Vieux-Montréal, lorsqu’on pouvait compter sur la police de Montréal pour faire repartir le party à coup de matraque quand, vers minuit, il commençait à s’éteindre.

Des rencontres 

Ou cette autre scène de vie faisant allusion à sa rencontre avec un autre beau torturé : Gilbert Langevin. Poète engagé trop méconnu qui lui offrit Si ciel il y a, après une nuit bien arrosée où il se fit tabasser par des Hells qu’il avait « un peu bavé ». Sans oublier ce face à face avec Renée Martel dans un resto de l’Estrie qu’il n’avait pas reconnue, mais qui, pas rancunière, lui demanda plus tard une chanson et ce fut Nous vivrons. Hier soir, le public eut même droit à une relecture du Petit Roi, associé à Ferland mais de Michel Robidoux. L’homme qui tirait aussi les ficelles quand Charlebois, après sa période très chansonnier, est devenu « une bibitte à patates post nucléaire sur l’acide » s’amuse Flynn.

Alter ego de Michel Faubert, qui signe d’ailleurs la mise en scène de ce spectacle intimiste, Flynn fait fort avec Possession lorsque muni d’une lourde chaîne, il marque la cadence en la tapant par terre, dans un amas de lumière rouge. C’est à ce moment-là qu’on se souvient que Flynn, moins tapageur que certains de ses collègues, a quand même tissé, au fil des ans, un collier de chansons qui demeurent parmi les plus belles du corpus québécois et dont plusieurs ont été des tubes : Sur la route, Jardins de Babylone et autres 24 secondes.

Sensibilité pudique, mélodies de haut vol, métaphores bien ficelées, Flynn nous a rappelé hier qu’il fait partie du gotha de la chanson francophone imbibée d’américanité. À consommer sans modération.

crédit photo: Jean-François Leblanc

SMCQ | À la croisée des pianos 8 : Moritz Ernst complète le cycle avec succès

par Elena Mandolini

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Pour le dernier volet de 8 concerts organisés par la SMCQ autour du répertoire contemporain, Moritz Ernst a de nouveau pris la scène pour compléter le cycle de Sandeep Bhagwati, Music of Crossings, grand cycle de 36 fragments qui avait été amorcé vendredi soir. Ce récital a également clos le marathon proposé par la SMCQ.

Ernst n’a pas déçu le public, maintenant tout au long du concert un jeu de très haut niveau, comme il nous y avait habitué déjà dans ses deux autres interprétations de la musique de Bhagwati. Des fragments présentés dimanche semblait se détacher un thème plus onirique et parfois humoristique. En effet, les fragments, toujours accompagnés d’un court texte projeté sur le mur du fond de la salle, étaient parfois épurés, aux lignes mélodiques résonantes. Ces extraits invitaient à la contemplation et au recueillement. Inversement, certains fragments, très rythmiques, débordaient d’une énergie contagieuse et parfois ludique. De nouveau, le répertoire proposé était tout en contrastes, et Moritz Ernst a su souligner ces contrastes de manière très convaincante. Le pianiste a de nouveau réaffirmé sa grande polyvalence en tant que pianiste, autant dans son agilité que dans sa sensibilité.

Les dernières notes du dernier fragment, du dernier concert de la soirée et de la série étaient jouées pianissimo, s’estompant dans la salle. Le public a observé en silence cette finale tout à fait réussie et pleine de recueillement. Le pianiste et le compositeur ont été chaudement applaudis, ce qui était grandement mérité. Une superbe conclusion à ce marathon!

Pour connaître la programmation complète de la SMCQ, c’est ICI!

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 7: Daniel Áñez et Brigitte Poulin au service de…

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Wiegenmusik et Guero, œuvres d’Helmut Lachenmann créées respectivement en 1963 et en 1969, se penchent sur les sonorités que produisent le toucher des ivoires et de la table d’harmonie, sans que des notes en bonne et due forme soient déclenchées par l’instrument, sauf exception. 

Le pianiste  Daniel Áñez devra ensuite changer d’instrument pour un autre, car le Conservatoire ne permet aucune intervention interne sur ses meilleurs pianos. Le soliste revient sur scène et cette fois, c’est Turkey Track Horizon de Gordon Monahan. Le  discours mélodico-harmonique est fragmenté, les notes sont éparses, le discours on ne peut plus minimaliste. Puis les phrases s’enrichissent, la main gauche joue des notes plus fortes et plus franches pour ensuite retourner progressivement au calme initial.

Vient ensuite Sempre d’Émilie Girard-Charest, créée en 2019,  consacrée à la répétition de motifs atonaux très simples et très percussifs, martelés pendant de longues minutes avant de faire place à un seule note quelques fois répétées avant la reprise du martèlement.

Le deuxième volet pianistique du programme est assuré par l’interprète Brigitte Poulin, qui se consacre d’abord à 2 extraits de Rivers d’Ann Southam, créée en 1981. Une séquence introspective, soit la partie 6 de l’œuvre,  précède la partie 6, soit la fort belle cascade d’un même motif exécuté par les deux mains et qui se rend à bon port. 

Puis se succèdent de courtes œuvres exécutées par Brigitte Poulin, Six Encores de Luciano Berio, cette fois consonantes, tonales, méditatives, de plus en plus fortes en volume jusqu’au fil d’arrivée.

On se dirige alors vers une œuvre de Jocelyn Morlock, Korybantic, véritable foisonnement d’harmonies modernes assorties de notes plus agressivement générées par l’interprète avant qu’elle n’actionne un motif de la main gauche en soutien à une main droite élaborant un solide complément.
Le programme se termine  par une autre intervention de Marie-Annick Béliveau, cette fois 3 extraits bien sentis des Chants du capricorne de Giacinto Scelsi, une œuvre vocale contemporaine imaginée au long des années 60.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 6: Eric Bertsch et l’œuvre ambitieuse de Marco Stroppa

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Au début de l’après-midi dominical, Erik Bertsch interprétait une œuvre ambitieuse, composée en 1976 par Marco Stroppa, et retouchée au fil du temps: Miniature estrose – Primo libro.

Pendant une heure approx, nous avons été plongés dans une esthétique typique de cette époque où l’atonalité, l’arythmie et des procédés atypiques d’ajustement des pédales (pour en varier la réverbération) servaient des constructions éminemment complexes à exécuter, exigeant une grande virtuosité. 

Déployée en 7 parties précédées d’un ajustement des pédales du piano, cette œuvre implique effectivement différentes techniques pianistiques et intentions « dramatiques »,  parfaitement inscrite dans l’époque de la conception de cette œuvre. La variété des effets exécutés par Erik Bertsch est tout simplement remarquable: trilles insistantes, clapotis harmoniques, clusters de notes exécutées par les deux mains, salves percussives, effets de réverbération sur tout le registre du clavier, usage interne de la table d’harmonie, on en passe.

Au milieu des années 70, cette esthétique atonale sans compromis tonal ou modal dominait encore largement le paysage de la musique contemporaine, et l’on peut aujourd’hui voir dans cette œuvre un document historique à tout le moins instructif.

En fin de programme, la mezzo soprano Marie-Annick Béliveau “accueillait” les mélomanes à la sortie de la salle du Conservatoire pour y exécuter en plus ou moins une dizaine de minutes deux titres consécutif du compositeur montréalais Sandeep Bagwati – Raggerlieder et Virelais for Virus Days, cette dernière étant un discours atonal sur fond linéaire de fréquences électroniques.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 5 : Moritz Ernst un samedi soir

par Alain Brunet

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Moritz Ernst débarque sur scène avec des gants coupés au milieu des doigts. On comprendra que les techniques exigées par certaines œuvres impliquent les poings, les jointures et la paume de la main, ce qui explique cette protection. Il amorce ce récital par Aqua Sonare de la compositrice Anna Korsun,  Une courte phrase mélodique exécutée à la main droite se veut le liant d’une série de vrombissements et martèlements pianistiques qui font ressortir les harmoniques. 

D’une rigueur implacable, le pianiste allemand poursuivait avec Philip the Wanderer de Cassandra Miller, qui s’amorce dans les notes les plus graves du clavier et des effets de pédales qui en accentuent la réverbération. Encore là, on assiste à une quête texturale et non à un discours fondé sur l’articulation mélodico-harmonique, qui se développe dans les notes graves et les harmoniques infra-graves et progresse très lentement vers des fréquences médianes effectuées à la main droite pour conclure à une sorte de bourgeonnement harmonique généré par les deux mains et qui se conclut sur des notes aiguës exécutées par la droite.

Vient ensuite hundertelf de Sarah Nemstov, une des plus intéressantes au programme, suite de clapotis pianistiques et d’effets de résonnance.  Les choix harmoniques, consonants et dissonants, sont tout à fait circonspects et produisent une facture générale unique.

On enchaîne avec une création sans titre définitif du compositeur Serge Arcuri. Voilà un discours plutôt calme, exploitant tous les intervalles de l’instrument, non sans rappeler les explorations contemporaines du siècle précédent. Or, on y trouve aussi des accords consonants, des séquences tout à fait tonales.Nous avons affaire ici à une œuvre hybride puisant dans différentes périodes de la musique occidentale.

On conclut le tout par la 4e partie de Klavierstück X de feu Karlheinz Stockhausen, répartie en 11 tableaux et composée en 1961. Parfaitement représentative de cette époque « prise de tête » de la musique contemporaine, excluant à peu près tous les référents musicaux des époques antérieures de la musique européenne. Violente, percussive, authentique esclandre pianistique, cette œuvre illustre les  recherches esthétiques mise de l’avant par la fameuse école de Darmstadt à la fin des années 40.

musique contemporaine

SMCQ | À la croisée des pianos 4 : Moritz Ernst poursuit le cycle

par Alexandre Villemaire

La SMCQ présente du 3 au 5 novembre un véritable marathon pianistique. Une série de huit concerts sera présentée à la salle de concert du Conservatoire de musique et d’art dramatique de Montréal et se présente comme un rendez-vous à ne pas manquer en piano contemporain. L’équipe de PAN M 360 assiste à cet événement et vous font part de leurs impressions tout au long de ces trois jours.

Le pianiste allemand Moritz Ernst poursuit la présentation entamée la veille du grand cycle pour piano Music of Crossings de Sandeep Bhagwati. Composé de 36 fragments, cette deuxième partie mettait de l’avant  douze d’entres eux. La suite des fragments proposés dans le programme offrait un bon dosage entre exubérance, légèreté, drame et lyrisme. Faisant appel à 4 vecteurs compositionnel (choix des hauteurs, dramaturgie interne de la musique, texture des deux mains et articulation des doigts) organisé de différentes manières chacune des pièces étaient accompagné d’un poème – la plus part du temps de la main de Bhagwati -, ce qui donnait du relief à sa signification musicale. Ainsi, le fragment 26 « espèce de mouche » avec ces traits véloce dans l’aigu créé un bourdonnement évoquant une nué d’insecte alors que le fragment 19 « diabellissimo » (pour Ludwig van Beethoven) évoque parfaitement, par ses accords pesant dans le grave au dessus desquelles s’agite des notes frénétiques, le caractère bouillant et intempestif du compositeur allemand, pour ne nommer que ceux-ci. La nature amovible et indépendante de chacun des fragments créé un narratif sonore dans lequel le public est happé et se sent investie dans l’univers sonore qui se dessine devant lui, appréhendant quelle fenêtre va s’ouvrir devant lui. Il régnait dans la Salle de concert du Conservatoire un état d’esprit absorbé et engagé devant le déroulement de ce récit. L’intérêt de l’auditoire à suivre ce qui l’attend était également entretenu par la concentration et l’intensité de Moritz Ernst, parfaitement juste dans son interprétation sensible et dynamique.

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Crédit photo : Alain Lefort

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