expérimental / contemporain / musique contemporaine

SMCQ: Prana, respiration, « comprovisation »

par Alain Brunet

Sandeep Bhagwati est une authentique et vibrante incarnation du transculturalisme en musique, on en contemple l’étendue au cours de la saison 2023-24 de la SMCQ, en voici la plus récente illustration : lundi et mardi dernier au Coeur des Sciences de l’UQAM rempli à pleine capacité, le compositeur mis en lumière dans la Série Hommage de la SMCQ proposait une œuvre « profondément émotionnelle, spirituelle et immersive ».

Pour 4 voix et 4 trombones, Prana explore la respiration en s’inspirant de concepts spirituels issus d’Asie méridionale. Au programme, inspiration, expiration, méditation, quête texturale, fréquentation des 7 chakras yogiques du corps, exécution, comprovisation – combinaison des mots composition et improvisation, illustrant et assumant la coexistence dynamique de ces deux pratiques dans la création musicale.

 

Isolés dans différentes localités pendant la pandémie, les trombonistes avaient uni  (en visio, on imagine) leurs souffles respectifs, grâce aux exercices de respiration induits par ce projet de comprovisation. Inspiré par cette expérience, Bhagwati a composé Music of Breaths, écrite cette fois pour quatre voix a cappella. De cette idée de fusionner les deux expériences naquit Prana.

« En sanskrit, explique Bhagwati d’entrée de jeu, Pra signifie remplir et Na signifie la vie ou la respiration. » Ainsi, Prana explore les sons générés par le souffle humain et offre « de nouvelles perspectives dans votre manière de respirer et d’écouter ».

Montréalais d’adoption issu des cultures indienne et allemande, le compositeur et théroricien de la comprovisation transculturelle s’exprime ici en français, anglais et allemand. Il introduit en toute clarté son œuvre composite, fondée sur une synthèse de concepts à la fois philosophiques et spirituels, concepts induisant les sons à exprimer par les 4 chanteuses et les 4 trombonistes : Kathy Kennedy, Sarah Albu, Elizabeth Lima, Andrea Young, Felix Del Tredici, Kalun Leung, David Taylor, David Whitwell

D’abord c’est l’expression des cuivres qui s’échangent des notes longuement expirées, puis c’est au tour des voix de s’exprimer sur des fréquences linéaires. Puis les 8 artistes travaillent ensemble,  puis en sections, et ainsi de suite jusqu’à une conclusion plus élaborée au plan compositionnel.

Les techniques étendues du jeu de trombone (grommellements, harmoniques graves, souffle humain exacerbé à travers le son de l’instrument , etc.) et des voix (jeux subtils d’onomatopées, vaste lexique de recherches texturales, etc.) nous mènent à cette zone de comprovisation aménagée par Sandeep Bhagwati.

La structure des jeux d’expressions est simple et exige la créativité de chaque interprète en temps réel, ce qui n’est pas sans rappeler plusieurs expériences d’improvisation libre observées au fil des dernières décennies, légèrement harnachées par un système compositionnel peu contraignant. La surimpression des voix et des trombones exige néanmoins une vraie cohérence compositionnelle, des éléments pré-enregistrés (évocations respiratoires directes ou indirectes, etc.). Les trombones optent alors pour des sons continus et les voix s’expriment en saccades, ce qui produit un contrepoint intéressant.

Des fragments de mélodies s’imbriquent subséquemment dans un tout organisé, côté trombones, un bestiaire vocal se met alors en branle et nous sommes alors quelque part entre le concert et la randonnée en forêt équatorienne. 

En fin de parcours, l’organisation des sons imaginés par Sandeep Bhagwati devient plus dense et plus complexe, ce qui requiert une direction d’orchestre (Cristian Gort) et un effort supplémentaire des interprètes pour étoffer le discours et en exécuter la conclusion.

crédit photo: Marie-Ève LaBadie 

classique / classique moderne / post-romantique / tango nuevo

Influences d’Obiora

par Alexandre Villemaire

Sous la thématique Influences, un concert a réuni dans son programme des œuvres orchestrales qui sont nées des différentes influences de leur compositeur, que ce soit en puisant dans leur origine ou en se nourrissant de l’amitié des gens qui les entourait.

Ce samedi, donc,  l’Ensemble Obiora, premier ensemble canadien à réunir musiciennes et musiciens issus de la diversité, présentait dans le cadre du Mois de l’Histoire des Noirs, le troisième concert de sa saison 2023-2024 à la Salle Pierre-Mercure. 

Avec comme soliste invité le violoncelliste Juan Sebastian Delgado, le concert marquait également les débuts du chef afro-canadien Daniel Bartholomew-Poyser dans sa ville natale après avoir passé plusieurs années à l’extérieur du Québec, notamment en Nouvelle-Écosse, en Ontario et aux États-Unis. 

Il s’agissait également de la première mondiale de l’arrangement du compositeur argentin Marcelo Nisinman du Grand Tango de son compatriote Astor Piazzolla commandé par Delgado et l’Ensemble Obiora. 

En ouverture, l’œuvre Polyphonic Lively, du compositeur canadien d’origine sri-lankaise Dinuk Wijeratne a plongé l’auditoire dans un univers sonore contrasté et d’une grande vivacité. Tirant son nom d’une toile de Paul Klee, Wijeratne puise dans les racines musicales du Sri Lanka et leur donnent une patine orchestrale axée sur des effets de couleurs et de timbres où plusieurs lignes mélodiques coexistent et se répondent.

Atmosphérique et variée par ses modes de jeu étendu et son instrumentation imagé, notamment du côté des percussions, sa facture nous évoque la fraîcheur du début de la modernité du XXe siècle. 

S’en est suivie la portion tangoesque du concert. Présenté dans un format d’orchestre de chambre, Graciela y Buenos Aires de José Bragato a mis de l’avant la musicalité et la virtuosité de Juan Sebastian Delgado, récemment honoré du prix Opus d’Interprète de l’année et du prix du Rayonnement à l’étranger avec Krystina Marcoux du duo Stick & Bow. Pièce qualifiée de « trompeuse » par maestro Bartholomew-Poyser à cause de ses nombreux changements de tempo, Delgado et l’orchestre ont navigué avec aisance, écoute et ressenti dans cette danse langoureuse dirigée de manière dynamique et élégante.

Œuvre emblématique du répertoire, Le Grand Tango de Piazzolla prolonge cette atmosphère langoureuse soutenue par une harmonie de cordes tantôt voluptueuses, tantôt déchaînées. Dans les deux cas, la relation entre Delgado et son instrument a été des plus fusionnelle, le musicien allant chercher des sonorités poignantes et déchirantes avec douceur et énergie.

Au retour de l’entracte, la soirée s’est conclue avec les célèbres Variations Enigma d’Edward Elgar. Résultat d’un moment d’improvisation autour du piano avec sa femme alors que ce dernier venait de vivre une journée particulièrement éreintante, chaque variation autour du thème est une évocation musicale de ces plus proches amis. La plus célèbre des variations, Nimrod,  est dédiée à son meilleur ami Augustus Jaeger qui, alors qu’Elgar était aux prises avec une dépression et une profonde remise en question, lui a redonné confiance face à l’écriture. Profondément élégiaque et personnelle, l’œuvre avec ces treize autres variations, oscillant entre caractère léger, humoristique et énergique, a été livrée de manière magistrale par la main de Daniel Bartholomew-Poyser. Énergique, sensible, le chef a tiré parti de chaque section de l’orchestre dans une direction cohérente et inspirée à chaque instant.

Au-delà des influences musicales manifestes qui ont caractérisé et porté ce programme, c’est également l’influence même d’Obiora au sein de la communauté qui amène un nouveau public plus jeune, diversifié, composé de familles, comme en témoigne une Salle Pierre-Mercure bien garnie. Par la qualité de son orchestre, l’originalité de sa programmation et sa mission engagée, l’ensemble continue d’épater, de surprendre et, à la manière de son concert, d’influer sur le milieu musical montréalais. 

Crédit photo: Melissa Taylor

jazz contemporain / musique de chambre

Très élégant mariage de cordes et de jazz

par Michel Labrecque

C’était une soirée frisquette! Le vent pinçait nos visages. Mais, une fois à l’intérieur de la Cinquième salle de la Place des Arts, c’était les cordes des violons, des altos, des violoncelles et même celles du piano qui étaient pincées, et il y avait beaucoup de chaleur à l’intérieur. 

Un programme double audacieux nous attendait : Sources, une suite crée par la pianiste Marianne Trudel en 2016 et Focus, une suite pour cordes et saxophone conçue en 1962 par le compositeur américain Eddie Sauer, interprétée ici par Yannick Rieu. Le liant de ces deux œuvres, c’était l’ensemble à cordes ECO de l’Orchestre national de jazz de Montréal, dirigé par Jean-Nicolas Trottier. Une vingtaine de musiciennes Un programme double audacieux nous attendait : Sources, une suite crée par la pianiste Marianne Trudel en 2016 et Focus, une suite pour cordes et saxophone conçue en 1962 par le compositeur américain Eddie Sauer, interprétée ici par Yannick Rieu. Le liant de ces deux œuvres, c’était l’ensemble à cordes ECO de l’Orchestre national de jazz de Montréal, dirigé par Jean-Nicolas Trottier. Une vingtaine de musiciennes (il y avait un homme, toutefois) aux violons, altos et violoncelles – il y avait un homme, toutefois.

Au delà de l’aspect musical, cette soirée comportait humainement quelque chose de magique. Marianne Trudel avait un besoin impérieux de communiquer avec les spectateurs. Elle a demandé à l’éclairagiste d’allumer les lumières, afin qu’elle puisse nous voir pour nous parler. 

C’est ça aussi un concert. Une rencontre. 

La suite Sources est dédiée à l’eau, sous toutes ses formes. Ça part du fleuve Saint-Laurent, près duquel Marianne a grandi, jusqu’à la pénurie éventuelle d’eau potable, en passant par la pluie. Une suite musicale liquide, qui en plus de l’ensemble à cordes, mettait en vedette les deux anciens comparses de la pianiste, le percussionniste Patrick Graham et le contrebassiste Étienne Lafrance, qui formaient le groupe jazz Trifolia dans la décennie précédente.

Nous nous sommes donc immergés dans cette musique. Au départ, le dialogue méditatif entre piano et cordes m’a rappelé Arbour Zena, de Keith Jarrett (1979), un néo-classicisme cérébral mais fluide. Petit à petit, des éléments plus jazz, plus dissonants sont apparus. Marianne Trudel a commencé à improviser et elle sait faire. Le travail de Patrick Graham aux percussions très diverses, du tambour autochtone aux mini-cymbales gamelans, est époustouflant de subtilité. 

Puis est arrivé un moment magique : quelques membres de l’ensemble à cordes ont délaissé leurs partitions écrites pour plonger dans l’improvisation. J’ai eu des frissons. J’en aurais pris un peu plus – au terme du concert, cependant, nous avons appris que ces improvisations étaient finalement écrites à la manière d’impros. Rusée Marianne!

Nous sommes arrivés à bon port avant de relarguer les amarres pour revoyager en musique avec Focus

Grâce à la présence dans la salle de l’animateur et écrivain Stanley Péan, nous avons appris que cette pièce a déjà été présentée à Montréal en 2005, dans le cadre du FIJM, par David Sanchez. 

D’entrée de jeu, la différence dans les arrangements de cordes par rapport à Sources est frappante. Ici, on est plus dans les pizzicati et les changements rythmiques audacieux. 

Cela a déjà été dit, l’américain Eddy Sauter était très inspiré par Béla Bartok (1881-1945) quand il a composé cette suite. La brillance de Sauer est de jumeler cette inspiration du compositeur hongrois, féru de folklore, avec le jazz. Ça donne un jazz de chambre très inspiré et parfumé des ambiances new-yorkaises de Broadway. 

Focus a été écrite pour le saxophoniste américain Stan Getz, qui s’est fait connaître pour ses collaborations avec les musiciens brésiliens comme Joao Gilberto. L’idée était de laisser le saxophoniste improviser autour des arrangements de cordes.

L’excellent Yannick Rieu était tout désigné pour prendre la place de Stan Getz. Il s’est totalement approprié l’œuvre à sa façon, aux saxophones ténor et soprano. C’était un Yannick Rieu plus introspectif et moins explosif qu’entendu dans d’autres concerts. C’est la musique qui voulait cela. À un moment toutefois, les cordes se sont tues pour laisser Rieu faire un long solo comme il en a le secret. 

Après deux heures de concert, nous étions rassasiés. 

Cependant, une chose me turlupine : pourquoi faire une seule représentation de ce concert qui a mobilisé beaucoup de monde et d’énergie?

Je comprends que c’est une musique nichée. Parallèlement à ce concert, il y avait une foule immense qui faisait la queue pour assister au spectacle de Mireille Mathieu à la Salle Wilfrid Pelletier. La Cinquième salle n’était pas à fait pleine mais presque. C’est David contre Goliath. 

Mais je souhaite de tout cœur à ces artistes de pouvoir rejouer ensemble. Et de faire croître leur public. 

OSM | Thèmes et variations avec Louis Lortie et Eun Sun Kim

par Elena Mandolini

L’OSM accueillait jeudi deux invités de marque. Tout d’abord, la cheffe d’origine coréenne Eun Sun Kim était à la barre de l’orchestre pour cette soirée sous le signe des thèmes et variations. Le pianiste Louis Lortie a également pris l’avant-scène pour la moitié du programme, lequel était accessible et très bien conçu. Tous les éléments ont été réunis pour offrir un concert de grande qualité.

La première pièce, Variations sur un thème de Haydn de Johannes Brahms, comporte des embûches, notamment liées au tempo choisi. S’il est trop lent, la pièce sonne alourdie, et s’il est trop rapide, le thème, un choral, perd tout son sens. Mais Eun Sun Kim a su trouver le juste milieu, pour chacun des mouvements. La pièce puise également de sa complexité dans l’équilibre requis entre les différentes sections de l’orchestre. La mélodie se déplace constamment, et les musiciennes et musiciens passent de passages rapides à longues notes tenues. Ici encore, c’est un succès. L’œuvre se déploie avec tout le relief voulu. On assiste à un bel exemple de synchronicité de la part de l’orchestre.

Le Rondo en ré majeur pour piano et orchestre de Mozart, la première pièce pour piano, est également interprétée avec succès. Cette pièce est construite comme un échange entre le piano et l’orchestre, s’alternant dans l’interprétation du thème ou de ses variations. Dans son rôle de soliste, Louis Lortie brille et interprète l’œuvre avec légèreté et aisance, mettant de l’avant l’humour caractéristique des compositions de Mozart.

Après l’entracte, le piano est de nouveau à l’honneur dans la Ballade pour piano et orchestre de Fauré. Cette œuvre, originalement pensée pour piano seul, a par la suite été orchestrée pour la développer davantage. Empreinte de romantisme, cette pièce comporte de nombreuses montées en intensité, portées avec succès autant par l’orchestre que par le pianiste. On a également droit à de nombreux moments pleins de délicatesse et de dialogues discrets entre les différents instruments. On remarque et admire de nouveau l’interprétation de Lortie, dont le jeu fait ressortir avec grande clarté la mélodie principale à travers des pluies de notes.

Le concert se clôt par les Tableaux d’une exposition de Modeste Moussorgski. Si on sentait que l’OSM avait fait preuve de retenue jusqu’ici (parfois par nécessité, partition oblige…), ce n’est plus le cas dans cette dernière œuvre. Dès le thème annoncé par la trompette, rapidement suivi par un puissant chœur de cuivres, on comprend que le concert se terminera sous le signe de la grandeur et de la noblesse. L’OSM maîtrise très bien Tableaux d’une exposition, les ayant interprétés cet été à l’ouverture de la Virée classique. On note une interprétation solide, à laquelle la cheffe contribue grandement par ses gestes précis et expressifs.

Par ce concert, l’OSM a de nouveau offert à son public une soirée des plus agréables avec des invités de grand talent.

Ce concert sera de nouveau présenté le samedi 17 février à 14h30. INFOS ET BILLETS ICI!

Crédit photo : Gabriel Fournier

classique occidental / classique turc

Didem Başar : Continuum espace, temps, musique

par Frédéric Cardin

La Montréalaise d’origine turque Didem Başar (prononcé Bashar) est la Grande Dame du kanun (c’est moi qui le dit). Cet instrument de la famille des cithares est très utilisée dans la musique traditionnelle turque et dans tout le Moyen-Orient. Başar ajoute plusieurs cordes à son jeu instrumental déjà relevé en y intégrant la composition et surtout les rencontres avec d’autres genres musicaux, chose qu’elle peut faire aisément dans le riche écosystème musical de Montréal.

Mardi soir à la salle Bourgie, dans le cadre de la série Musique des cultures du monde, elle présentait son projet Continuum, dans lequel ses compositions (et quelques arrangements) pour kanun, percussions et quintette à cordes, ont offert au public attentif quelque 80 minutes de voyage délicat et ravissant, une sorte de lien tangible entre le présent et la longue histoire de la culture millénaire moyen-orientale. Un continuum à la fois spatial, temporel et bien sûr musical. L’accompagnaient sur scène : le quatuor Andara, le contrebassiste Étienne Lafrance et le percussionniste Patrick Graham.

Exception faite de quelques arrangements de pièces traditionnelles, toutes les œuvres étaient de la main de l’artiste, dont un Concerto pour kanun et cordes, écrit dans les règles de l’art. Une très belle aventure qui s’amorce sur un premier mouvement léger, tout en textures pointées (pizzicatos de cordes et pincements du kanun), traversé de temps en temps d’élans lyriques aux cordes frottées. Si cette portion initiale laisse présager une promenade en toute simplicité, le deuxième mouvement trahit ce préjugé avec un adagio plaintif aux couleurs sombres, évoquant une tristesse gonflée de puissante mélancolie. C’est comme si on avait le mal du pays avec elle. Le troisième mouvement, final, révèle plus de muscles rythmiques et un entrain volontaire et affirmatif qui satisfait visiblement le public présent. 

L’ensemble du répertoire offert dans le programme procède de cette atmosphère orientale, basée sur un univers harmonique essentiellement modal, mais auquel Didem Başar ajoute des touches de chromatisme plus occidental ici et là, un chromatisme qui invite aussi la microtonalité. Le résultat est un ensemble de constructions mélodiques attrayantes qui ne deviennent cependant jamais des recettes pour touristes auditifs. La musique de Başar est facile à aimer, mais jamais ‘’facile’’. Elle laisse aussi un peu de place à l’impro de ses compagnons, particulièrement dans la pièce Lame Pigeon (pigeon boîteux), où Étienne Lafrance s’épivarde avec brio avant de passer le flambeau au violoncelliste Dominique Beauséjour-Ostiguy, expansif mais plus contrôlé, à l’altiste Vincent Delorme, impressionnant, et au percussionniste Patrick Graham, toujours spectaculairement subtil et raffiné. 

Un très beau moment de musique et de rencontre interculturelle, typiquement montréalaise. Continuum est un concert que vous ne devriez pas manquer si vous le voyez passer dans votre région, et sera également un album lancé le 18 mai 2024. À suivre assurément. 

alt-rock / punk rock

Taverne Tour, jour 3 : Last Waltzon, tripes sur la table

par Lyle Hendriks

Ah, la très convoitée première partie! Selon les personnes consultées, c’est l’une des deux choses suivantes : soit une condamnation à mort pour l’énergie de votre set alors que vous jouez dans une salle qui se remplit lentement et qui est complètement sobre, soit une opportunité de faire du bruit et de bien démarrer la soirée. Heureusement, le set de Last Waltzon à la Casa del Popolo samedi soir appartenait résolument à la seconde catégorie. 

Jeune, bruyant et punk jusqu’au bout des ongles, Last Waltzon est l’incarnation même de l’insouciance. Lui et ses collègues ont donné un set électrique qui a commencé à 23 heures et n’a jamais fléchi d’un poil, avec des voix déchirantes, une batterie brute et frénétique comme un clou sur le crâne, et une panoplie de guitares gutturales qui ne perdent pas de temps à vous faire bouger. C’est peut-être l’idée de Last Waltzon de ne pas perdre de temps qui me plaît. Les chansons sont courtes, concises et absolument squelettiques, chaque morceau apportant une urgence émotionnelle, comme si les garçons allaient tomber raides morts s’ils ne se défoulaient pas.

Agressif et angoissé un sacré bon moment Last Waltzon a permis à ce programme de samedi de partir du bon pied.

britpop / indie / pop-rock / rock

Taverne Tour Day 3: Ducks Ltd. is Mirror-Polished Pop

par Lyle Hendriks

Parfois, on assiste à un spectacle et on voit quatre musiciens jouer de la musique en même temps. Et parfois, on assiste à un spectacle où l’on voit un groupe se fondre et générer une émulsion sonore homogène qui dépasse complètement la somme de ses parties. C’est donc avec plaisir que le groupe pop-rock torontois Ducks Ltd. a fait la démonstration de ses prouesses au Quai des brumes, samedi soir.

La cohésion de ce groupe de quatre musiciens est-elle à la hauteur ? C’est comme regarder un esprit de ruche à l’œuvre, quatre entités distinctes partageant un but singulier : une pop rock indie experte et polie jusqu’à l’éclat d’un miroir.

Les morceaux frénétiques, souvent émotionnels, sont imprégnés d’une légèreté adorable par le chanteur Tom McGreevy, qui n’a aucun problème à partager son excitation nerveuse avec la salle complètement bondée devant lui. Tout soupçon d’hésitation a disparu dès la première chanson, remplacé par une performance fiévreuse des quatre membres enchaînant les morceaux.

Je n’ai jamais vu un groupe travailler aussi dur tout en donnant l’impression que c’était si facile, que ce soit la basse solide comme le roc, la batterie irrésistible ou les chœurs sublimes d’Evan Lewis, l’homologue fondateur de McGreevy. 

Contrairement à ce que son nom pourrait laisser entendre, Ducks Ltd. a un potentiel apparemment illimité dans le créneau qu’il s’est aménagé. Je serai alors très attentif à tout ce qu’il fera pour la suite des choses.

La flûtiste Aram Mun remporte le concours 2023-2024 de concertos de McGill

par Frédéric Cardin

À l’issue d’un processus qui a débuté il y a plusieurs semaines, le concours de concertos romantiques/modernes/contemporains de l’école de musique Schulich de l’Université McGill a couronné la flûtiste Aram Mun lauréate de l’édition 2023-2024, dans sa portion consacrée aux cuivres, aux bois et aux percussions. Mun s’est démarquée avec une performance impressionnante du Concerto pour flûte et orchestre FS 119 de Carl Nielsen. Vision expansive, sonorité riche, technique aisée, fluide, la jeune artiste a obtenu la meilleure appréciation du jury constitué de Simon Aldrich, Alexis Hauser, Trevor Dix, Jacinthe Forand et Kristie Ibrahim. Personnellement j’ai également été impressionné par l’autre flûtiste de la soirée, YuLai Guo, qui jouait le concert de Jacques Ibert, et surtout par le percussionniste Charles Chiovato Rembaldo dans une spectaculaire interprétation de Speaking Drums de Peter Eötvös. Le quatrième candidat, le trompettiste Christopher Keach, a démontré de belles sonorités, mais une largement insuffisante maîtrise technique, dans un concerto d’Oskar Böhme. Notes escamotées, trop souvent, et attaques ratées laissant beaucoup de bavures, ont certainement coulé le jeune homme. Si vous êtes passionné(e) de relève musicale classique, sachez que la portion piano de ce même concours verra ses préliminaires être données le 12 février prochain, puis la finale le 14. 

Pour le calendrier, voir ici

rock / rock psychédélique / surf

Taverne Tour Jour 2 : TEKE::TEKE et le Surf Rock Demon Wave

par Stephan Boissonneault

J’ai finalement vu l’hydre psychédélique du surf rock japonais, TEKE::TEKE, en concert lors du Taverne Tour. Depuis que j’ai déménagé à Montréal il y a trois ans, toutes les têtes pensantes m’ont dit d’aller voir TEKE::TEKE. Après l’avoir manqué quelques fois et avoir écouté leur dernier album, Hagata, je savais que le spectacle à guichets fermés allait être mémorable. 

Dès l’entrée du groupe sur scène (avec un peu de retard, mais c’est ça le show business), j’ai su que nous allions en prendre plein les yeux. La première chose que j’ai remarquée, c’est qu’ils étaient tous impeccablement habillés : les guitaristes portaient ce qui ressemblait à des kimonos vintage, la flûtiste portait une robe et un bandeau argentés traditionnels, et la chanteuse principale, Maya Kuroki, portait des lunettes colossales à monture épaisse, des boucles d’oreilles orbes pendantes et une robe florale très voyante.

TEKE:TEKE a fière allure et, pendant l’heure qui suit, ils nous emmènent dans un voyage d’histoires de fantômes japonais qui sonnent comme la toile de fond d’un film de Tarantino endiablé. Comme l’équivalent sonore d’un étrange tsunami, chaque chanson prend de l’ampleur et se transforme en un tourbillon de rock n’ roll surfy. Le groupe est incroyablement soudé, échangeant des signatures temporelles bizarres comme si de rien n’était. Les projections du soleil rouge japonais en arrière-plan, des montagnes topographiques, des oiseaux de dessins animés, des oni et des kanji ajoutent au spectacle.

Je n’arrive pas à croire que ce groupe n’a que sept ans parce qu’il joue comme s’il le faisait depuis des dizaines d’années. Le rappel de Bankrobber des Clash, chanté en japonais, était également un bonus. Si vous aimez la musique live, c’est presque un mauvais service à rendre que de ne pas voir TEKE::TEKE en concert.

Un triomphe. 

garage-punk / garage-rock / rock

Taverne Tour, jour 2 : SAMWOY se met à l’heure de la réalité

par Lyle Hendriks

Il y a quelque chose dans la personnalité de SAMWOY sur scène qui me fait craquer. Il a une confiance en lui, confiance tapageuse sur scène, lançant sans arrêt des blagues loufoques comme une version emo de Jack Black.

C’est une facilité de mouvement, un signe certain de quelqu’un passé par l’essoreuse de la musique live et ayant découvert qu’il avait vraiment ce qu’il fallait pour réussir. Mais au-delà de l’humour et de l’armure de confiance, Sam Woywitka n’a aucun problème à se montrer vulnérable, à exprimer sa gratitude et son amour pour tous ceux qui viennent l’écouter et danser. 

Musicalement, le travail de Sam est empreint d’une certaine jeunesse, avec des vibrations indie alternatives, à la fois optimistes et agressives, qui vous font bouger et peut-être penser à votre ex. Au début, son set était relativement léger, avec le genre de paroles émotionnelles et d’instrumentation angoissante que nous espérions tous. Mais en un instant, je suis passé de la danse et du bon temps à l’immobilité, bouche bée et les yeux un peu embrumés alors que Sam jouait une chanson que je n’avais jamais entendue auparavant. 

Sam s’est alors livré à un monologue mi-parlé, mi-chanté, racontant comment il s’est lancé dans la musique. Je suppose que plusieurs le savent, mais c’était la première fois que j’entendais Sam raconter qu’il s’était réveillé d’un coma à 17 ans, sa vie ayant été irrémédiablement changée par un accident de voiture qui a privé son ami de la vie et Sam de sa mémoire. Il raconte qu’il a failli mourir, qu’il a vu sa mère dans une chambre d’hôtel étrange et purgatoriale et qu’il a été repoussé, ramené à la vie, au monde et à la musique qui, aujourd’hui, l’anime totalement.

C’était un moment inattendu de sensibilité et de vulnérabilité que j’espère voir plus souvent dans les prochains spectacles de SAMWOY.

rock / rock prog / rock psychédélique

Taverne Tour, jour 2: Population II est en train d’exploser

par Lyle Hendriks

J’ai eu la chance de voir Population II à plusieurs reprises, et ce groupe n’a jamais manqué d’être tout à fait exceptionnel. Le trio psych-rock montréalais est, à mes yeux, la définition même de l’art de faire beaucoup avec peu. Il démontre que la configuration classique guitare, basse et batterie est aussi restrictive que l’on veut bien le dire. En effet, Population II semble s’épanouir à l’intérieur de ces limites apparentes (avec l’aide d’une partie de synthé occasionnelle), surgissant et éclatant aux coutures comme une valise surchargée de riffs à faire fondre les visages, de lignes de basse piquantes et de percussions incroyables.

L’un des aspects les plus impressionnants de Population II est son batteur et chanteur, Pierre-Luc Gratton. Sa voix est parfaite pour le projet, avec chant au ton insistant, presque indigné, qui rappelle King Gizzard. Son jeu de batterie est également un véritable phénomène, avec une telle habileté technique et une telle sophistication qu’il commence à sembler libre et naïf, comme un train à grande vitesse sur le point de dérailler.

Mais ce qui apporte à Population II son énergie et son urgence irrésistible, c’est qu’il fait ces deux choses simultanément : son corps et son âme sont tout entiers engagés dans une saignée frénétique de ce que je ne peux que supposer être ses démons les plus profonds et les plus sombres. Et lorsque Gratton écarte le micro de son chemin et se prépare à une pause instrumentale, on sait que l’on est sur le point d’être soufflé.

Nouvelle règle pour les Montréalais : ne manquez jamais, sous aucun prétexte, un spectacle de Population II.

folk / pop / R&B / soul/R&B

Taverne Tour, jour 2: Yves Jarvis offre un set chaleureux de ballades acoustiques

par Stephan Boissonneault

Je suis arrivé au moment où Yves Jarvis avait terminé le quart de son concert Taverne Tour, soit au magasin Aux 33 Tours, endroit idéal pour le folk acoustique / R&B, étrange et chaleureux qu’il a joué. Il était intéressant de voir de nombreux passants entrer dans le magasin pour regarder les bacs de disques et être stoppés net après avoir entendu Jarvis. 

Son habileté technique à la guitare était évidente, ce à quoi on ne prête peut-être pas trop attention lorsqu’on écoute sa pop expérimentale déjantée sur l’album The Zug. Mais cette performance était brute et intime, comme si nous étions tous les amis de Jarvis en train de l’écouter jouer de nouvelles chansons dans le salon de sa famille.

Toutes ses chansons semblaient dépouillées, comme s’il était encore en train de tester quelques accords ou lignes de chant, mais Jarvis est un formidable interprète – il a fait des blagues tout au long de son concert tout en regardant sa setlist improvisée sur un petit morceau de papier.

« Je n’ai pas vraiment planifié cela. C’est en fait ma liste de courses ». Il est rare de voir un artiste comme un livre ouvert lorsqu’il essaie de nouvelles chansons, surtout dans un cadre discret comme celui d’un magasin de disques. Bravo à Taverne Tour et à Yves Jarvis

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