alt-folk / alt-latino / électronique / latino

POP MONTRÉAL | Grande soirée latina, féministe et profonde

par Michel Labrecque

Vendredi soir, la Sala Rossa était remplie à craquer pour ce triple programme de voix hispanophones. Elles et ils ont beaucoup chanté, applaudi, crié. Un public majoritairement latino, mais pas que, car la créativité musicale de cette partie du monde attire aussi des curieux.ses séduit.e.s par le genre. 

Je vous propose une récapitulation à l’envers : le clou de cette soirée était la mexicaine Silvana Estrada, qui a clôturé la soirée. Comment dire? Sa voix très particulière nous transperce, nous ensorcelle, nous captive, nous berce. Qu’on comprenne les paroles ou pas, son registre vocal et ses trémolos, qui s’inspirent à la fois de la musique occidentale et indigène, nous plongent dans les tréfonds de l’âme mexicaine. Et nous sommes médusés par ce voyage. 

Seule sur scène, avec une guitare, un ukulélé et un piano électrique, Silvana Estrada se dit heureuse de venir à Montréal en cette saison. Car son dernier spectacle chez en plein hiver l’avait traumatisée. Elle fera également partie du spectacle hommage à Lhasa de Sela, au Rialto les 29 et 30 septembre.

La moitié de la salle connaissait les paroles de ses chansons. C’était la communion totale entre Silvana et son public. Une mexicaine debout à côté de moi se trouvait dans une extase totale. 

C’était un moment de grâce, effectivement. Sa prestation en solo magnifie sa voix, qui, dans les enregistrements studio, reste magnifique mais se fait un peu plus discrète en raison des orchestrations plus savantes. 

En deuxième partie, la Montréalaise d’origine colombienne Lapelúda nous a présenté le voyage intérieur d’une femme violentée sur le chemin de la guérison. 

C’est une proposition musicale alt-folk et introspective, menée par la voix chaude de Lapelúda, avec un quatuor très soudé, incluant deux percussionnistes. Nous cheminons avec l’artiste sur le chemin de sa guérison. La musique se fait de moins en moins triste et plus apaisée au fur et à mesure que le concert progresse. Elle nous parle d’une chanson d’amour écrite en état de choc traumatique. 

Lapelúda parle tantôt en espagnol, tantôt en anglais, tantôt en français québécois sans accent espagnol. D’ailleurs, sur son album Caidas (2022) on retrouve des chansons en français. En passant, c’est un album magnifique. 

Le parcours de Lapelúda (La chevelue) est décidément à suivre.

Cette soirée latine a été amorcée par la mexicoise Gabriella Olivo, qui a grandi à Québec, fille d’une couple mexicano-québécois, d’où le néologisme suggéré. À l’instar de  Maritza et de Noé Lira, cette jeune femme s’inscrit dans ce courant de réappropriation des origines culturelles, bien qu’ayant essentiellement grandi et vécu au Québec. 

Gabriella compose à la fois en français et en espagnol, saupoudrant le tout d’anglais. Sa musique est largement indie-folk et, à mon sens, gagnerait à être présentée avec un groupe de musiciens. Hier, il n’y avait qu’une accompagnatrice, avec des échantillonnages d’instruments. 

Gabriella Olivo sortira bientôt un nouvel EP. C’est une artiste émergente 

à suivre, qui possède, indubitablement, un talent et une créativité authentiques.

Bref, j’ai passé une superbe soirée en compagnie de ces dames. Il est extrêmement intéressant de voir s’agrandir la nébuleuse de nouvelles musiques latines, autant ici que dans les Amériques. Et le public qui suit.

Muy bien…No?

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pop / synth-glam / synth-pop

POP Montréal | Faux Real… vraie folie !

par Marianne Collette

Dire que le duo franco-américain Faux Real a une bonne présence scénique est un parfait euphémisme.

Jeudi soir au Piccolo Rialto, le tandem n’a pas lésiné sur ses efforts pour ravir son public, qui s’en est donné à cœur joie. Les airs étaient pour la plupart issus d’un premier album, Faux Maux, lequel est d’ailleurs toujours en gestation et devrait être disponible dans son entièreté le 11 octobre.

Comment les décrire? Si on mettait dans un mixeur un boy band des années 80, du glam rock et une bonne dose de synth-pop, on obtiendrait sans doute quelque chose de ce type.

Faisant preuve d’une énergie débordante, les frères Virgile et Elliot Arndt ont enchaîné leurs classiques (mais peut-on vraiment les qualifier de « classiques » ?), assortis de mouvements de danse synchronisés pour le plus grand plaisir des spectateurs, qui étaient fréquemment invités à danser à leur tour.

Il était d’ailleurs inspirant de voir un groupe qui arrive à en mettre plein la vue sans avoir recours à un budget mirobolant. Donnez-leur simplement un micro et une bande sonore et c’est parti. Même la scène semble optionnelle à voir comment le duo la quitte à tout instant pour rejoindre la foule. Le spectacle s’est même conclu en toute intimité, le duo ayant demandé à être éclairé uniquement par la lumière des cellulaires de la foule. En bref, toute une ambiance était instaurée pour ce qui était sans contredit une fête parfaitement réussie.

crédit photo: Sarah Driscoll

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chanson keb franco / drum & bass / Électronique / footwork / ghettotech / jungle / pop / synth-pop

POP Montréal | Et Dieu créa Virginie B

par Alain Brunet

Près d’une heure passée jeudi soir avec Virginie B au Belmont imposent ce témoignage d’approbation.

La  chanteuse attire l’attention pour ses tenues extravagantes et (très) sexy, pour sa lascivité contagieuse et sa capacité à se lancer de tous bords tous côtés devant public. Virginie B a le talent de s’entourer d’excellents musiciens, sa direction artistique est fine, éclairée et visionnaire dans un contexte pop.

Un fond de scène orné d’un écran circulaire, des musiciens très compétents, une authentique bête de scène , talentueuse frontwoman qui a tôt fait de nous faire oublier la relative ténuité de son organe vocal, non sans rappeler la pop française au féminin.

Les influences musicales, cependant, n’ont pas grand-chose à voir avec la pop des cousins, elles puisent  plutôt chez Flying Lotus et tous ces funksters jazzmen de LA convertis au hip-hop à la J Dilla. Virginie B s’inspire aussi des grooves frénétiques du footwork ou du ghettotech, côté USA ou (moins) de la jungle/drum’n’bass côté UK.

Ses airs soul-pop et son inclination pour le easy-listening adoucissent ces références pointues, les textes (surtout) écrits en français québécois de bon aloi  créent une certaine familiarité et étoffent assurément le niveau de notre pop locale.

Comme on l’avait déjà constaté après la sortie de son album Insula (2022), Virginie B a très bon goût. Car elle sait mettre à profit son sens affûté de la pop culture. Car elle sait aussi construire son propre personnage fantasque et sensuel, avec une juste touche d’autodérision.

En bref, elle donne tout un show !

La question à 100 euros vient alors à l’esprit: Virginie B percera-t-elle le marché européen pour ainsi décupler la cohorte de ses fans ? Souhaitons-le lui, car l’album Astral 2000 qui vient d’être lancé chez Bonsound, n’a rien à envier avec toutes productions du genre au-delà de nos frontières… et rarissimes dans la francophonie pop.

Crédit photo ci-bas: Sarah O’Driscoll

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americana / classique / gospel

POP Montréal | Soirée touchante avec Beverly et Elizabeth Glenn-Copeland

par Alain Brunet

Beverly Glenn-Copeland a connu le succès au crépuscule de son existence. Le succès important d’un film documentaire, Keyboard Fantasies: The Beverly Glenn-Copeland Story, a eu pour effet de gonfler la coolitude et propulser la carrière de cet octogénaire non binaire, homme trans sans genre apparent, et dont la personnalité respire la grâce et la bonté.

Le profil biographique de Beverly Glenn-Copeland indique que son père afro-américain savait jouer les grandes œuvres romantiques au piano et que sa mère connaissait un vaste répertoire de chant gospel. 

On peut dire que cet artiste étonnant, qui fut l’un des premiers étudiants afro-descendants venus des USA pour y mener des études de musique à l’Université McGill, soit au tournant des années 60.

Ce qu’on a pu écouter au Rialto jeudi soir illustre parfaitement cet équilibre entre patrimoine classique européen et culture afro-américaine.Sa voix de contralto ou de ténor témoigne certes d’une formation classique mais se trouve aussi imprégnée de gospel, non sans rappeler les chanteurs classiques afro-descendants lorsqu’il entonnent les chants sacrés du gospel états-unien.

Accompagné de sa compagne de toujours, la chanteuse et compositrice Elizabeth, Beverly a offert un concert devant une salle comble impliquant un chœur aguerri, des claviers et percussions légères. 

Devant un auditoire attentif, admiratif pour ne pas dire ébloui par cette expérience, le couple Glenn-Copeland a offert un programme rétrospectif fondé sur de belles mélodies folk ou gospel, chansons arrangées pour plusieurs voix. 

On accueillait Beverly Glenn-Copeland comme un pionnier de sa propre identité composite, mais aussi comme un compositeur new age avant que cette étiquette n’existe, un concepteur iconoclaste ayant même créé des matériaux constitutifs de la techno, repris par ses pères fondateurs – Juan Atkins, Kevin Saunderson, Derrick May. 

Jeudi soir au Rialto, il n’était aucunement question de cette contribution, mais bien d’un concert axé sur le répertoire choral de Beverly et Elizabeth Glenn-Copeland, avec en prime quelques retours percussifs sur le legs africain.

Vraiment rien de mémorable sur le plan compositionnel, néanmoins une soirée très touchante, chaleureuse, réconfortante et pleine d’espoir pour les humains de la communauté LGBTQ+. Et aussi pour nous toustes.

Photo ci-dessous: Sarah ODriscoll

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afro-électro / afro-fusion / afro-pop / jazz

POP Montréal | SAM.IITO, nouveau cycle prometteur

par Michel Labrecque

Dans la petite salle clairsemée du Rialto Hall, SAM.IITO (Samito), nous a fait découvrir jeudi soir son nouveau projet musical, intitulé Des-Dobramento (déploiement) et dont le thème principal est la honte. 

Pour le Mozambicain d’origine, établi à Montréal depuis près de deux décennies, ce projet est un retour aux sources : après avoir oeuvré largement dans la sphère électro, ce musicien africain formé en jazz nous avouait en interview écouter aussi  beaucoup de musique douce. Ainsi, il avait envie de rassembler toutes ces parties de lui dans une nouvelle aventure musicale. 

Et le résultat sur scène est très prometteur, bien qu’inachevé. C’est SAM.IITO lui même qui l’a dit d’emblée au début du concert, et il a même demandé au public de lui faire des commentaires pour améliorer le tout. SAM.IITO ne fait vraiment pas les choses comme la plupart des gens, c’est ce qui le rend particulièrement attachant. 

Ce voyage sonore nous emmène dans toutes sortes de textures musicales, de l’extrême douceur au dance party, avec des harmonies jazz intrigantes, avec l’aide du saxophoniste et claviériste Alex Ambroise, de la batteuse Salin Cheewapansri, de la violoniste Elsasosa Jousse et du bassiste Milla Thyme, également aux claviers.

SAM.IITO chante, la plupart du temps en portugais, et nous aussi des claviers. S’ajoute à cet assemblage des échantillons traités de chant choral, de discours prononcés ou d’instruments joués.

Si certains arrangements restent encore à parfaire, l’expérience globale est une des propositions musicales les plus achevées de Samito. La fusion de ses divers héritages musicaux nous fait flotter dans une bulle émotive. C’est à la fois savant et ludique, berçant et interpellant. 

Des-dobramento est donc une œuvre en progression, inachevée, mais vachement intéressante. Souhaitons qu’on puisse bientôt assister à la suite de ce projet embryonnaire. 

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Alternative / Art Folk / folk expérimental / folk-rock / indie folk

POP Montréal I Nap Eyes, histoires oubliées

par Stephan Boissonneault

Avez-vous déjà découvert un groupe qui vous fait l’effet d’une étreinte chaleureuse de la part d’un ami lointain que vous n’avez peut-être jamais rencontré ? C’est le cas du groupe Nap Eyes de Halifax. Dès l’entrée en scène de ce quatuor – cinq en fait pour ce concert, avec le seul et unique Yves Jarvis à la guitare et aux synthétiseurs – le sous-sol de La Sotterenea s’est illuminé. Nap Eyes, à son meilleur, est soutenu par une guitare acoustique douce, mais ample, une section de basse et de batterie stable, des lignes de guitares claires et rayonnantes, et des paroles qui rappellent un peu Bob Dylan de l’époque de la Rolling Thunder Revue (pensez à « Isis »). Cela fait des années que l’on me dit, dans les cercles étranges des médias musicaux, d’aller voir ce groupe en concert, et je sais maintenant pourquoi.

Ces contes musicaux, menés par le chanteur/guitariste Nigel Chapman, sont profondément descriptifs, mais restent vagues, un peu comme un morceau de réalisme magique. Il suffit d’écouter pour s’en convaincre « Passageway », le single du prochain album de Nap Eyes, The Neon Gate. Pour la plupart des groupes, l’instrumentation mène les paroles, mais avec Nap Eyes, c’est l’inverse. Je me suis retrouvé à flotter, à dériver dans le sous-sol et dans le récit fantastique de Nap Eyes, puis j’ai été ramené par la guitare solo, parfois harmonisée par Jarvis, qui était tout simplement trop cool sur scène. J’ai aussi adoré la façon dont Chapman souriait et disait « This is nice » dans le micro, puis se fendait d’un sourire comme un enfant qui vient de découvrir la crème glacée. On pouvait voir que lui et le groupe savouraient vraiment ce moment.

Le concert de Nap Eyes nous donne l’impression d’écouter un vieux disque de Yo La Tengo ou de lire Hermann Hesse ; les chansons sont longues, mais à juste titre, comme une histoire racontée par quelqu’un qui a bu un peu trop de vin à une soirée. Mais grâce à cette imagerie et à ce délire, nous restons tous présents pour le dénouement. Cela peut sembler un peu trop prétentieux, mais c’est la vérité. Oui, Nap Eyes est peut-être l’une des performances les plus authentiques qu’il m’ait été donné de voir depuis longtemps.

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indie rock / shoegaze

POP Montréal I Bain de soleil pour Sunsetter

par Stephan Boissonneault

J’ai attrapé la fin du style acoustique de l’auteur-compositeur-interprète Devarrow (après avoir écouté quelques minutes, je vais certainement aller le voir) et j’ai attendu un peu pour être baigné dans le son par Sunsetter, le projet d’Andrew McLeod. En tant que collaborateur régulier et artiste de scène de Zoon, j’ai déjà vu McLeod auparavant, mais c’était mon premier concert de Sunsetter.

Le sonorisateur de La Sotterenea semblait avoir des problèmes avec le microphone de McLeod, mais après environ 15 minutes de « Opus No. 1 » de Tim Carelton (vous savez si c’est le cas parce que vous êtes en attente au téléphone n’importe où au Canada), McLeod a gratté sa SG rouge cerise, dont il avait trois exemplaires, et le spectacle a commencé. Sunnsetter utilise un mélange sain de shoegaze avec des pédales qui, additionnées, coûtent probablement des milliers de dollars, mais leurs sons sont comme du miel. Il aime aussi boucler une ligne sur une guitare et passer à la suivante. Je m’attendais à ce qu’il sorte une barre de whammy et qu’il fasse des vibratos à la guitare, mais il ne l’a pas fait, ce qui a été une véritable bouffée d’air frais. Trop d’artistes shoegaze utilisent à outrance les techniques de Kevin Shields.

Les voix de Sunnsetter, pour la plupart, sont assez simples, provenant de la voix usée de Mcleod, parfois une combinaison de celles de Billy Corgan et de Mark Gardener, abordant les thèmes de la mort, de l’isolement et de l’amour ; très shoegazey. Les niveaux audio semblaient être très variables, passant d’un niveau extrêmement élevé à des murmures étouffés, ce qui a certainement perdu certaines personnes. Quoi qu’il en soit, ceux qui voulaient un bain de son somnolent en ont eu un. Je ne manquerai pas d’aller voir le prochain album, Heaven Hang Over Me, en novembre, surtout quand j’aurai envie de me projeter dans l’espace sidéral.

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folk / folk-pop / indie rock / pop

POP Montréal | Basia Bułat, lumineux crépuscule

par Marianne Collette

Jeudi soir, la compositrice et multi-instrumentiste Basia Bulat a enflammé le ciel montréalais de ses airs folks dynamiques et entraînants. Une excellente participation au festival POP Montréal de la part de celle qui a suspendu pour un soir sa tournée de l’album The Garden pour offrir ainsi à son public une succulente brochette de ses meilleurs morceaux.

« I feel like we’re the Beatles! » s’est exclamée Basia Bulat en début de spectacle. Il est vrai qu’en termes d’emplacement, on peut difficilement faire mieux que le toit du Rialto, surtout lorsque le concert se déroule au coucher du soleil. Au son des premiers accords de Heart of My Own, le ciel a viré au rose et l’atmosphère dorée et vibrante du crépuscule a enrobé chacun des morceaux de ce concert court, certes, mais très réussi. 

Soulignons au passage le talent incontestable de l’équipe de son qui a su trouver l’équilibre parfait entre autoharpe, guitares, basse, claviers et batterie, le tout dans un espace à la fois extérieur et restreint. Il s’agit d’un authentique tour de force, surtout lorsqu’il s’agit de musique folk : malgré les défis propres à l’environnement, le public a été en mesure d’apprécier les œuvres dans toutes leurs dimensions, de l’énergie des percussions à la douceur de la voix en passant par l’ardeur plus délicate des instruments à cordes.
Les fans de Basia Bulat étaient au rendez-vous, le spectacle ayant rapidement fait salle comble. La Montréalaise d’adoption a même pris le temps de saluer certains visages connus. Au final, on avait l’impression que ces artistes  jouaient pour leurs amis – les anciens comme les nouveaux – sachant insuffler à l’événement une ambiance décontractée et chaleureuse qui ne négligeait en aucun cas la qualité de l’exécution. La chanteuse a d’ailleurs été d’une grande générosité avec son public, allant même jusqu’à interpréter trois chansons inédites, My Angel, Disco Polo et Baby. Le thème de la famille se trouvait au cœur de ces trois chansons et Basia Bualt a candidement avoué que son prochain album s’inspirera grandement de son expérience en tant que nouvelle maman.

crédit photo: L.Longpré

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indie rock / Musiques du Monde / pop baroque / psychédélique

Vampire Weekend à la Place Bell | Aguerris et généreux

par Sami Rixhon

Ezra Koenig et sa bande de vampires foulaient le sol québécois pour la première fois depuis cinq ans ce mercredi alors que le groupe présentait au public de la Place Bell son fantastique nouvel album, Only God Was Above Us. Vampire Weekend a parfaitement pioché pendant plus de deux heures dans ses différentes époques pour démontrer l’immense palette musicale qu’il est capable de concevoir.

Quatre jours après avoir reçu la mythique PJ Harvey, le public de la Place Bell a été gâté de nouveau par de talentueux artistes alternatifs américains, j’ai nommé le trio new-yorkais Vampire Weekend.

Le set commence aux alentours de 20h20 d’une manière assez classique avec Campus, Boston (Ladies of Cambridge) et One (Blake’s Got a New Face), toutes tirées de leurs années 2007/2008. Le trio se trouve devant un rideau sur lequel on peut lire le nom du groupe sobrement écrit blanc sur noir, jusqu’à ce que… eh bien jusqu’à ce que le rideau tombe sur l’apothéose du morceau Ice Cream Piano et dévoile quatre autres musiciens, un décor rappelant le réacteur d’un avion à l’arrière de la scène et une autre série de projecteurs. On se doutait un peu au fond de nous que la performance n’allait pas être aussi conventionnelle pendant l’entièreté du spectacle. Un tel effet en concert, c’est toujours un grand oui.

Vampire Weekend présente des succès de ses quatre premiers albums (Vampire Weekend, Contra, l’excellent Modern Vampires of the City et Father of the Bride), mais s’attarde naturellement à sa dernière offrande, Only God Was Above Us, sortie il y a un peu plus de cinq mois. Au total, neuf des 10 chansons de l’opus seront interprétées. Parlons de l’album, d’ailleurs : après un virage un peu plus pop « classique » avec Father of the Bride en 2019, les Vampires s’offraient cette année un retour aux sources à base d’indie rock, de pop baroque, de shoegaze, de rythmes latin et caraïbéens… name it. Un bijou qui s’écoute d’une traite, et mon album de l’année, personnellement.

Koenig est un excellent frontman, pas le plus expressif dans ses mouvements ou son attitude, mais il fait exactement ce qu’on lui demande dans le cas de Vampire Weekend : exceller dans tous les styles. D’abord sentimental sur Unbearably White, mais aussi réfléchi sur Mary Boone ou encore puissant sur Capricorn. Pour proposer toute la richesse musicale des morceaux sur scène, les musiciens se déplacent d’instrument en instrument, dont Ezra Koenig qui se paiera un solo de saxophone sur la déjanté New Dorp. New York. Des multi-instrumentistes comme on en voit de moins en moins aujourd’hui. À mon humble avis, Vampire Weekend est certainement l’un des groupes les plus talentueux et novateurs de la scène alternative depuis 2008, année de leurs débuts discographiques.

Entre deux morceaux, le meneur de Vampire Weekend s’adresse à une fan du groupe de 9 ans dans le parterre en apprenant que c’est son premier concert, lui remerciant d’être venue. Il profite également de l’occasion pour saluer les gens de Laval, mais surtout ceux de Montréal, sachant que la Place Bell n’est pas particulièrement remplie d’habitants de la Rive Nord (sachant aussi qu’ils ne se trouvent pas à Montréal en ce moment, simplement). Ce sont des petites attentions, des petits détails comme ça qui confirment que le groupe ne passe pas complètement sur le pilote automatique pendant une tournée.

Après deux heures de concert, Vampire Weekend clôt la partie régulière de son spectacle sur Hope. Les membres quittent un à un la scène, jusqu’à ce que le bassiste du groupe, Chris Baio, joue les dernières notes, seul face au public.

En rappel, Vampire Weekend propose un exercice pour le moins original et périlleux : prendre n’importe quelle requête de chansons qui n’ont pas été écrites par Vampire Weekend. Ça passe de Don’t Look Back in Anger à Chop Suey!, sans oublier So Long Marianne, Man! I Feel Like a Woman! ou encore I’m Still Standing. Les interprétations sont chaque fois hasardeuses, Koenig avouant une chanson sur deux que la moitié du groupe n’en connaît pas les accords. Une clôture amusante et pleine de bonne volonté.

À la prochaine, chers Vampires.

LISTE DES CHANSONS AU PROGRAMME

1. Campus
2. Boston (Ladies of Cambridge)
3. One (Blake’s Got a New Face)
4. Ice Cream Piano
5. Classical
6. Connect
7. White Sky
8. Step
9. This Life
10. Sympathy
11. New Dorp. New York (reprise de SBTRKT)
12. The Surfer
13. Unbearably White
14. Oxford Comma
15. Capricorn
16. Gen-X Cops
17. Diane Young
18. Cousins
19. A-Punk
20. Prep-School Gangsters
21. Mary Boone
22. Obvious Bicycle
23. Harmony Hall
24. Hope

RAPPEL

1. Tempted (reprise de Squeeze)
2. Don’t Look Back in Anger (reprise d’Oasis)
3. So Long Marianne (reprise de Leonard Cohen)
4. Here Comes Your Man (reprise des Pixies)
5. Chop Suey! (reprise de System of a Down)
6. How You Remind Me (reprise de Nickelback)
7. Dangerous Night (reprise de The Night Is a Knife)
8. The Boys Are Back in Town (reprise de Thin Lizzy)
9. Man! I Feel Like a Woman! (reprise de Shania Twain)
10. You’re Still the One (reprise de Shania Twain)
11. I’m Still Standing (reprise d’Elton John)
12. This Must Be the Place (Naive Melody) (reprise de Talking Heads)
13. Walcott

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IDLES, post-punk et English Teacher, un acte de classe.

par Vanessa Barron

Par une fraîche nuit d’automne, les adeptes du punk du Centre-Ville se sont rassemblés à guichets fermés au MTELUS, vêtus de leurs plus beaux t-shirts noirs, pour assister à l’avènement du quintette post-punk anglais IDLES, avec l’appui d’English Teacher.

Ma connaissance préalable de ces groupes provient d’une écoute rapide de leurs discographies et de quelques conversations avec des fans d’IDLES au fil des ans, qui m’ont laissé entendre que ce groupe avait une base de fans passionnés. Du genre « je les ai vus cinq fois et je me suis fait tatouer leurs paroles ». English Teacher est plus récent sur la scène, mais il fait déjà forte impression, puisque son premier album This Could Be Texas, sorti cette année, a remporté le très estimé Mercury Prize.

English Teacher / Amir Bakarov
English Teacher / Amir Bakarov

English Teacher était un plaisir à avoir en classe, pour ainsi dire. Je ne qualifierais normalement pas un groupe de rock d’élégant, mais beaucoup de groupes de rock n’ont pas de piano et de basse droite, n’est-ce pas ? La chanteuse Lily Fontaine navigue gracieusement entre le spoken word et le chant à gorge déployée, oscillant entre la crudité et la clarté de son timbre. « Nearly Daffodils » met en valeur toute cette gamme de flexibilité vocale, ainsi que des rythmes 7/8 aux cordes qui créent une atmosphère à la fois tendue et énergique. La légèreté des accords de piano et des arpèges de guitare qui complètent les paroles percutantes et les lignes de basse chaudes m’a rappelé de manière inattendue la chanteuse indie-pop britannique Kate Nash (qui, soit dit en passant, sera à Foufounes Electrique en octobre).

IDLES / Amir Bakarov

La foule est alors devenue complètement folle de IDLES. J’ai été témoin d’au moins deux murs de la mort et d’un nombre incalculable de sweat-shirts et d’appendices volants de la part des surfeurs de la foule. L’énergie de la foule et des artistes était à la hauteur : le guitariste Mark Bowen faisait tournoyer son instrument comme un hula hoop, le batteur Jon Beavis n’hésitait pas à lancer des blast beats sur la grosse caisse, et le chanteur Joe Talbot a maintenu une voix hurlée et débridée pendant une heure et demie. On a l’impression que ces chansons ont été conçues pour être jouées en live ; elles sonnent plus complètes avec des centaines de voix rauques qui soutiennent les déclarations du chanteur aux accents épais sur des morceaux comme « Gift Horse », criant « LOOK AT HIM GOOOOO » dans une ferveur béate et unifiée. C’est comme si l’on écoutait « Seven Nation Army » sur YouTube et que l’on entendait un stade de football hululer et brailler sur l’infâme ligne de basse.

IDLES / Amir Bakarov

J’ai le plus vibré avec IDLES lorsqu’ils s’aventuraient sur des morceaux plus groovy avec des rim-clicks de caisse claire et des rythmes syncopés comme sur « Samaritans » et « POP POP POP » de leur dernier album TANGK. Au pire, j’ai trouvé que des chansons comme « Car Crash » traînaient en longueur avec un bourdon monotone et un rythme pesant, plus comparables à un pneu qui se dégonfle qu’à une explosion. Néanmoins, il est indéniable que l’intensité et le dynamisme d’IDLES sont restés inébranlables tout au long du concert, et que le public s’est montré à la hauteur de leur enthousiasme.

classique / période romantique

L’OM repart en grand avec l’ultime symphonie de Bruckner

par Alain Brunet

L’Orchestre Métropolitain jouait dimanche la symphonie inachevée d’Anton Bruckner (1824-1896), soit la neuvième dont il n’avait pu écrire une version satisfaisante du dernier mouvement après avoir tenté plusieurs esquisses parce que très malade et « dépassé par son propre génie », c’est-à-dire incapable de conclure sur des mouvements aussi forts, particulièrement le scherzo, soit le 2e, « tellement imposant, d’une force viscérale tellurique », pour reprendre les épithètes de Yannick Nézet-Séguin, avant qu’il nous explique l’ajout du Te Deum, une œuvre chorale de Bruckner, en guise de complément à la symphonie, selon une suggestion de son concepteur.

« S’il y a un compositeur qui a accompagné l’orchestre, c’est Bruckner », soulignera le maestro québécois dans son laïus d’entrée. YNS avait dirigé cette 9ème du compositeur pour une première fois en 2002, puis en 2009 dans le contexte d’un vaste projet d’enregistrements de toutes les symphonies de Bruckner, dont l’accomplissement fut étalé de 2006 à 2017, avec le succès critique qu’on connaît.

Le programme d’ouverture est une « cérémonie » sans applaudissements, sans pause. La 9e de Bruckner était ainsi enrobée du Te Deum à la fin et au début, comme c’est le cas depuis quelques années d’une composition auotchtone de l’artiste cri Andrew Balfour, Mamachimowin. Selon les dires du compositeur, cette œuvre chorale et orchestrale de 6 minutes exprime la relation difficile entre la spiritualité des nations autochtones et l’influence de la religion catholiques sur ces peuples malmenés par les Occidentaux venus s’établir dans les Amériques. Relation éminemment éminemment coloniale du conquérant français, monothéiste, sur le polythéisme et le chamanisme autochtones jugés primitifs par les Européens.

Ainsi, cette œuvre contemporaine d’allure spectrale était un choix judicieux pour introduire la symphonie inachevée. On peut aisément affirmer que Bruckner est un répertoire signature pour l’OM et son chef, son exécution était dimanche exemplaire. Une vaste part du premier mouvement et l’entier deuxième mouvement révèlent effectivement une densité et une puissance hors du commun, assurément parmi les plus remarquables accomplissements de la musique symphonique au 19e siècle. Les cors, trombones et trompettes confèrent une telle force au discours orchestral de Bruckner. En fin de parcours, cet homme humble et pieux avait été inspiré au point de préfigurer la suite des choses, s’autorisant une audace harmonique presque moderne, pavant la voie à ses successeurs à commencer par Gustav Mahler.

Obéissant aux consignes du chef, public aura été exemplaire, silencieux jusqu’à la fin de cette heure et demie de recueillement. Seule ombre à ce tableau magistral, les solistes assis avec le choeur pour l’exécution du Te Deum; tout au fond derrière l’orchestre, les voix du ténor Limmie Puliam (surtout), de la mezzo Jennifer Johnson Cano et de la basse Ryan Speedo Green voyageaient difficilement dans l’espace, contrairement à celle de la soprano Latonia Moore qui le fendait comme il se doit.

crédit photo: François Goupil pour l’OM

avant-folk / avant-rock

PJ Harvey à la Place Bell: toustes prosterné.e.s devant la papesse

par Alain Brunet

Très rares sont les spectacles d’aréna ou l’on puisse entendre une mouche voler. Sauf quelques infimes débordements, l’écoute des nouvelles propositions de Polly Jean Harvey fut exemplaire, respectueuse pour employer un euphémisme. Pendant une première moitié de programme en ce samedi soir à la Place Bell, nous étions tous à peu près prosternés devant la papesse de l’avant-folk et de l’avant-rock, authentique génie conceptuel et artiste superbement incarnée.

Depuis ses débuts discographiques en 1992, elle a sorti une dizaine d’albums, concoctés avec John Parish, son collaborateur de toujours – elle avait 19 ans lorsqu’elle était la chanteuse d’Automatic Dlamini sous la gouverne de John Parish, elle en a aujourd’hui presque 55 et lui 10 de plus. On peut ainsi dire de John Parish qu’il est à Polly Jean ce que Warren Ellis est à Nick Cave : symbiose d’une vie entière de création,

Aucun opus de PJ Harvey ne peut être qualifié de moyen ou médiocre. Quant au plus récent album, l’énergie qui s’en dégage sied bien PJ et ses collaborateurs expérimentés – basse, guitare, claviers, batterie, électronique. De plus en plus aérien et de moins en moins tempétueux, les travaux de Polly Jean ne négligent pas l’exploration sonore pour autant. Fort en voix et en guitares (acoustiques ou électriques), cet avant-folk-rock-ambient est assorti de textures extrêmement personnelles, produites par des claviers analogiques et autres sons de synthèse.

Ainsi on a eu droit à l’exécution intégrale du récent album I Inside the Old Year Dying, réalisé de nouveau par Flood et Parish, ce qui est une pratique rarissime pour des tournées de cette envergure, déclinée dans des salles de plus ou moins 10000 sièges comme la Place Bell, remplie samedi soir. Généralement, les artistes de cette stature saupoudrent leurs nouvelles chansons dans un programme de tubes attendus de leurs fans. Polly Jean Harvey n’exerce pas sa médecine ainsi. Elle fait à sa guise et on la prend comme tel, son talent exceptionnel lui autorise cette indépendance. Ce n’est certainement pas moi qui s’en plaindra, bien au contraire.

Trois décennies plus tard, on apprécie encore au plus haut point cette Polly Jean, cette simplicité apparente, cette approche presque rurale, ces mélodies incarnées, cette magnifique voix de contralto mâtinée de blues, bref le lyrisme assumé de ses textes impliquent aussi une quête de complexité dans les détails de ces harmonies et rythmes simples, épurés.

Vêtue d’une robe longue et d’une cape aux motifs forestiers, Polly Jean se prête à des élans chorégraphiques et gestes que l’on pourrait qualifier de chamaniques.

Une fois le nouvel album entièrement exécuté, le folk rock de l’Anglaise ne boude pas la saturation et devient progressivement plus rock, jamais totalement. L’énergie de ses 40, 30 et 20 ans revient, solidement parfois mais sans exubérance. On peut néanmoins contempler la rutilation de ses joyaux jadis taillés, tirés des albums Let England Shake, Is This Desire?, Uh Huh Her, Rid Of Me, White Chalk et surtout le génial To Bring You My Love dont elle a interprété la chanson titre, Send His Love To Me, Down by the Water, et C’mon Billy.

On peut conclure à un programme superbement construit, à l’exécution quasi idéale d’une soliste et d’une formation exemplaire. Seul bémol, ce spectacle semblait parfois conçu pour un plus petit amphithéâtre, sans projections d’envergure, sur une scène sobrement ornée et éclairée. Mais bon, petit détail de la vie…

LISTE DES CHANSONS AU PROGRAMME

1. Prayer at the Gate / I Inside the Old Year Dying
2. Autumn Term / I Inside the Old Year Dying
3. Lwonesome Tonight / I Inside the Old Year Dying
4. Seem an I / I Inside the Old Year Dying
5. The Nether-Edge / I Inside the Old Year Dying
6. I Inside the Old Year Dying / I Inside the Old Year Dying
7. All Souls / I Inside the Old Year Dying
8. A Child’s Question, August / I Inside the Old Year Dying
9. I Inside the Old I Dying / I Inside the Old Year Dying
10. August / I Inside the Old Year Dying
11. A Child’s Question, July / I Inside the Old Year Dying
12. A Noiseless Noise / I Inside the Old Year Dying

13. The Colour of the Earth / folk celtique chanté par John Parish / Let England Shake
14. The Glorious Land / Let England Shake
15. The Words That Maketh Murder / Let England Shake
16. Angelene / Is This Desire?
17. Send His Love to Me / To Bring You My Love
18. The Garden / Is This Desire?
19. The Desperate Kingdom of Love / Uh Huh Her
20. Man-Size / Rid Of Me
21. Dress / Dry
22. Down by the Water / To Bring You My Love
23. To Bring You My Love / To Bring You My Love

24. C’mon Billy / To Bring You My Love
25. White Chalk/ White Chalk

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