En cette veille de Saint-Valentin, les 12 et 13 février, le cadre était on ne peut plus propice à réunir sur la scène de la Maison symphonique le couple formé de Rafael Payare et Alisa Weilerstein.
Si Daphnis et Chloé de Maurice Ravel peut volontairement être associé à l’idylle amoureuse, tant par son propos que par sa musique, la Symphonie concertante pour violoncelle de Sergei Prokofiev, avec son éclectisme, ses sons mordants et percussifs, pouvait apparaître comme décalée par rapport à l’esthétique du programme. Au contraire, les œuvres étaient d’une grande complémentarité au niveau du langage timbral, des dynamiques et de leur jeu passionné.
En première partie donc, la Symphonie concertante de Sergei Prokofiev. Écrite entre 1950 et 1952, cette œuvre en trois mouvements de la maturité du compositeur russe est un remaniement d’un précédent concerto pour violoncelle dont l’accueil fut vertement critiqué. Le langage de Prokofiev y est texturé et composite, faisant appel à tout l’entendu du violoncelle, de même qu’à des sonorités et des passages orchestraux et rythmiques qui rappellent le jazz. Au podium, nous avions un Payare toujours aussi fougueux, plus contenu que d’habitude dans sa gestique pour cette partition complexe où les interventions de l’orchestre sont véloces au niveau des textures et des techniques. La direction de Payare était précise et l’orchestre d’une grande intensité.
Les deuxième et troisième mouvements (Allegro giusto et Andante con moto) nous ont particulièrement plu, respectivement pour leur virtuosité, leur usage d’effets orchestraux dynamique et leur accent folklorique pour la cadence du deuxième mouvement où Alisa Weilerstein démontre toute l’étendue de sa technique et des jeux possibles de son instrument avec une aisance évocatrice. Même si ce qui, à l’oreille, semble sonner faux est en fait bien calculé, écrit et transmis avec naturel. Les lignes de violoncelles sont aussi véloces que les traits d’orchestre, se mariant avec les différentes sections dans une orchestration riche et inventive. Sur scène, Alisa Weilerstein nous transporte dans un univers qui est le sien où elle ne fait pas que jouer la musique. Elle est la musique. Elle incarne un personnage telle une actrice sur une scène de théâtre où son expression faciale et ses gestes sont aussi signifiants que la musique qui l’accompagne. Elle a d’ailleurs été chaleureusement ovationnée par le public pendant plusieurs minutes.
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La deuxième partie dédiée à la musique du ballet Daphnis et Chloé nous plongeait dans un monde onirique et coloré. Ici, Payare devient un peintre devant un canevas vierge qu’il peint avec précision. Même si on se trouve dans du répertoire qui est archi connu, voir se déployer les dynamiques et les couleurs imaginées par Ravel est toujours un ravissement. Intéressante disposition d’ailleurs que celle du chœur qui était installé plus en hauteur qu’à l’habitude pour cause d’enregistrement. Bel effet également que de faire entrer successivement les rangées de choristes lors de l’introduction pour simuler un effet de voix qui arrive du lointain et qui gagne en puissance. Petite critique : l’effet processionnel aurait eu encore plus d’impact si cette entrée avait été chantée sans partition ! Pour le reste, les interventions du chœur étaient excellentes, assurées avec un beau contrôle des nuances et des dynamiques. À l’orchestre, Rafael Payare danse sur scène et instigue vigueur et caractère aux différents effectifs orchestraux tant dans les moments les plus diaphanes que dans les passages tonitruants et cuivrés rappelant le langage de Georges Gershwin. L’interprétation des deux œuvres de cette soirée, étonnamment complémentaire et passionnée, méritait amplement les applaudissements nourris d’une Maison symphonique bien remplie et a donné à l’orchestre de beau matériel pour leurs prochaines sorties d’albums ; sorties que nous avons hâte de découvrir.
crédit photos: Antoine Saito
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