On nous annonçait une soirée de concert sous le signe de la découverte pour le dernier concert de l’Orchestre symphonique de Laval. Et, découverte nous avons eu tant au niveau du répertoire que de la direction. Pour conclure sa saison 2024-2025, l’OSL présentait le très peu connu et joué Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll avec le violoncelliste Bryan Cheng comme soliste invité et le jeune chef Andrei Feher au podium. Tous deux ont offert dans cette pièce centrale du programme une performance toute en synergie et en complicité.
Née Trautmann en 1846 au nord de l’Alsace, l’éducation musicale de Marie Jaëll est marquée à la fois par l’Allemagne et la France. On ressent effectivement à travers cette œuvre à la fois la légèreté de la musique française et l’intériorité de la musique allemande. Le premier mouvement s’ouvre par un tapis de cordes au-dessus duquel se dresse un thème pastoral porté par le violoncelle vers une véloce ligne chromatique. Après un passage en mineur qui amène un élément de contraste typique de l’écriture avec une dose d’énergie dramatique presque wagnérienne, le mouvement se conclut par un retour au caractère pastoral avec les flûtes évoquant la légèreté de l’air et le vol des oiseaux. Le deuxième mouvement expose un lied dansant sur un rythme de valse. Le caractère y est noble avec un dialogue serein entre le violoncelle et les cordes et des passages où les cuivres confèrent un écrin royal. Le dernier mouvement, énergique et vif, presque anxieux par moment, se conclut par une cadence frénétique. Bryan Cheng l’a interprété avec aplomb et une aisance naturellement musicale.
Il faut le dire, le concerto n’est pas novateur ou révolutionnaire dans la forme ou sur le plan de l’esthétique. Mais il est d’une finesse d’écriture tant dans les lignes mélodiques et l’orchestration que dans le traitement de l’instrument soliste au sein de celle-ci. Ce dernier n’est pas en proie à des traits virtuoses faits pour épater la galerie. Il met en valeur le son chaleureux du violoncelle en communion avec les autres instruments de l’orchestre. Le concerto était précédé de l’également peu joué Ouverture Genoveva de Robert Schumann qui, à l’image de la personnalité de son compositeur, alterne entre moments de bravoure et de mélancolie ponctués d’accents colériques aux cuivres.
C’est surtout dans la Première symphonie de Brahms que la direction d’Andrei Feher se deploie. Le chef, qui est également le directeur musical et artistique de l’Orchestre symphonique de Kitchener-Waterloo, construit une architecture sonore cohérente et bien définie, relevant les éléments importants de chaque mouvement avec justesse. Sa gestique est calquée sur les mouvements des cordes, dont il va puiser toutes les ressources. Il danse pratiquement avec des musiciens, indiquant des intentions claires avec précision et une intensité soutenue, que ce soit dans les moments de grandes intensités que les moments plus lyriques, comme dans le deuxième mouvement où Feher fait chanter les lignes des cordes ou encore dans le choral final du quatrième mouvement qui gagne en intensité. Feher incarne la musique fougueuse de Brahms autant que les musiciens l’interprètent. Il leur rend bien les intentions de celle-ci par une direction précise et centrée sur la forme et l’expression musicale.
Une performance remarquable donc d’une grande intensité chaudement applaudie qui est venue mettre un point final à cette saison. Il nous tarde d’entendre ce que l’orchestre lavallois prépare pour sa prochaine année et de voir à nouveau Andrei Feher au podium, ce dernier nous ayant laissé une forte impression.
crédit photo : Gabriel Fournier