Jeudi au Ministère, le pianiste st compositeur François Bourassa donnait le coup d’envoi du 24e Off Festival de jazz de Montréal, mis de l’avant à l’origine pour mettre de l’avant la communauté locale des artistes du jazz alors délaissés par le Festival international de jazz de Montréal – contrairement aux années 80 et 90. Le positionnement du jazz local au FIJM se résume depuis lors à une série locale et quelques scènes extérieures, alors que l’OFF présente une trentaine de concerts chaque automne. Nous y voilà !
Programme double donc, côté François Bourassa.
Mis de l’avant par Philippe Côté, compositeur, arrangeur, improvisateur et saxophoniste, le projet Confluence consiste à aménager une œuvre composite impliquant les musiques contemporaines d’inspiration classique ou jazz. Endisqué à New York l’an dernier et très bientôt lancé sous étiquette Odd Sound, ce répertoire du duo met en commun leur intérêt pour l’exploration, notamment celui du piano préparé, une pratique rendue célèbre par l’Américain John Cage. La technique implique l’insertion d’objets dans les cordes du piano que gère la table d’harmonie. On obtient ainsi des sonorités inhabituelles, qui s’apparentent parfois au marimba. Les compositions au programme sont généralement simples et offrent une grande place à l’improvisation. Parfois deux pianos sont préparés, parfois un seul, les échanges peuvent impliquer deux pianos ou encore saxophones (soprano ou ténor) et piano. Ces musiques laissent libre cours à l’improvisation libre mais l’harmonie (tonale ou modale) demeure présente tout au long de cette expérience.
En deuxième partie de programme, l’excellent quartette de François Bourassa reprenait du service à l’Off Festival de Jazz. Un quart de siècle de pratique a mené cet ensemble à une maturité exceptionnelle, voire une voie unique du jazz québécois sur l’entière planète jazz. La supravirtuosité du saxophoniste André Leroux et l’excellence compositionnelle de François Bourassa sont les clés de cette expression, qui repose néanmoins sur un impeccable soutien rythmique, gracieuseté de Guillaume Pilote et Guy Boisvert. Jeudi soir, nous avons (une fois de plus) pris la mesure de cette cohésion et de cette inspiration. Les connaissances profondes de François Bourassa en musique contemporaine de tradition classique et jazz l’ont mené à construire un langage virtuose libéré de tout carcan académique. Ce véhicule l’a mené à accomplir de petits miracles et l’album Swirl, sorti récemment sous étiquette Effendi, en démontre les avancées formelles car elles sortent très clairement du cadre habituel du jazz en petite formation.
Depuis les débuts du jazz moderne, les musiciens jouaient généralement un thème mélodique (head pour les intimes) avec l’accompagnement de la section rythmique, suivi d’une section dans laquelle tous les interprètes improvisaient des solos, puis revenaient à la mélodie d’intro au terme de l’exécution. Cette forme n’est plus exploitée (ou si peu) par François Bourassa, préférant inscrire les impros de ses collègues dans des structures différentes et variées. Encore une fois, on observe cette marche vers l’union des univers jazz et classique, un processus désormais inévitable. Chose certaine, François Bourassa en est une cheville ouvrière, au plus grand plaisir des mélomanes.