Un soir de juillet à Montréal, Sarab débarquait quelques semaines à peine après Sanam. Ces deux groupes ont en commun l’arabité contemporaine et l’attitude rock.
Dans le cas de Sanam, venu de Beyrouth, on était dans le post-rock, le drone, le noize, l’ambient et la musique classique arabe. Côté Sarab, invité mardi au Ministère dans le contexte des Nuits d’Afrique, on était dans un alliage expressif de métal, krautrock, jazz-rock et chants syro-libanais classiques et contemporains.
L’expression vocale de Climène Zarkan est forte, éloquente, hypnotique, engagée corps et âme dans le contexte des profondes perturbations que subit la grande région du Levant depuis trop longtemps.
On se trouve ainsi au cœur du dialogue entre la chanteuse, fille d’immigrants du Levant mais très parisienne à la fois, et de son collègue guitariste Baptiste Ferrandis, instrumentiste très doué et directeur musical respectueux de l’équilibre est-ouest à atteindre dans un tel exercice de fusion.
Les mélodies de Sarab tiennent du tarab (chants d’extase), mais aussi des incantations soufies et des affects typiques de la grande pop arabe moderne (Abdel Wahab, Fairouz, Oum Kalthoum, etc.) , sans compter cette esprit rock qui les distingue en lui conférant de belles aspérités.
C’est à la fois rugueux et complexe, ça exprime l’état d’âmes parisiennes d’aujourd’hui qui absorbent la conjoncture et en font de l’art. Et c’est fait par des artistes aguerris, rompus aux formes avancées de la musique instrumentale amplifiée À l’évidence, les artistes de ce quintette sont éduqués et atteignent un niveau avancé dans leur jeu respectif – excellent batteur, soit dit en passant.
La curiosité intellectuelle les conduit à concrétiser musicalement la rencontre de la chanson et de la poésie arabes d’aujourd’hui et de musiques parfois traversées par le Moyen-Orient mais avant tout occidentales dans leur expertise et leur exécution.
Enfin bref, on n’est vraiment pas dans la pop rapidement consommée, un tel mélange s’impose lentement et sûrement, à condition que ses praticiens persévèrent sur cette voie d’ouverture excluant la facilité.
On le leur souhaite.
Photo : M. Belmellat