Au terme d’une compétition relevée, c’est le violoniste ottavien Justin Saulnier qui a remporté le Prix du violon d’or 2024-2025. Le jeune interprète de dix-neuf ans se voit ainsi décerner un prix en argent d’une valeur de 30 000$, ainsi qu’une prestation de concert dans le cadre de la série Schulich@Bon-Pasteur qui se tiendra le 26 février 2025 au Centre canadien d’architecture. Le deuxième prix est revenu à Joey Machin, qui se voit attribuer une bourse de 15 000$. Jueun Lee ferme la marche de cette édition du Prix du violon d’or en repartant avec un prix en argent de 5000$.
Devant une salle Tanna Schulich bien garnie, Justin Saulnier a livré un programme techniquement habile et empreint d’une musicalité sans faille. En ouverture de son programme, il a interprété les Trois romances de Robert Schumann. Dans chacune des pièces, il a insufflé un caractère différent avec doigté, tandis que dans la Sonate pour violon seul d’Ysaÿe, il a illustré sa maîtrise technique dans un élan virtuose où les traits violonistiques étaient d’une grande précision.
Mais la portion centrale de son programme dédiée à la Sonate pour violon no 1 d’Alfred Schnittke, une œuvre complexe mettant en valeur une multitude de techniques de jeu, tant au violon qu’au piano, a été le moment fort de sa prestation. Cette œuvre était un choix judicieux et à son avantage. À l’image de son programme de demi-finale, Saulnier a été le seul à proposer une œuvre résolument ancrée dans le langage du XXe siècle – l’autre exception étant la Fantaisie pour violon seul d’Ellen Taafe Zwilich interprétée par Jueun Lee. Ce changement de caractère était plus que bienvenu dans un programme de soirée qui était sinon pétri de l’univers tonal du XIXe siècle. Comparé à ses collègues, Saulnier est celui qui a présenté le programme le plus varié et le plus versatile au niveau du style et de la technique.
Jueun Lee s’est présentée sur scène en interprétant la Fantaisie de Zwilich, la Sonate pour violon no 1 de Fauré et Tzigane de Ravel. Lee a présenté son répertoire avec la même vigueur qui a caractérisé son passage en demi-finale. Elle a fait montre d’un aplomb virtuose à bien des égards, notamment dans les œuvres de Zwilich et Ravel. L’intensité de ses interprétations a cependant, par moment, pris le pas sur sa virtuosité. Le jeu de timbre et de texture, ainsi que l’exposition des traits idiomatiques présents dans la pièce de Ravel, était bien présent, mais inégal, notamment dans les passages extrêmement véloces ou dans les changements de technique de jeu. La grande œuvre instrumentale de son programme, la sonate de Fauré qui oscillait entre mélancolie et intensité, a été exécutée avec zèle, mais manquait d’éclat dans l’expression de ce curieux langage harmonique.
Succédant à Jueun Lee, Joey Machin a interprété les Cinq mélodies de Prokofiev, Souvenir de Moscou d’Henryk Wieiniawsky et les troisième et quatrième de la Sonate pour violon de César Franck. Il est lui aussi demeuré dans une certaine continuation de son programme de demi-finale en offrant une performance raffinée et claire. Les mélodies de Prokofiev ont été exposées avec un son égal et stable de même que la sonate de Franck. Son jeu et sa maitrise des dynamiques ont été démontrés dans la pièce de Wieiniawsky, où il a fait ressortir avec beaucoup de justesse et de style les éléments folkloriques qui parcourent l’œuvre. Une performance qui a tout de même été émaillée de quelques accrocs mineurs à la fin dans les passages aigus marqués più vivo.
Le jury qui a évalué les épreuves de demi-finales et de finales était composé d’Andrée Azar, de Carole Sirois, de Joshua Peters, de David Stewart et de Jonathan Crow. Le professeur André Roy agissait à titre de président non votant. Les finalistes étaient accompagnés au piano respectivement par Gaspard Tanguay-Labrosse, Itamar Prag, Félix Marquis et Veola Sun.
crédit photo : Tam Lan Truong