La très imposante Salle Wilfrid-Pelletier, 3,000 places, était presque remplie pour ce concert essentiellement acoustique, constitué de piano, guitares et voix. Et, surtout, de mots.
Nous étions conviés à une célébration intime du vénérable Alain Souchon, 81 ans, dans le cadre de sa tournée où il est accompagné uniquement de ses deux fils, Pierre et Ours (Charles), pour une rétrospective de sa longue carrière, constituée de plus de trois-cents chansons.
Ça a démarré sur La p’tite Bill, elle est malade et ça s’est achevé sur Allô maman bobo, deux chansons qui datent de 1977. Dans l’intervalle, nous avons eu droit à vingt-six autres chansons et plus de deux heures de musique. Je vous l’indique tout de suite: la foule était ravie de se laisser bercer par ces souchonneries qui s’étendent sur 50 ans de carrière.
À mon humble avis, l’âme d’Alain Souchon se résume à ces vers de la chanson Ronsard Alabama, de l’album Âme fifties de 2019: « car toujours avec la liesse, la tristesse se mêle secrètement ». L’auteur-compositeur est un as du mélange des émotions, qui rejoint en cela ce que beaucoup d’entre nous ressentons. C’est aussi celui qui, avec son ami Laurent Voulzy, nommé à de nombreuses reprises au cours du concert de vendredi, a donné un coup de jeunesse à la chanson française en y intégrant magnifiquement le folk, le rock et la pop, sans trahir l’âme très « frenchie » des chansons.
Tout au long du spectacle, des vidéos d’archives donnaient du contexte et ajoutaient des émotions, notamment des moments où Pierre et Ours étaient de jeunes enfants. Aujourd’hui, ils sont âgés respectivement de 52 et 47 ans. Ils sont eux-mêmes auteurs-compositeurs, ils ont connu moins de succès que leur père et aujourd’hui, ils ont choisi la plupart des pièces de ce concert hommage.
Bien sûr, nous avons entendu Foule sentimentale, Sous les jupes des filles, La Ballade de Jim, L’amour à la machine, Les Cadors, parmi les « tubes »les plus connus. Personnellement, j’ai apprécié certaines pièces que j’avais oubliées: la magnifique Casablanca, où Alain Souchon est né en 1944, jouée en solo au piano, Et si en plus il n’y a personne, une critique très subtile des grandes religions et la formidable C’est déjà ça, qui raconte le parcours d’immigrants soudanais à Paris.
Nous avons eu droit également à Karen Redinger, une chanson de Laurent Voulzy qu’on voyait jouer à la guitare sur écran pendant que les trois Souchons chantaient. Aussi à la très jolie Les Montagnes de Corée, écrite par Ours et Pareil Jamais, signée Pierre Souchon.
Les deux fils étaient très présents dans plusieurs monologues, durant lesquels ils racontaient des anecdotes sur leur papa. C’était intéressant, mais parfois un peu longuet. Alain Souchon était dans une forme resplendissante pour un jeune octogénaire. Il levait du poing et scandait régulièrement « Montréal, Montréal, Montréal ! ».
Bien sûr, on peut critiquer le choix de certaines chansons. J’aurais aimé entendre Ultra moderne solitude et Rive gauche, qui comporte un couplet sur le Québec. Mais ne gâchons pas notre plaisir. Mes voisines de sièges ont quitté la salle avec un immense sourire… et avec peut-être un soupçon de tristesse.
Un mot sur la jeune Québécoise Jeanne Côté, qui a offert une première partie très honorable et avait l’impression de vivre un rêve éveillé en précédant un grand de la chanson française dans cette salle impressionnante ! Ça vaut la peine d’écouter son disque récent Nos routes pleines de branches.