FMA | Ifriqiyya Électrique, rock et transe du désert

par Alain Brunet

La transe est une forme millénaire d’hypnose collective, on en témoigne avec pertinence au Festival du monde arabe de Montréal (FMA). Au fil des derniers siècles, la transe a été progressivement bannie de l’espace culturel occidental, mais elle est toujours vivante dans plusieurs zones du globe. On l’associe certes au primitivisme, au paganisme, bref à des rites régressifs des sociétés traditionnelles mais… Quoi qu’on en dise, la transe demeure une pratique thérapeutique pour plusieurs populations et il est impératif de la considérer avec respect.  

C’est d’ailleurs ce qu’on a pu observer mercredi dernier au Théâtre Plaza avec le concert -cinéma Ifriqiyya Électrique, mené par le guitariste français  Francois R. Cambuzat et la chanteuse et bassiste italienne Gianna Greco. 

Curieux et ouverts, ces artistes venus du rock se sont posés volontairement dans le désert tunisien, là où cohabitent des Maghrébins de souche, des descendants de colons arabes et des descendants d’esclaves jadis déplacés  d’Afrique noire. On y observe une forme de syncrétisme mystique, c’est-à-dire un mélange de religions polythéiste et monothéiste, animisme africain et religion musulmane dans le cas qui nous occupe. Dans cette zone méconnue vibre la communauté de la Banga dont il est ici question.

Pendant des années, nos hôtes européens se sont intégrés à cette communauté localisée dans le désert du Jérid en Tunisie, là où s’étend une immense plaine de sel. Ils y ont enregistré et filmé des musiciens guérisseurs, « gardiens des portails mystérieux entre les mondes ». L’anthropologie, l’ethnomusicologie et l’art brut se mêlent ici et tout public le moindrement curieux en sort plus instruit.

À travers les danses et chants rituels, rythmes effrénés que produisent les crotales, tambours sur cadres derboukas et autres caisses claires, sans compter le sacrifice d’animaux,  la population locale entre littéralement en transe et extirpe ses démons via ce rituel collectif. Ce rituel, précisons-le est adorciste, on y souhaite la possession par les esprits afin de guérir les plaies de l’âme.

Ainsi, le film de ce rituel est projeté et deux artistes l’accompagnent en temps réel. Les interventions de François R. Cambuzat et Gianna Greco relèvent du stoner rock, c’est-à-dire une averse d’accords simplement construits, enveloppés d’épaisses couches de distorsion. On ose croire que ces artistes ont pris soin de ne pas complexifier la donne afin de rendre justice à l’art brut capté dans le désert de Jérid. 

Évidemment, il serait beaucoup plus captivant de les voir et entendre à l’œuvre avec une communauté de la Banga, en chair et en os mais bon, l’économie de la musique telle qu’elle est aujourd’hui nous mène plutôt à une forme de séance musicale à demi virtuelle. 

Cela dit, ça donne vraiment envie de se rendre un jour dans le Jérid.

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