chant lyrique / classique occidental / opéra / opérette

Festival d’art vocal de Montréal 2024 | Une Chauve-Souris de haut vol pour l’ICAV

par Alexis Desrosiers-Michaud

Ce dernier week-end avait lieu, au Salon Richmond, le concert final de l’édition 2024 du Festival d’art vocal de Montréal de l’Institut d’art vocal du Canada (ICAV). Pour l’occasion, les jeunes chanteurs et chanteuses stagiaires de l’institut proposaient la version française de La Chauve-Souris de Johann Strauss II, intercalée par The Four-Note Opera de Tom Johnson. Nous y reviendrons.

La mise en scène signée Lorraine Pintal était très ingénieuse. Le Salon Richmond étant une ancienne église convertie en salle de concert, il n’y a évidemment pas de fosse et donc, l’Orchestre classique de Montréal, dirigé par Simon Rivard, était placé en fond de scène. Le terrain de jeu pour les chanteurs étant assez restreint, il n’y a pas de place non plus pour des décors. L’enceinte de l’église, avec ses hauts plafonds desquels pendent trois lustres imposants, contribuait cependant à plonger le spectateur dans l’atmosphère des salles de bal viennoises du XIXe siècle.

Il s’agissait là d’une belle utilisation de l’environnement et de l’espace pour pallier l’absence de décors. Lorraine Pintal a également eu la judicieuse idée d’ajouter un personnage de narrateur afin de donner du relief à l’environnement scénique imaginaire qui se développe devant le public. Toujours sur scène, ce personnage (excellent Ludovic Jean) à l’allure oscillant entre l’esthétique des films de Tim Burton et du Joker ne se contente pas de simplement nous situer dans l’espace, mais vit intensément chaque scène et la commente à sa manière. Même lorsqu’il n’était pas au premier plan, c’était amusant de le voir prendre un très malin plaisir à savourer les multiples malaises de cette histoire. 

Vocalement, c’est une distribution de très haute qualité à laquelle nous avons eu droit. Malgré le fait que le public était très près des chanteurs, nous n’avons aucune raison de douter que toute cette distribution se serait bien fait entendre dans une plus grande salle tant la projection et le coffre étaient au rendez-vous. La soprano Meghan Henry (Rosalinde) gagne des points en y allant avec finesse et retenue dans son air de la Czardas et elle a pu démontrer l’impressionnant contrôle de sa voix tout au long de l’après-midi. Les barytons Diego Valdez (Eisenstein) et Brian Alvarado (Dr. Falke) projettent beaucoup en solo, mais s’ajustent lorsqu’ils chantent dans les numéros d’ensemble. Mentionnons également l’assurance de Théo Raffin (le directeur de prison Frank) et de Maëlig Querré dans le rôle du Prince Orlovsky, un rôle qu’elle a déjà campé en 2023 dans la production de l’Université de Montréal. Malheureusement pour Natalia Perez Rodriguez (Adele) – qui possède une très bonne et solide voix claire – sa prononciation du français n’est pas maîtrisée au point que cela détonne avec le reste de la troupe et plombe sa prestation. Derrière, l’Orchestre reste vigoureux et discret, mais il y a parfois des décalages lors des numéros de groupe, malgré la présence d’une cheffe relayeuse en avant-scène.  

« Dans la tradition du grand bal royal, le Prince Orlovsky offre un moment de divertissement. Place au cadeau lyrique du Prince! Place au Four-Note Opera ! » C’est ainsi qu’est présentée l’œuvre de Tom Johnson, dans une mise en scène de Joshua Major. Cet anti-opéra composé d’uniquement quatre notes (lasi et mi) est une caricature de l’art opératique et se moque sans merci de tous les clichés et stéréotypes qui l’entoure. Les paroles décrivent soit le procédé musical en cours (« This duet is a set of variation on a simple melody ») ou encore les émotions que vivent les chanteurs, par exemple le stress de devoir chanter a capella et de terminer sans détonner. C’est absurde et assumé, et plusieurs numéros font mouche. Les quatre chanteurs principaux sont aussi excellents ; Mary Jane Egan (soprano) a l’occasion d’en mettre plein la vue avec des vocalises et Hannah Cole (contralto) se surpasse dans le numéro a capella cité plus haut et projette une belle résonance dans les graves. Quant à Sébastien Comtois, il épate avec un très bon contrôle des notes piano dans l’aigu. Enfin, le baryton Brian Alvarado (encore lui!) démontre des qualités athlétiques dans ses arias qui lui demandent énormément d’énergie. Bref, c’est sympathique et très drôle par moment, mais long pour un interlude, au point où on se dit à la fin : « Ah, c’est vrai, il faut terminer le programme principal. »

Le maillon faible de cette production est sans contredit les surtitres français. Disposés sur quatre écrans installés de chaque côté de la scène, ceux-ci étaient souvent en retard sur l’action et les mots écrits n’étaient pas toujours les mêmes que ceux prononcés par les chanteurs. Le plus gênant, cependant, était les fautes d’orthographe et d’accords des participes passés qui se glissaient ici et là, quand ils ne disparaissent pas totalement à la fin du Four-Note Opera.

crédit photo: Baptiste Jehl

Tout le contenu 360

Mundial Montréal | Abdulaye Nderguet et Emmanuel Bex cherchent l’âme du blues et… trouvent le jazz, le funk, l’Afrique

Mundial Montréal | Abdulaye Nderguet et Emmanuel Bex cherchent l’âme du blues et… trouvent le jazz, le funk, l’Afrique

Violons du Roy / Chapelle de Québec| Le Messie de Handel selon Bernard Labadie

Violons du Roy / Chapelle de Québec| Le Messie de Handel selon Bernard Labadie

Mundial Montréal | Traitement royal pour Magdala

Mundial Montréal | Traitement royal pour Magdala

Mundial Montréal | Eli Levinson nous présente TOUTE la programmation!

Mundial Montréal | Eli Levinson nous présente TOUTE la programmation!

Festival Marathon de M pour MTL | Mikey survole sa programmation

Festival Marathon de M pour MTL | Mikey survole sa programmation

Culture Cible en très mauvaise posture

Culture Cible en très mauvaise posture

Tryptique

Tryptique

Peggy Lee & Cole Schmidt – Forever Stories of: Moving Parties

Peggy Lee & Cole Schmidt – Forever Stories of: Moving Parties

Andrew Wells-Oberegger – Déjouer le glas

Andrew Wells-Oberegger – Déjouer le glas

Alfredo Santa Ana – Before the World Sleeps

Alfredo Santa Ana – Before the World Sleeps

Elisabeth Saint-Gelais – Infini

Elisabeth Saint-Gelais – Infini

Bryn Roberts – Aloft

Bryn Roberts – Aloft

Quatuor Esca – Esca

Quatuor Esca – Esca

Arthur Levering – OceanRiverLake

Arthur Levering – OceanRiverLake

Steven Osborne/London Philharmonic Orchestra, dir.: Edward Gardner – Tippett : Concerto pour piano; Symphonie no 2

Steven Osborne/London Philharmonic Orchestra, dir.: Edward Gardner – Tippett : Concerto pour piano; Symphonie no 2

Le cinéma intérieur de la compositrice et artiste sonore Roxanne Turcotte

Le cinéma intérieur de la compositrice et artiste sonore Roxanne Turcotte

Coup de coeur francophone : zouz, La Sécurité et René Lussier au Club Soda | Lourd et angoissant

Coup de coeur francophone : zouz, La Sécurité et René Lussier au Club Soda | Lourd et angoissant

Coup de cœur francophone | Original Gros Bonnet – Le vide

Coup de cœur francophone | Original Gros Bonnet – Le vide

Coup de coeur francophone – Gabriella Olivo + Daria Colonna

Coup de coeur francophone – Gabriella Olivo + Daria Colonna

Guillaume Villeneuve et les Reflets du temps du Quatuor Cobalt

Guillaume Villeneuve et les Reflets du temps du Quatuor Cobalt

N NAO – Pleine Lune

N NAO – Pleine Lune

Coup de cœur francophone | OGB: un tryptique d’EPs et une paire de Jazz Bangereux pour un retour en force

Coup de cœur francophone | OGB: un tryptique d’EPs et une paire de Jazz Bangereux pour un retour en force

Elisabeth St-Gelais : « Poursuivie par le même rêve » à l’Infini

Elisabeth St-Gelais : « Poursuivie par le même rêve » à l’Infini

Coup de cœur francophone | Sarahmée remonte sur le trône

Coup de cœur francophone | Sarahmée remonte sur le trône

Inscrivez-vous à l'infolettre