Le Festival d’art vocal de Montréal est entré dans le dernier droit de sa vingtième édition avec la présentation le vendredi 2 août du concert L’Audition à la Salle Claude-Champagne. Après un gala plein de promesses, des classes de maître public, une série de concerts à Verdun et à Saint-Denis-sur-Richelieu ainsi qu’une participation de quatre solistes à la représentation de la Symphonie no9 de Beethoven avec l’Orchestre de la Francophonie, le moment était venu de présenter au public montréalais, l’ensemble des jeunes artistes qui effectuent un stage à l’Institut canadien d’art vocal (ICAV).
Dans une soirée vocale accompagnée par l’Orchestre de la Francophonie, les 23 jeunes stagiaires de l’ICAV ont défilé pour présenter des airs d’opéra qui étaient captés sur vidéo pour être envoyés à des directeurs de maisons d’opéras. Cette soirée a confirmé nos impressions relevées lors du concert gala qui nous avait donné un bon aperçu des aptitudes et des personnalités vocales des différents chanteurs et chanteuses : de belles voix capables, mais dont certaines pâtissent d’un manque de projection. Le premier participant à ouvrir le bal, le baryton sud-coréen Keunwon Park, malgré un timbre chaleureux et une belle assurance, s’est empêtré dans un « Largo al factotum » du Barbier de Séville, inégale où on perd de son intelligibilité dans le grave qui peine à percer par-dessus l’orchestre. Dans ce même registre, le ténor Brian Alvarado, qui avait fait montre d’une voix puissante et assurée lors du gala, a donné une performance en demi-teinte de l’air « Sois immobile » tiré de Guillaume Tell de Rossini, marqué par une visible fatigue, malgré une belle douceur dans la ligne vocale.
Également du lot des voix qui ont offert de belles prestations, mais dont certains aspects méritent encore de l’attention, la mezzo-soprano Hannah Cole et le baryton Matt Mueller doivent travailler leur diction française, car mis à part ce détail, leur présence scénique était tout à fait juste et captivante. Parmi les voix à retenir, et surveiller, notons le baryton Geoffrey Shellenberg, le ténor Mischael Eusebio, qui a offert un air du chevalier Des Grieux sensible. Mentionnons aussi la soprano américaine Abigail Sinclair – convaincante Reine de la Nuit –, les Canadiennes Zoe McCormick et Mary Jane Egan, qui ont chacune présenté deux interprétations senties et maîtrisées de « Donde Lieta » tirées de La Bohème ainsi que la Chinoise Yang Liu et l’Espagnole Natalia Pérez Rodriguez qui ont interprété l’air de Turandot « Signore Ascolta » avec un lyrisme distingué. Dirigé de manière habile par Julien Proulx pour la plupart des morceaux au programme, l’orchestre a également été dirigé par trois chefs stagiaires, une nouveauté dans le programme de l’ICAV. Des trois, Daniel Black et Simon Charette ont démontré les meilleures aptitudes au niveau de la sensibilité et de l’esprit des pièces qui leur était imposé. Madeleine Krick a cependant eu de la difficulté avec la synchronicité entre l’orchestre et le soliste, notamment dans l’air « Quanto è Bella » avec le ténor islandais Pétur Úlfarsson. Elle s’est rattrapée sur le même air par la suite avec l’Américain Diego Valdez. Ses actions et ses gestes sont cohérents avec les intentions qu’elle souhaite donner à l’orchestre, mais elle devra peaufiner sa communication avec les solistes et mieux anticiper leurs actions.
Malgré les quelques accrocs mentionnés, et ceux bien personnels que les chanteurs et chanteuses se feront à eux-mêmes, aucun des artistes qui ont foulé la scène n’a à rougir de leur prestation. Ils ont relevé l’exercice la tête haute et repartiront de cet exercice, quelle qu’en soit l’issue, avec de nouveaux outils, des réflexions pour nourrir leur parcours et leur construction en tant qu’artiste. Et cela, c’est exactement ce à quoi l’on s’attend de la formation qui leur a été prodiguée.
Le point culminant de cette édition sera la présentation de l’opérette La Chauve-Souris de Johann Strauss, à laquelle se greffera The Four-Note Opera de Tom Johnson, mis en scène respectivement par Lorraine Pintal et Joshua Major. Le rendez-vous est donné au Salon Richmond les 10 et 11 août dans un événement qui s’annonce pétillant, enchanté et plein d’humour où ces jeunes voix et ces jeunes artistes lyriques seront mis de nouveau en valeur.