Festival Bach | Sur l’air des fils de Bach

par Alexandre Villemaire

L’édition 2023 du Festival Bach s’ouvrait vendredi soir à la Maison Symphonique avec un programme mettant à l’honneur la musique de deux fils de J.S. Bach : Johann Christian (1735-1782) et Johann Christoph Friedrich Bach (1732-1795). Pages méconnues et peu jouées de ceux que l’on appelle respectivement le « Bach de Londres » et le « Bach de Bückenburg », les deux symphonies et concertos de chacun étaient dirigés par le chef allemand Reinhard Goebel, éminent et légendaire spécialiste du répertoire de la musique ancienne qui a fait de sa marque de commerce depuis plusieurs années la redécouverte de ce répertoire oublié avec son ensemble, Musica Antiqua Köln. Sa présence revêtait également une symbolique particulière et familière pour le festival, lui qui en avait inauguré la toute première édition il y a dix-huit ans comme l’a mentionné en introduction sa fondatrice et directrice artistique, Alexandra Scheibler.

Aussitôt entré sur scène d’un pas énergique et primesautier, le chef allemand à entrainé les musiciens de l’Orchestre du Festival Bach dans l’univers de Johann Christian. Tout de contraste, la Symphonie en sol mineur no 6 plonge l’auditeur dans une énergie véloce alimentée par une base de cordes haletantes, mais dont les idées musicales, bien que dynamiques, finissent par s’estomper. Soliste invitée pour la soirée, l’excellente pianiste Schaghadjeh Nosrati a interprété le Concerto en mi bémol majeur du même compositeur. Typique de la forme classique tripartite, le matériel du piano et de l’orchestre se fondait ensemble dans une synergie remarquable pour par lui suite, se séparer dans de beaux dialogues musicaux où les interventions de chacune des parties étaient mises en relief avec élégance et énergie. Les multiples dynamiques et nuances exprimées dans la première partie portaient la marque du style galant, caractéristique chez Johann Christian et du Sturm und Drang, courant esthétique de la deuxième moitié du XVIIIe siècle mettant de l’avant une plus grande expression des sentiments.

En deuxième partie nous avons eu droit aux œuvres de l’aîné Johann Christoph Friedrich. Plus dense dans sa forme, le Concerto Grosso en mi bémol majeur fait intervenir à la fois l’ensemble de l’orchestre, une petite section d’instrumentistes et la soliste dans des dialogues passionnés. Ici encore, la maîtrise des textures et des dynamiques dans cette œuvre à la fois énergique et élégiaque par Goebel et Nosrati est engagée et solide. La marque du Sturm und Drang est également encore bien présente, notamment dans le deuxième mouvement Adagio, en mode mineur, à la fois mélancolique et dansant, marqué par des passages qui appellent au début du romantisme. La Symphonie en si bémol majeur se distingue par ses idées musicales nuancées, son énergie joviale et sautillante rappelant les symphonies de Haydn, son orchestration raffinée et colorée ainsi que par un emploi de mélodies tirées de chants populaires, particulièrement présents dans les troisièmes et quatrièmes mouvements.

La connaissance et l’aisance du chef dans ce répertoire étaient palpables tout le long de la soirée. Reinhard Goebel respire, transpire et inspire chacune des phrases, chaque nuance, chaque traits musicaux. Il les connaît comme le fond de sa poche et l’a démontré dans une direction qui tenait parfois plus de l’expression musicale que de la technique au sens strict. Il vivait cette musique. Saluons à cet égard l’excellent contingent de musiciens de l’orchestre qui répondait avec énergie et fougue à ses commandements, notamment les flûtes et les hautbois qui ont offert une belle présence sonore. Malgré la déconvenue que l’annulation de la présence de Sir John Eliot Gardiner – qui a interrompu ses activités professionnelles suite à un incident avec un chanteur en août dernier – a pu avoir, la prestation stylistiquement cohérente et bien menée par Reinhard Goebel, Schaghadjeh Nosrati et l’Orchestre du Festival Bach Montréal, ouvre néanmoins de manière sereine et solide cette nouvelle édition de ce grand rendez-vous de la musique des XVIIe et XVIIIe siècles à Montréal.

Ce concert d’ouverture sera présenté au Palais Montcalm de Québec le samedi 18 novembre et au Centre Carleton Dominion-Chalmers à Ottawa le dimanche 19 novembre. INFOS ET BILLETS ICI.

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