À la Maison symphonique, le Festival Bach lançait samedi son édition de majorité avec la présentation de la Messe en si mineur du maître. Avec l’annulation de la venue de Sir John Eliot Gardiner et des Monteverdi Singers l’an passé, cette prestation par le Chœur et Orchestre du Festival sous la direction de Leonardo García Alarcón était fort attendue, au vu d’une salle comble.
Et elle n’a pas déçu, loin de là. Dire que la Messe en si mineur de Johann Sebastian Bach est monumentale relève de l’euphémisme, mais il y a de ces concerts qui deviennent des événements qui resteront gravés dans la mémoire de ceux qui y ont assisté. Ce samedi soir, 23 novembre 2024 était l’un de ceux-là.
Déjà, la direction du Festival nous a annoncé une version pieuse, nous invitant à, comme Bach lui-même avec son œuvre-synthèse-testamentaire, « repenser à tout ce dont nous avons accompli de plus fier dans notre existence ». Mis à part l’intervention d’un comédien déguisé en Bach venant nous dire à quel point on est chanceux d’entendre sa musique et d’autres commentaires que le chef nous reformulera dans un contexte plus propice à l’esthétique de l’œuvre, ce fut une soirée dont tous se souviendront longtemps.
Justement, après l’allocution du chef, après nous avoir dit que cette œuvre est la jonction entre art et technique, nous annonce « bon concert » après l’accord initial de si mineur donné à l’orgue, les lumières de la Maison Symphonique s’éteignent, l’orchestre se le lève d’un bond et les choristes chantent le premier Kyrie des allées du parterre, dans une pénombre avec pour seul éclairage les lumières de lutrin, pour ensuite marcher lentement vers le devant de scène pendant l’exposition instrumentale.Toujours dans le noir, les deux sopranos sont perchées dans les loges corbeilles pour le Christe qui suit. Bien sûr, les lumières se sont rallumées aussi rapidement qu’elles se sont éteintes pour le Gloria.
Des quatre solistes, Dara Savinova est celle qui performe le moins bien. Elle chante avec un gros vibrato et une voix pleine, alors que l’on recherche le contraire dans du baroque. En plus, la projection n’est pas toujours au rendez-vous. Le ténor Nicholas Scott, la basse Andreas Wolf et l’autre soprano Mariana Flores ont chacun brillé dans leurs airs.
Leonardo García Alarcón dirige cette musique de main de maître, par et avec son cœur. En fait, il ne fait pas que diriger, il vit la musique. Levant souvent les bras au ciel, signifiant que cette musique est divine, Alarcón rend tout fluide et insuffle un côté personnel à l’œuvre. Il prend des décisions audacieuses, mais qui rapportent, comme de faire entrer et sortir les solistes au gré de leurs interventions, déplacements se faisant selon le tempo de la musique en cours, de sorte que chaque mouvement peut s’enchaîner. Notons aussi, les appuis forts sur les endroits qui font mal dans l’enchaînement Et Incarnatus est–Cruxifixus. C’était tellement profond qu’il fut difficile de sortir de cet esprit malgré la vivacité du Et resurrexit suivant.
Ce fut fondamentalement puissant lorsque la soprano Savinova a chanté l’Agnus Dei à genoux devant le podium dans la pénombre, pendant que les choristes sont descendus de scène lentement, comme une procession, pour rejoindre les allées pour le Dona Nobis Pacem final.
crédit photo: Gabriel Fournier