Festival Bach | Au-delà de Bach, la signature de Signum

par Alexandre Villemaire

Le programme sur papier a de quoi étonner et surprendre au premier regard : un quatuor de saxophone – instrument qui est bien plus souvent associé au jazz  et à la musique contemporaine – interprétant des transcription d’œuvres de Johann Sebastian Bach autour desquelles s’intercalent des pièces composés entre les XXe et XXIe siècle pour finir par un « tube » rock emblématique d’AC/DC ! C’est cette audacieuse proposition artistique que les membres du quatuor de saxophone Signum, constitué des Slovènes Blaž Kemperle (saxophone soprano), Alan Lužar (saxophone ténor) et des Italiens Jacopo Taddei (saxophone alto) et Guerino Bellarosa (saxophone baryton) ont offert au public du Festival Bach qui s’était amassé en bon nombre à l’Église St.George pour une prestation pleine de contraste et de rebondissements

Plongeant dans le vif du matériel, le quatuor a ouvert le concert par la Suite pour orchestre  no 1 en do majeur de Bach de laquelle il a  interprété l’ouverture, le menuet et la bourrée dans un beau jeu de nuances et une agilité mettant en valeur à nos oreilles la sonorité boisé et velouté de l’instrument. Alors que le programme nous annonçait la pièce New York Counterpoint du compositeur minimaliste Steve Reich, il nous a été annoncé par Alan Lužar  qu’en raison de problème technique, vraisemblablement lié à la bande qui accompagne l’œuvre, celle-ci a dû être retirée du programme à la dernière minute. Ce désagrément a cependant donné lieu à une belle découverte en la pièce Prized Possessions du jeune compositeur viêtnamo-américain Viet Cuong, dont le quatuor a interprété le second mouvement « Beggar’s Lace » en remplacement. Après l’élégance de la suite orchestrale, la pièce de Cuong était une page véloce avec un jeu intense, plein de « dirty notes » soutenues par quelques passages mélodiques auxquels un échange percussif de « slaptongue » donnait un dynamisme mordant.

Autre œuvre de Bach au programme, le Concerto dans le goût italien sur une transcription de Katsuki Tochio a conquis le public. Les musiciens de Signum on fait montre ici de l’intelligence de leur jeu. Chacun des mouvements étaient cohérents et expressifs dans le style. Le premier mouvement était joyeux et pétillant avec des phrases mélodiques sans cesse renouvelées. Le deuxième à mis de l’avant le jeu de Blaž Kemperle et Alan Lužar dans un touchant lyrisme. Le troisième mouvement, expressif revêtait un caractère particulièrement claironnant rendu par les sonorités des saxophones.

Au retour de l’entracte, le quatuor a entonné le fameux Adagio en sol mineur dit d’Albinoni. Le caractère du saxophone confère aux lignes pour cordes un effet langoureux, plaintif et intense plein de mélancolie qui par moment nous évoque la musique d’Ennio Morricone. Fidèle à son esprit de vouloir provoquer des rencontres stylistiques où la présence de Bach se reflète en filigrane dans les effets et les affects de leur œuvres, la dernière partie du concert a été consacrée à deux extraits du cycle Recitation Book de David Maslanka dans lequel le compositeur cite et utilise des chorals de Bach comme matériel musical qu’il déconstruit et reconstruit. La médiation sur le choral « Der du bist drei Eingigkeit » qui s’ouvre par un solo de saxophone soprano a été d’une béatitude profonde alors que la Fanfare/Variation sur « Durch Adams Fall » plus énergique, laissait poindre, au travers du matériel original, des sonorités rappelant James Horner. Parachèvant leur performance, les quatre comparses se sont laissés aller après un peu plus d’une heure de musique dans les univers très normés de la musique du XVIIe siècle, à une interprétation endiablée de Thunderstruck du groupe AC/DC; une conclusion forte et solide qui rappel qu’il s’agit du même langage musicale employé par le Kantor de Leipzig, exprimé différemment.

N’eut été de l’intelligence de la programmation, mêlant habilement (ré)interprétation de la musique de Bach avec œuvres contemporaines et de la personnalité musicale des membres de Signum, finir un concert par un tel écart stylistique serait tombé à plat et aurait à juste titre été décrié comme gauche. Mais, la proposition artistique claire, l’interprétation engageante des musiciens a séduit le public qui les a remercié par des applaudissements nourris digne de rockstar! Pour leur premier passage à Montréal et au Canada, le quatuor de saxophone Signum a certainement laissé une grande impression par leur musicalité, leur profonde maîtrise technique, leur aisance tant sur la scène que dans les formes et les différents style et leur habileté à communiquer un répertoire qui nous est familier sous un autre jour tout en nous accompagnant à la découverte de nouveaux horizons musicaux.

Le Festival Bach se poursuit jusqu’au samedi 2 décembre. Pour voir la programmation détaillée, rendez-vous sur le site officiel du festival ICI.

Consultez également la programmation de l’Off-Festival Bach, qui propose tous les jours du 22 au 29 novembre à partir de 12h une série de concerts et des activités gratuites.

Crédit photo : Antoine Saito

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