Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour! »

par Alain Brunet

crédit photo: François Goupil

Samedi soir, l’Orchestre Métropolitain jouissait une fois de plus du charisme remarquable et de la réputation béton de son chef, et lançait sa saison dans une Maison symphonique archi pleine. De surcroît, une foule archi enthousiaste devant son orchestre préféré et son chef bien-aimé.

Controlled Burn, fait  état d’une pratique autochtone ancestrale, visant à déclencher des feux préventifs afin de régénérer la forêt et aussi éviter une propagation des incendies ravageurs. La compositrice et violoncelliste crie Cris Derksen, formée à UBC en Colombie Britannique, a intégré les sonorités forestières et les crépitements du feu via les coups d’archets et autres procédés percussifs.

Harmoniquement, on est dans le typique néoclassicisme consonant des blockbusters cinématographiques et de séries télé nord-américaines, autour desquels la compositrice et soliste pour l’occasion, a greffé certains effets et manipulations électroacoustiques en temps réel – plutôt ténus. Chose sûre, les référents de cette esthétique étaient bien assez évidents pour que la vaste majorité du public présent à cette création y adhère au point d’ovationner sans réserve.

Comme nous l’a rappelé YNS en parlant de lui à la 3e personne, Richard Raymond avait joué ce concerto sous sa direction, en mars 2000. Il y a 22 ans, donc, le Concerto pour piano et orchestre no 2 en do mineur de Rachmaninov avait été joué et enregistré, et vu notamment  par le Montréalais Bruce Liu, soliste vedette de la soirée.

À l’évidence, cette œuvre post-romantique se veut un autre choix consensuel cohérent avec la direction artistique de l’OM, surtout pour le fameux thème du deuxième mouvement (adagio sostenuto) qui fut repris en 1975, disons-le une énième fois, par le créateur (et mashupper) du mégatube All By Myself, Eric Carmen, repris comme on le sait par Céline Dion – à tel point que certains pensent aujourd’hui qu’il s’agit d’un hit de Céline.

Bruce Liu avait joué l’œuvre récemment avec le Philadelphia Orchestra et prolongeait le plaisir à MTL pour une toute première fois avec l’OM sous la direction du même chef – comme on le sait. Entre Bruce Liu et l’OM, « c’est l’amour », a souligné son chef avant l’exécution du Concerto no 2 de Rachmaninov. La version de l’œuvre était relativement apaisée par rapport à d’autres versions connues dont l’originelle et sied fort bien au style de Bruce Liu, d’une extrême finesse et d’une grande circonspection si l’on prend en compte son jeune  âge (26 ans). 

Rappelons qu’on a ici affaire à un champion olympique du piano, grand gagnant du Concours Chopin en 2021, de surcroît le 1er musicien québécois à avoir ravi la première place après que son collègue Charles Richard-Hamelin eut ravi la seconde en 2016. Permettons-nous d’insister: cet honneur décerné à Bruce Liu est énorme sur la planète classique, d’où la nécessité de suivre de près la carrière de ce jeune musicien ayant joint l’élite mondiale.

Proposant un style ni trop éteint ni trop flamboyant, Bruce Liu affiche d’ores et déjà cette maturité des grands concertistes, et dont la personnalité affirmée nous réserve encore bien des surprises. Cohérent jusqu’au rappel, le soliste jouera un Prélude de JS Bach en mi mineur, BWV 855, jadis transposé en si mineur par Alexandre Illitch Ziloti qui avait dirigé la création du concerto no. 2 – à Moscou en 1901.

La seconde partie du programme était consacrée à l’enregistrement pour le label Atma Classique de la Symphonie no 2  en ré majeur op. 43 de Jean Sibelius, créée en 1902 à Helsinki. Cette captation en direct se faisait dans le contexte d’une intégrale discographique des symphonies du compositeur finlandais en cours de production. Le troisième choix au programme est aussi consensuel, cette symphonie de Sibelius étant la plus connue et forcément la plus jouée. Inutile de l’ajouter, nous sommes de nouveau sur ce territoire post-romantique que prise (entre autres) YNS. 

Cette très belle œuvre fut d’abord inspirée par un séjour en Italie et le personnage de Don Juan (imaginé au 17e siècle) et a souvent été comparée à la Pathétique de Tchaïkovski. Le caractère épique du premier et quatrième mouvement avaient alors une résonance nationale dans une Finlande opprimée par la Russie. Transfert de sens…
Malgré les agacements causés par les applaudissements réprimés par le chef et quelques épisodes de sanatorium dans l’amphithéâtre, on peut conclure à une solide exécution et à une une fluidité enviable entre les sections de l’OM, particulièrement aux troisième mouvement ( Vivacissimo — Lento e suave — Tempo primo — attacca) et au quatrième mouvement ( allegro moderato – Moderato assai – Meno moderato e poco a poco ravvivando il tempo – Tempo I – Largamente e pesante – Poco largamente – Molto largamente). La cohésion des pupitres, la rondeur et l’amplitude du son témoignent d’une connaissance profonde de l’œuvre par le maestro québécois. Avec quelques retouches il va sans dire, cette interprétation de la Symphonie no 2 de Sibelius pourra s’inscrire sans problème dans le répertoire discographique de l’OM chez Atma Classique.

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