Afrique / roots reggae

Danser poings levés avec Tiken Jah Fakoly

par Claude André

Dans un Mtelus gonflé à bloc, le grand chaman du reggae francophone Tiken Jah Fakoly a dégoupillé, mercredi soir, ses hymnes fédérateurs sur des rythmes new roots chaloupés.

C’est « l’artiviste » montréalaise d’origine mexicaine Noé Lira qui avait la lourde tâche d’assurer la première partie du reggaeman tant attendu.

Si certains ont maugréé en apprenant qu’il faudrait se farcir une prestation avant celle de Tiken Jah, la jeune chanteuse-accordéoniste et sa bande de filles (clavier, percussion, violoncelle) auront tôt fait de changer cette humeur, tant la jeune protégée de l’étiquette Bonsound irradie par son énergie solaire, ses danses hypnotiques, ses couleurs vives et sa contagieuse fureur de vivre. On la verra probablement un jour enflammer la foule depuis la grande scène de la Place des festivals.

Vers 21 heures, un groupe composé de 10 personnes, dont une section de cuivre et une autre de choristes, a chauffé la salle pour celui qui, fidèle à son habitude, s’est présenté sur le côté cour vêtu de sa tunique africaine, chantant Dernier appel, bâton de sourcier à la main jouant, encore une fois, son image de prophète en mission.

L’image n’est pas fortuite.

Depuis plus de 25 ans, le frère spirituel de Bob Marley et de Martin Luther King écume de sa voix rêche les scènes de l’Afrique francophone, d’Europe et du Québec avec ses chansons fédératrices qui lui ont valu quelques inimitiés, voire des interdictions de séjour et autres menaces carcérales, de la part de dictateurs patentés.

« L’Afrique est un des continents les plus riches et sa population est une des plus pauvres : est-ce que c’est normal ça? », demandera-t-il au cours de la soirée, suscitant l’engouement d’une foule qui avait parfois l’air de militants enthousiasmés par un meeting politique.

Comme un seul homme

Ainsi, aux premières notes de Plus rien ne m’étonne, les spectateurs se sont d’emblée mis à chanter en chœur, avant même que le chanteur ne s’exécute. Ce qui a semblé agréablement le surprendre.

Assurément le moment le plus fort de la soirée. Surtout sur le parterre où régnait une fièvre solidairement contagieuse et festive. Quelques chansons, moins percutantes (Où est-ce que tu vas? Religion, I Can Hear), feront baisser la température avant l’hymne écolo Le monde est chaud. Une chanson qu’à la demande du charismatique frontman, la foule a dansé en brandissant le poing pour… la planète!

Nous avons alors eu droit à un interlude au cours duquel les musiciens ont quitté leur poste pour danser à la queue leu leu sur scène au son de la batterie, tandis que Tiken, de retour avec ses vêtements de ville cette fois, a fait de même en nous gratifiant de ses savates et autres coups de pieds imaginaires. Le quinquagénaire a encore la pêche!

Il nous balancera cette fois Quand l’Afrique va se réveiller, une variante de Le peuple a le pouvoir jouée en première séquence. Une pièce qui n’aurait pas déplu à La Boétie, l’auteur du célèbre Discours sur la servitude volontaire.

Parmi les autres temps forts, notons, la libératrice Quitte le pouvoir ainsi que l’entraînante (mais fort utopiste) Ouvrez les frontières, qui a suscité des acclamations enthousiastes, ainsi que Braquage de pouvoir en rappel.Bref, une autre belle soirée reggae signée Tiken Jah : efficace, requinquante, mais, pour être honnête, sans surprise, un peu comme du comfort food pour les oreilles.

photo live tirée de la page FB de Tiken Jah Fakoly. cr: Anais Fournier – Matthis Vander – Bernard Benant – Léa Daher

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