Chanson francophone

CCF | GillesValiquette et son party de retrouvailles

par Claude André

C’est à un immense party de retrouvailles d’amis vieux de plus de cinquante ans que nous avait convié vendredi soir Gilles Valiquette, le nerd sympathique et avant-gardiste de la chanson québécoise.

C’est un peu en revêtant une casquette d’anthropologue que l’auteur de ces lignes, qui, pour être bien honnête, ne connaissait que quelques-uns des tubes du sieur Valiquette, s’est rendu au Théâtre Outremont avec pour mission de comprendre pourquoi l’artiste bénéficie d’un tel capital symbolique auprès de ses pairs.

Il avait convié sa mouvance à célébrer les 50 ans de son premier album récemment revisité : Retour à Chansons pour un café  paru en octobre dernier.

Sous la direction musicale de Marc Pérusse (guitares), son meilleur ami dira-t-il comme il l’a fait en présentant tous les membres de sa formation – dont Monique Fauteux (chanteuse d’Harmonium) et sa fille, Julie Valois (claviériste également) au chœur, et Rémy Malo (bassiste) – le boy next door égraine ses chansons folks pour le plus grand bonheur des nombreux aficionados qui les connaissaient par cœur, lui soufflant même, ici et là, les paroles de certaines d’entre elles lors des trous de mémoire.

« J’étais guitariste pour Jacques Michel, puis j’ai décidé de faire quelques chansons et de les lancer, comme on lance une bouteille à la mer. Cinquante ans plus tard, c’est moi qui ramasse la bouteille », confia le septuagénaire et éternel adolescent après nous avoir confié que c’est parce que les Séguin, notamment, ont repris ses titres qu’il s’est dit que ça pourrait peut-être aussi fonctionner pour lui, encouragé en ce sens par le réalisateur et ancien du groupe Les Bel Canto, René Letarte qui lui avait soufflé « je connais du monde ».

Yé ben cool

Reconnaissant, le Jacques Michel en question se pointera sur scène pour notre plus grand bonheur, histoire d’interpréter l’un de ses grands succès Pas besoin de frapper pour lequel Valiquette redevient accompagnateur ainsi que Viens me voir demain. C’est à travers ce geste d’apparence banale que l’on saisit l’humilité de l’artiste et bête de studio, qui cède ainsi toute la lumière à quelqu’un d’autre lors de son propre spectacle. Il fera de même plus tard avec Richard Séguin, qui viendra nous réchauffer avec Sous les cheminées. « On lui doit beaucoup. Gilles a ouvert un sentier pour tout le folk du Québec », synthétise Séguin en parlant de celui qui était le guitariste principal du premier disque des Séguin paru également en 1973.

Et il est vrai qu’en réécoutant ces chansons, souvent candides mais efficaces, on se rend compte que, finalement, elles en sont imprégnées sans trop que l’on perçoive des seventies : Un peu de bonheur, Sous un soleil d’été, Tout est mieux là-haut n’est-ce pas? et autres Samedi soir… cette dernière étant la réponse, dira-t-il, à sa compagnie de disques qui l’avait sommé de faire une toune… disco!

C’est vers la fin du spectacle que Valiquette, ce fan fini des Beatles auxquels il a consacré un livre volumineux, quittera (enfin!) son tabouret et remplacera sa guitare acoustique (hourra) pour une six cordes électrique afin d’interpréter celle que nous attendions tous : Je suis cool, accompagné par Normand Brathwaite, arrivé plus tôt aux percussions et qui nous montrera de quel bois il se chauffe à l’harmonica. Stop. Prise deux : « Vous êtes supposé dire : “yé ben cool, yé ben cool, yé ben cool”, au refrain. » Bon enfant, la foule s’exécute.

Puis, comme pour prolonger le plaisir, Valiquette entamera, évidemment, La vie en rose. Rappel numéro 1. Chez nous, c’est chez vous. Tout le monde reprend le refrain accrocheur à l’unisson. Des coulisses, reviennent sur scène les nombreux invités qui sont passés précédemment : Jacques Michel, Louis Valois (bassiste d’Harmonium), Louis Valiquette (fils de Gilles et membre de trois formations, dont The Sainte Catherines et Yesterday’s Ring), Richard Séguin, François Pérusse…

Flash : une odeur imaginaire de Marie-Jeanne flotte dans l’atmosphère, les gens se sourient béatement, un pays se dessine, les filles feront l’amour librement, l’insouciance et la joie de vivre planent dans l’air du temps. On rentre chez soi en saluant des juifs hassidiques et en chantonnant un air beatlesque signé Valiquette. Sourire léger et effluves de patchouli en mémoire, l’enfance est revenue l’espace d’un soir.

crédit photo: Jean-François Leblanc

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