Afrique / afrobeat / bikutsi / funk / groove / highlife / jazz / jazz électro / jazz latin / jazz-fusion / makossa / R&B / soukouss / soul / soul-jazz / soul/R&B

Manu Dibango en cinq temps

par Rédaction PAN M 360

Camerounais de cultures douala et yabassi, Manu Dibango est le premier grand musicien africain à périr de la Covid-19, à l’âge vénérable de 86 ans. Artiste phare de la culture panafricaine, il fut de toutes les avancées, de sa rencontre avec le compatriote Francis Bebey dans les années 50 jusqu’à sa disparition tragique le mardi 24 mars 2020. Au tournant des années 70, Papa Groove (un de ses sobriquets) fédérait déjà les principaux styles africains en vogue à l’époque – afrobeat, highlife, soukouss, etc. Ce groove funkadélique, post-James Brown et contemporain de George Clinton, aux arômes jazzy et afro-antillais, était également traversé par une approche authentiquement panafricaine mise au point par le multi-instrumentiste camerounais.

Manu Dibango s’affirmait comme chef d’orchestre déterminant de la pop culture planétaire. Arrangeur allumé, compositeur inspiré, saxophoniste efficace (ténor et soprano) ayant aussi flirté avec la variété française (ténor chez Nino Ferrer, orgue chez Dick Rivers), il fut d’abord et avant tout un grand leader conceptuel. Parmi les meilleurs musiciens africains depuis les années 50 jusqu’à sa mort, Emmanuel N’Djoké Dibango a fait la preuve que l’Afrique moderne avait beaucoup plus à offrir qu’un répertoire de musiques traditionnelles, aussi riches et diversifiées soient-elles. (Alain Brunet) 

Pour lui rendre hommage, PAN M 360 vous suggère 5 albums incontournables de son immense discographie.


1972 : O Boso (Soul Makossa)

Actif depuis les années 50, et bien qu’ayant fait partie du collectif à géométrie variable Africa 70 de Fela Kuti, c’est avec cet album paru en 1972 que le saxophoniste camerounais Manu Dibango s’est réellement fait connaître à travers le monde, particulièrement grâce au succès du désormais classique Soul Makossa et son mantra magique « ma-mako, ma-ma-sa, mako-mako ssa ». Ce morceau – à l’origine une commande du ministre des Sports du Cameroun qui voulait un hymne pour soutenir l’équipe de foot nationale – s’est retrouvé entre les mains de quelques disc-jockeys new-yorkais qui l’ont vite adopté lors de leurs soirées. Il a depuis été repiqué par Michael Jackson et Rihanna (ce qui a fait l’objet d’une poursuite), Quincy Jones et plusieurs autres. Mais O Boso est plus que l’album sur lequel on retrouve un hit planétaire, c’est pour plusieurs l’album le plus réussi de la carrière du défunt saxophoniste. C’est aussi celui avec lequel le néophyte devrait débuter s’il veut découvrir l’univers musical à multiple facettes de Dibango. En huit titres, O Boso offre une multitude de styles musicaux qui défient toute catégorisation facile : afro-folk, jazz-fusion, funk cuivré, afrobeat… Presque 50 années après sa sortie, ce disque demeure une véritable pépite intemporelle. (Patrick Baillargeon)

https://www.youtube.com/watch?v=4S3k4iN9fUA


1976 : Afrovision

C’est en 1972 que le regretté Manu Dibango s’est imposé sur la scène musicale internationale avec le très influent tube Soul Makossa, qui lui a ensuite servi de carte de visite. À l’époque où Fela Kuti, saxophoniste au Nigeria voisin, combinait le funk américain pur et dur aux fuji et highlife locaux pour en faire une arme de résistance politique, « le Lion du Cameroun », lui, y apportait une touche plus légère, plus enjouée – son mélange de funk et de makossa (d’après le mot « danse » en langue duala) était joyeux et non contestataire, bien que souvent aussi mordant et emporté que les jams de Kuti. Le saxo de Dibango en imposait, et énergiquement, mais il récompensait largement l’auditeur par sa puissance d’élévation.

Un survol des sept décennies de sa carrière ne laisse aucun doute sur sa vigueur créatrice. Afrovision, de 1976, le prouve : après avoir fait sa marque en 1972, Dibango brûle de montrer avec cet album la diversité de sa musique et sa capacité à suivre les courants et les tendances.

Bien entendu, une pièce disco était de rigueur sur tout album paru en 1976. Afrovision démarre donc avec le pétillant et percutant Big Blow. Comme pour dire « maintenant que vous avez eu ce que vous vouliez, suivez-moi », il enchaîne avec le surprenant, et exempt de saxo, Streets of Dakar, avec ses percussions mélodiques, sa guitare slide qui miaule et son groove souple et élastique. Le niveau d’énergie remonte d’un cran avec les titres Aloko Party et Bayam Sell’am, et les pistes de danse de remplissent, puis vient Baobab Sun, qui non seulement met en valeur le brio de Dibango au vibraphone (tout comme la pièce-titre en finale), mais qui témoigne d’une forte inclination jazz, direction que Dibango explorera plus avant dans les années suivantes. (Rupert Bottenberg)


1985 : Electric Africa

Au milieu des années 80, Herbie Hancock enregistrait Future Shock et Sound-System, de facture électro-funk et hip hop instrumental. Miles Davis déclenchait ses dernières irruptions funk-jazz contemporain avec synthés, basses et claviers électriques. Alors basé dans la région parisienne, Manu Dibango était à fond dans cette musique américaine qu’il sut adapter à son funk-makossa-bikutsi-jazz. En pleine gueule, on prenait la force de ce groove, la singularité de ces breaks et riffs initiés par le ténorman et son immense section rythmique. Ces grooves longs, horizontaux, irrésistibles, ponctués par de multiples apartés de complexité, étaient générés sous la gouverne de Bill Laswell, réalisateur visionnaire à l’époque. Entre autres artilleurs de cette cohorte extraordinaire, Dibango pouvait alors compter sur le bassiste camerounais Francis Mbappé, le claviériste béninois Wally Badarou, le claviériste américain Bernie Worrell, le griot guinéen Mory Kanté, le tout chapeauté par la voix du leader qui barytonnait des phrases en douala, par son jeu proverbial au ténor et par ces chœurs féminins qui lui donnaient la réplique. Il allait de soi que le pianiste Herbie Hancock pique un solo mémorable au cœur de la pièce-titre, dix minutes et 28 secondes de pure jouissance. (Alain Brunet)


1986 : Afrijazzy

Afrijazzy est le point culminant de cette relation entre Bill Laswell et Manu Dibango. Même s’il était limité dans l’articulation et la connaissance nécessaires au jazz de haut niveau, le ténorman avait atteint un niveau exceptionnel dans l’exécution collective, démarche comparable à celle d’un Carlos Santana à l’époque de ses incursions jazz (Caravanserai, Welcome, Borboletta). Les mélomanes montréalais se souviennent que la matière d’Afrijazzy fut jouée au Spectrum à l’été 86, au terme d’une véritable tempête tropicale qui s’était abattue sur la ville. Le concert fut tout simplement fabuleux, quoique différent de l’enregistrement paru durant cette même période. De nouveau réalisé par Bill Laswell dans un studio new-yorkais, le répertoire d’Afrijazzy est plus proche des musiques panafricaines, du highlife ghanéen au jazz sud-africain d’Abdullah Ibrahim et Hugh Masekela en passant par l’afrobeat de Fela Anikulapo Kuti. Une petite armée de musiciens prit part à ces séances historiques, encore plus considérable que celle mobilisé pour l’opus Electric Africa. Les puissantes infusions makossa-funk réémergeaient en fin de programme, question de nous rappeler que Manu Dibango était aussi un musicien de culture populaire, et dont l’une des missions cruciales était de faire se remuer les popotins. (Alain Brunet)


1994 : Wakafrika

En 1994, le gratin musical de l’Afrique s’était réuni autour de Manu Dibango afin d’enregistrer une rencontre au sommet. Les séances de Wakafrika furent menées à Paris, Londres, Los Angeles et New York. Youssou N’Dour (Sénégal) y reprend Soul Makossa en wolof, Salif Keita (Mali) chante sur Emma, Ray Lema (Congo) sur Homeless, King Sunny Adé (Nigeria) sur Hi-Life, Peter Gabriel (à la grande époque de Real World) et Geoffrey Oryema (Ouganda) sur Biko, Ladysmith Black Mambazo (Afrique du Sud) sur Wimoweh, Angélique Kidjo (Bénin) et Papa Wemba (Congo) sur Ami Oh!, Bonga (Angola) et Touré Kunda (Sénégal) sur Diarabi, on en passe… Voilà une œuvre collective, essentiellement panafricaine, témoignant des grands courants en vogue il y a un quart de siècle (b’balax, makossa, highlife, juju, gospel, zoulou, etc.), le tout arrangé, orchestré et dirigé par Manu Dibango. Le musicien avait d’ailleurs respecté les particularités des styles et cultures des vedettes inscrites au programme. C’est dire le leadership et le pouvoir fédérateur de ce géant camerounais transplanté dans l’Hexagone… jusqu’à son passage dans une autre dimension. (Alain Brunet)

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