Mercredi, l’action de Spotify a été l’objet de turbulences, soit après la publication de prévisions jugées décevantes sur les marchés… et bien sûr, après la controverse au sujet de son balado vedette, The Joe Rogan Experience dont plusieurs réprouvent la propension à la désinformation sur certains sujets scientifiques, à commencer par la COVID-19.
Lien de cause à effet?
Voyons d’abord les résultats en bourse : la plateforme de musique en ligne a beau avoir fait mieux que prévu au quatrième trimestre 2021, sa marque ayant été clairement affectée par la défection de Neil Young et, de ses ex-collègues de l’ex-supergroupe folk CSNY, sans compter Joni Mitchell, Barry Manilow, India.Arie, et, au Québec, le vénérable Gilles Vigneault. Évidemment, on ne compte pas les artistes locaux ou confidentiels, dont le retrait des oeuvres ne fait pas de vagues sur Spotify, du moins pour l’instant.
Le Suédois Daniel Ek, cofondateur de Spotify, nous assure que son entreprise sera plus vigilante à l’avenir, Joe Rogan a aussi fait ses promesses concernant sa rigueur douteuse en matière d’information scientifique, un de ses sujets préférés dont se délectent 11 millions d’usagers Spotify en moyenne, pour chacun de ses balados.
À la clôture de Wall Street mercredi, le titre de la société suédoise, cotée à New York, perdait 10,22 % et valait 172,30 $US. Cette tempête médiatique est-elle annonciatrice d’un déclin plus prononcé de la plus puissante plateforme d’écoute en continu sur Terre? Voyons voir :
Aux dernières nouvelles, soit à la fin de 2021, Spotify pouvait compter sur plus de 406 millions d’utilisateurs actifs, dont 180 millions optent pour un abonnement payant. Or, on constate que la croissance du nombre d’abonnés aurait ralenti malgré une croissance. Les prévisions de l’entreprise au premier trimestre 2022 sont de 418 millions d’utilisateurs, dont 183 millions de forfaits premiums, ce qui ne renverserait pas la tendance à la décélération de cette croissance néanmoins phénoménale. Au quatrième trimestre 2021, le chiffre d’affaires de Spotify était de 3 892 784 630 $ canadiens, ce qui représente une progression de 24 % au cours de l’année dernière.
Cela étant, Spotify continue de surfer sur une progression à peine affaiblie en ce début d’année, et surtout sur le potentiel de sa rentabilité éventuelle… sans faire de profits nets. Aussi étonnant que cela puisse paraître auprès des gens n’ayant pas suivi de près sa progression, la plateforme suédoise a bouclé l’année 2021 sur une perte nette de 56,5 millions $ canadiens. Il faut vraiment comprendre que, depuis sa fondation en 2008, Spotify n’est toujours pas rentable dans l’économie réelle! On comprendra donc que ses actionnaires souhaitent l’implantation de produits plus rentables, lui permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire. D’où l’expansion spectaculaire de son secteur consacré aux balados… avec les dommages collatéraux que l’on connaît depuis quelques jours.
En ce qui a trait à ce léger repli sur les marchés, Spotify ne fait pas de corrélation avec l’impact des critiques essuyées sur la désinformation dont la plateforme fait l’objet, particulièrement le fameux balado de Joe Rogan, qui attire une moyenne de 11 millions d’utilisateurs. Le big boss trentenaire (et milliardaire!) Daniel Ek se dit à la recherche d’un « équilibre entre l’expression créative et la sûreté de nos utilisateurs ». Ben coudon… Mark Zuckerberg, qui a fait bien pire que Spotify en matière de désinformation avec Meta / Facebook, nous a déjà fait cette promesse loin d’être évidente à tenir. Ces plateformes géantes ne sont-elles pas des créatures multiformes aux millions de tentacules, dont les dérives sont extrêmement difficiles à gérer?
Quoi qu’il en soit, promet-on chez Spotify, tous les balados traitant de près ou de loin la pandémie seraient désormais liés à des informations scientifiquement crédibles. Or, on sait que Joe Rogan a énormément de succès à interviewer les moutons noirs de la science, soit des chercheurs ou théoriciens réprouvés par la communauté scientifique ou les organismes officiels, comme l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des vedettes de cette zone dissidente, tels le virologue Robert Malone ou le psychologue et chercheur Jordan Peterson, conspués par leurs pairs pour leur opposition à différents consensus scientifiques, représentent pour plusieurs ceux qui disent « les vraies affaires » que camoufle le pouvoir institutionnel.
Quoi qu’on pense de ces errances éthiques ou encore de l’opposition au consensus scientifique, doit-on prévoir un vaste exode des usagers de Spotify ou des artistes de la musique dont on sait la rémunération famélique côté streaming, sauf une infime minorité de multimillionnaires parvenus?
Le scandale de la désinformation chez Spotify, plus complexe qu’il n’y paraît, serait-il un véritable déclencheur, révélateur du traitement inéquitable de la création au profit de la diffusion en ligne?
À suivre… Des données subséquentes nous permettront peut-être de nous faire une tête à ce titre. Pour l’instant, en tout cas, il est trop tôt pour affirmer quoi que ce soit… pendant que d’aucuns voient dans ces gestes posés par les « vieux artistes » un combat d’arrière-garde. Les plus méprisants vont jusqu’à s’en moquer, annonçant à la blague la défection imminente d’Alys Robi, Frank Sinatra ou Jean-Sébastien Bach. C’est dire…
Ce texte s’inspire de données publiées par AFP, Les Affaires et CBC.