…mais bien la Journée internationale des droits des femmes. Deux mots qui font toute la différence. Aujourd’hui encore, les discriminations rencontrées par les femmes sont bien réelles : statut précaire, écart de rémunération basée sur le genre, absence de parité, manque de représentativité, harcèlement et plafond de verre pour n’en citer que quelques-unes. Ces inégalités s’aggravent lorsqu’on prend en compte d’autres facteurs de discrimination comme la race, l’âge, l’orientation sexuelle ou le handicap. On les retrouve dans toutes les sphères de la société et le secteur des arts et de la culture n’y fait pas exception. Depuis quelques années, les initiatives féministes activistes dans l’industrie musicale se multiplient. En voici quelques exemples.
En 2018, KeyChange, un organisme européen qui lutte pour une industrie musicale plus diversifiée et plus égalitaire, faisait une annonce sans précédent : 45 festivals internationaux, parmi lesquels MUTEK, s’engageaient à atteindre la parité des sexes dès 2022. Aujourd’hui, la liste compte 235 festivals1. On pourrait se rassurer et se dire que la prise de conscience est réelle. Mais il reste du pain sur la planche. La représentativité et l’équilibre des genres dans les programmations – bien que cruciale – n’est que la pointe de l’iceberg. C’est aussi une façon d’attirer l’attention sur des discriminations genrées d’ordre structurelle. En effet, la marginalisation des femmes dans le milieu musical ne date pas d’hier et continue de se jouer tant la sphère familiale que professionnelle, à travers notamment, la reproduction des stéréotypes de genre. Ils peuvent expliquer, en partie, pourquoi 89% des harpistes sont des femmes et qu’elles sont 11% seulement aux trompettes2.
Le rapport Situation des femmes dans les industries artistiques et culturelles au Canada. Examen de la recherche 2010-20183 préparé pour le Conseil des Arts de l’Ontario et publié en 2018 nous apprend que, selon l’Enquête nationale auprès des ménages (ENM) de 2011 la moitié des musicien-nes et chanteur-euses sont des femmes. À l’échelle de la province, les chiffres manquent. On ne peut se baser que sur ceux des associations disciplinaires comme la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ) dont 1/3 des membres sont des femmes ; allant jusqu’à 49% à l’Union des artistes. Est-ce que les programmations de festivals reflètent ce chiffre ? Pas du tout, comme le confirme la journaliste Laurianne Croteau en 2019 dans un article publié chez Radio-Canada4. En moyenne seulement 23% des artistes programmé-es dans les 28 festivals québécois retenus par la journaliste sont des femmes.
Par ailleurs, le rapport ontarien affirme que « les salaires annuels des femmes dans l’industrie de la musique sont inférieurs de 27% aux salaires annuels moyens déclarés dans le segment des enregistrements sonores de l’industrie de la musique au Canada5 ». Les femmes et les personnes issues de la diversité culturelle sont aussi sous-représentées dans les postes de cadres supérieurs, de direction et de direction artistique, particulièrement dans les orchestres prestigieux.
Après ce constat plutôt accablant, que peut-on faire à titre d’individu pour faire avancer la cause ? Écouter, s’informer aux bons endroits et partager le message. Les initiatives présentées ci-dessous sont aussi pertinentes pour les artistes femmes qui souhaitent s’inscrire dans un réseau solidaire.
WIMC se consacre à la promotion de l’égalité des sexes dans l’industrie de la musique par le soutien des artistes et travailleuses culturelles à travers la formation, l’accès à des ressources, la valorisation des parcours individuels et la publication de recherche. À l’occasion du 8 mars 2022, l’organisme publie un plan d’action intitulé « Action plan and framework : advancing gender balance in the Canadian music industry6 ».
DIG ! : différences et inégalités de genre dans la musique au Québec
DIG ! est un projet mené en partenariat entre le milieu de la recherche et celui de la pratique. Il rassemble cinq organisations : MTL Women in Music, F*emmes en musique (F*EM), la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ), Lotus Collective Mtl Coop, et Shesaid.so MTL. Vanessa Blais-Tremblay7, professeure associée au département de musique de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) est à la direction scientifique de ce grand réseau qui a pour objectif de développer des outils qui pallient aux inégalités structurelles de l’industrie de la musique. L’équipe de recherche a ainsi cartographié les ressources – financement, santé, formation, etc. – en musique au Québec. Découvrez la carte inclusive.
Créé il y a 5 ans par Sara Dendane et Kyria Kilakos, MTL Women In Music fait partie du réseau Women In Music (WIM) créé à New-York en 1985. Leur contenu signature : les brunchs réseautage. Elles organisent aussi des événements musicaux et des ateliers pour le développement de carrière. Parmi leur membrariat mixte, on retrouve des patron-nes d’étiquettes de disques, des gérant-es d’artistes, des musicien-nes, des avocat-es, des ingénieur-es d’enregistrement, des relationnistes de presse, des propriétaires de studios, des éditeur-ices de musique, des spécialistes du marketing numérique et plus encore.
Le réseau international Shesaid.so, créé à Londres en 2014 est aujourd’hui présent dans 18 villes autour du monde et compte plus de 12 000 membres. Le « chapitre » Montréal s’écrit officiellement depuis 2021, grâce à l’engagement des travailleuses culturelles et/ou artistes Farah Sintime, Émilie Gagné, Fatoumata Camara, Flora Garnier, Lola Baraldi et Pomeline Delgado. Leur objectif : créer un espace inclusif qui en rassemble les communautés à travers des programmations de concerts, de conférences et des activités de réseautage.
1 La liste complète des festivals engagés est disponible ici : https://www.keychange.eu/directory/music-organisation-profiles/category/Festival, consulté le 8 mars 2022.
2 Les chiffres sont issus des données de la GMMQ, cités dans l’article du Devoir https://www.ledevoir.com/culture/musique/636612/musique-front-commun-pour-la-parite-dans-le-monde-de-la-musique, consulté le 8 mars 2022.
3 Le rapport complet est disponible sur le site du Conseil des Arts de l’Ontario, https://www.arts.on.ca/oac/media/oac/Publications/Research%20Reports%20EN-FR/Arts%20Funding%20and%20Support/OAC-Women-the-Arts-Report_Final_FR_Oct16.pdf, consulté le 8 mars 2022.
4 Accessible au https://ici.radio-canada.ca/info/2019/08/festivals-musique-femmes-programmation-artistes-quebec-osheaga/ , consulté le 8 mars 2022.
5 Le rapport complet est disponible sur le site du Conseil des Arts de l’Ontario, https://www.arts.on.ca/oac/media/oac/Publications/Research%20Reports%20EN-FR/Arts%20Funding%20and%20Support/OAC-Women-the-Arts-Report_Final_FR_Oct16.pdf, consulté le 8 mars 2022, p.49.
6 Accessible au https://www.womeninmusic.ca/images/PDF/Women_in_Music_Research_and_Action_Plan_-_030822.pdf?fbclid=IwAR2S3CIWotssoyf4bcx0Yw3caI8JiOADZbhNgMptwbvFSco7vygjnx4mW7I, consulté le 8 mars 2022.
7 Pour écouter son passage à l’émission radiophonique Bon pied, bonne heure! au sujet de la parité hommes-femmes dans les festivals de musique : https://ici.radio-canada.ca/ohdio/premiere/emissions/bon-pied-bonne-heure/segments/entrevue/393355/parite-hommes-femmes-vanessa-blais-tremblay?fbclid=IwAR1bApPtx4WyzEXkGjA7_kek5rJi0ia8kq5KAcxt9DFipDTTNwy5ynBN_AI, consulté le 8 mars 2022