Robert Glasper, Prix Miles-Davis, de l’illumination à la paresse

par Alain Brunet

Robert Glasper vient de remporter le Prix Miles-Davis du Festival international de jazz de Montréal. On ne peut présumer d’une exécution devant public mais… force est de constater que le concert présenté mercredi du Théâtre Maisonneuve était loin d’être à la hauteur du plus grand honneur du FIJM réservé aux plus grands praticiens du jazz. Les cendres de Miles ont-elles frémi dans leur amphore ?

Avec DJ, bassiste et batteur (merci Chris Dave), le célébrissime multi-claviériste offrait mercredi le versant soul-funk-fusion de son art. On y allait de bonne foi, après avoir absorbé le troisième chapitre d’un projet en continu, Black Radio. Le concept se résume par une rencontre entre musiques populaires afro-américaines et jazz. On y observe des collaborations de Q-Tip, Killer Mike, Esperanza Spalding, India.Arie, Ty Dolla $ign, Lalah Hathaway, Meshell Ndegeocello, d’autres moins connues… Jusque-là, tout va bien. Le nouvel album est cool quoique… les musiciens de jazz qui font dans le hip hop s’en tiennent souvent à des formes prédigérées de culture populaire et y injectent des suppléments rythmiques et harmoniques propices à des improvisations de plus haut niveau. C’est dire que Black Radio III me semble un tantinet empoussiéré mais bon, la matière est assez intéressante pour une relecture vivifiante devant public.

Or, sur scène, tout ce travail studio est plus ou moins remplacé par… pas grand-chose. Une intro insignifiante de hits soul enchaînés par un DJ peu créatif, puis un jam informe, longuet, sans intérêt aucun. À l’évidence, Robert Glasper n’avait rien préparé. Il nous a servi une performance paresseuse, oisive, cabotine, assortie de quelques soubresauts de virtuosité pour épater la galerie comme il se doit. La jazzification de Smells Like Teen Spirit (Nirvana) ou de In The Air Tonight (Phil Collins) n’avait strictement rien d’excitant, d’autant plus que le claviériste est un piètre chanteur qui devrait s’en tenir aux ivoires de ses claviers électroniques. Plutôt que de procéder à une relecture concluante de son nouvel album, donc, il a erré, entraînant ses collègues dans cette errance.

C’est dommage, car on l’a considéré comme un game changer il y a une quinzaine d’années, pour sa dextérité phénoménale et ses riffs inédits au clavier, très inspirés des formes récentes de musique black , ce qui le mène aujourd’hui à jouir d’une immense coolitude et même l’obtention d’un Prix Miles-Davis dans le cas qui occupe Montréal. Or, force est de constater que Robert Glasper n’est plus le visionnaire, le game changer qu’il fut d’entrée de jeu. Le virtuose se tient pour acquis et tient son public pour acquis.

À court terme, remarquez, ses fans n’y voient que du feu. Personne ne l’a hué au Théâtre Maisonneuve, bien au contraire. On peut comprendre, Robert Glasper est perçu comme le Herbie Hancock de sa génération – sans vouloir faire dans la comparaison directe. Il est immensément respecté des mélomanes, jeunes et moins jeunes s’intéressant à la soul/R&B de qualité, au hip-hop champ gauche et au jazz groove. Oui, sa contribution innovante au jeu du clavier fut considérable au milieu des années 2000. Depuis lors, il a atteint un plateau conceptuel et, aujourd’hui, il surfe visiblement sur ses acquis. Arrive la pente descendante…

Souhaitons-lui d’en prendre conscience avant que statut de has been ne lui soit collé au front. Ça pourrait se produire plus vite qu’il ne semble le croire.

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