Naya Ali : Le chemin de l’élévation

Entrevue réalisée par Alain Brunet
Genres et styles : drill / hip-hop / rap / trap

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Devenue figure publique du hip-hop québécois et canadien, Naya Ali lance un deuxième album avec la ferme intention d’accéder au prochain niveau : le rayonnement international. Appuyée par le beatmaker vedette Adrian X (Drake, The Weeknd) qui se joint à ses fidèles collaborateurs Kevin Figs et Chase.Wav,  la rappeuse montréalaise d’origine éthiopienne lance Godspeed : Elevated, huit titres lumineux consacrés au parcours de la transcendance. 

Ce chemin se fraye depuis l’enfance, traverse les premières envies de s’affirmer sur la planète rap, un repli prudent vers les études universitaires et une réaffirmation de son identité créatrice.  Un premier album Godspeed : Baptism (Prelude) a confirmé son talent, nous voilà au deuxième chapitre d’une ascension qui fut lente et sûre et qui s’accélère désormais.

À la suggestion de PAN M 360, Naya Ali accepte de décrire les 8 titres de cet opus tout frais, sous étiquette Coyote Records.

PAN M 360 : Commençons par Air Ali.

Naya Ali : Air Ali c’est l’intro Ça parle du feeling que j’ai d’avoir un pied dans la porte et un autre en derrière. Ce feeling mène à me rappeler d’où je viens, comment je grandis, ce que gagne et perd en cours de route. Quand tu grandis, ce n’est pas tout le monde qui peut venir avec toi.

PAN M 360 : Sentiment paradoxal?

Naya Ali :  Oui, lorsque tu essaies de t’élever tu dois changer ton état d’esprit, tu dois t’alléger pour prendre ton envol. Les gens que tu côtoies alors ne le ferons pas tous comme tu le fais, chacun n’est pas au même stade de son développement dans la vie.  Alors il y a ce à quoi j’étais habituée et il y a le nouveau monde, la nouveauté, les possibilités qui s’ouvrent à moi. 

PAN M 360 : Qui est le principal beatmaker de ce titre?

Naya Ali : Kevin Figs, avec qui je travaille régulièrement, et qui avait réalisé quelques pistes de mon premier album. Il vient de Montréal, travaille beaucoup à Los Angeles et Montréal, et ill a un son très Atlanta  mais il est aussi capable de créer d’autres univers.  Nous avons ensemble une belle dynamique.

PAN M 360 : Enchaînons avec Stop Playin.

Naya Ali : J’ai fait cette pièce à Toronto avec Adrian X. C’est un doigt d’honneur , mais très joyeux.  Ça suggère ce ceci : tu ne vas peut-être pas m’aimer mais respecte moi.  C’est aussi l’affirmation de la négligée qui débarque avec toute cette énergie.

PAN M 360 :  Enfin… l’underdog que tu crois être encore serait-elle plutôt une late bloomer qui a du succès? 

Naya Ali : J’ai une vision claire de qui je suis. Parfois, je suis mal perçue par certains, ils ne savent pas toujours où se situer par rapport à ce que je suis. Enfin, ça fait partie du processus et ça légitime l’énergie de cette piste.  Musicalement, c’est  une chanson à BPM élevé et c’est un rap franc et direct. Je peux être aussi mélodieuse, certaines pistes doivent être chantées mais il est aussi important pour moi de conserver le rap devant.

PAN M 360 : D’ailleurs, tu t’imposes clairement parmi les femmes MC de Montréal?

Naya Ali : Seulement les femmes ? 

PAN M 360 : Euuh non, pardon, effectivement. On ne devrait plus associer le talent d’un rappeur à son genre.

Naya Ali : On se rejoint !

PAN M 360 :  Un de ces jours, ces considérations seront totalement disparues. D’ici là, on peut se parler de la chanson Str8 Up haha!

Naya Ali : Str8 Up  est la dernière track que j’ai faite pour cet album.  S’en dégage une énergie qui devait émerger.  J’avais cette image en tête lorsque j’ai créé ce morceau : une porte s’ouvre et  tu marche dans une vallée dans laquelle se trouvent des serpents. Pour te rendre à la prochaine porte, il te faut franchir cette vallée et ses serpents. Il te faut donc faire la paix avec cette idée qu’il y aura toujours des serpents, c’est-à-dire qu’il te faudra maintenir toute ton attention sur ce qui compte vraiment pour t’élever malgré les obstacles, les doutes et le travail acharné. Les sons de Str8 Up sont un peu drill, rebondissants, mais sont parfois plus intimes et plus mélodiques.  

PAN M 360 : La pièce Another One est épurée, minimaliste et puissante. Des grosses basses, de petits ornements dans les arrangements et la voix en avant.

Naya Ali : Je me suis inspirée par J Cole pour cette pièce, parce que son flow est épuré et puissant. Il n’y a pas d’ad lib superflu dans son rap.

PAN M 360 : Tu es aussi comme ça, directe, sans détours.

Naya Ali : Exact! Alors le thème d’Another One suggère que la musique est un médium plus grand que moi. La musique est pour moi  un mouvement, un changement de paradigme, une façon de parler et d’énergiser le monde. Another One, c’est du rap pur jus, très chargé culturellement. On y a utilisé notamment des pistes de piano de style éthio-jazz.  La production est d’Adrian X, de Chase.Wav et de moi-même. Le mix est de Mixed by Gee et John Brown.

PAN M 360 : Nous voilà à la station 102 Bus It

Naya Ali :  Le numéro 102 est celui de l’autobus de mon quartier, que je prenais enfant et adolescente. On y  a aussi inséré des échantillons de musiques spirituelles  éthiopiennes, car cette track parle de mes origines et de la culture transmise par mes parents. Je parle donc de mon ADN, de Montréal où j’ai grandi, des étés passés en Virginie chez mon père qui y est établi.C’est pourquoi on utilise encore des échantillonnages de musique éthiopienne comme la lyre. 

PAN M 360 : Toronto’s Gold suit. Quel est cet or de Toronto? 

Naya Ali : Le premier week-end que j’ai rencontré le producteur Adrian X à ses bureaux,  plusieurs fusillades s’étaient produits à Toronto. La violence n’est pourtant pas ce qui définit cette ville. Depuis quelques années pourtant, il y règne une vibration malsaine, un poison qui s’incruste dans l’esprit de ces kids armés, claniques et territoriaux. Cette folie s’incruste dans la mentalité des jeunes garçons mais aussi des filles qui trouvent ça cool d’avoir de telles fréquentations. Cette culture de la violence n’est plus simplement une simple question de pauvreté économique, c’est devenu une manière d’exhiber son pouvoir. Ces kids armés éliminent donc leurs chances d’accéder à la richesse de Toronto en choisissant cette culture de la violence. Et ça se passe aussi chez nous maintenant, cette chanson pourrait fort bien s’intituler Montreal’s Gold. Que faire alors? Changer cet état d’esprit en proposant aux jeunes des opportunités dans l’art, dans les sports, dans les sciences, etc.  Le  beat de Toronto’s Gold y est lourd, l’atmosphère est sombre, le ton est direct et épuré.  Pour la musique, Adrian X a réalisé cette track, on l’a complétée à Montréal avec Chase Wav et John Brown.

PAN M 360 : King… Qui est King?

Naya Ali :  C’est un sentiment universel: celui de la perte et du deuil. Pour moi, c’est une épreuve personnelle vécue à la mort de mon chien Simba. Le texte fut amorcé pendant qu’il était malade, je voulais en prolonger éternellement la vie à travers cette chanson. Sur cet album, d’ailleurs, c’est la chanson où je m’ouvre le plus. La musique est d’Adrian X, nous avons choisi une vibe à la Frank Ocean.

PAN M 360 : Le fondu de sortie s’intitule Light Switch (outro)
Naya Ali :  L’album commence de manière percutante  et affirmée, et se conclut dans l’émotion et une ouverture de ma part. Il y a beaucoup d’émotions en moi,  je commence à m’ouvrir. Non je n’ai jamais eu peur de m’ouvrir mais je révèle des choses en moi au moment propice. M’ouvrir, cependant, ne signifie pas parler de ma vie personnelle. Je préfère garder ma vie privée et laisser planer le mystère… tout en restant ouverte et accessible.

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