Encore faut-il rappeler aux fans de Kamasi Washington, dont la stature colossale impose symboliquement un nouveau prophète du jazz, que sa mystique relève d’une formule gagnante: tous les ingrédients de son œuvre sont issus d’époques antérieures. Les chœurs afro-américains et les solistes empreints de gospel et de soul, la musique de chambre classique au service du groove, le jazz-funk-fusion réhabilité, le hip-hop jazz des années 90 intégré, bref des formes façonnées par les générations antérieures ont été reprises par le musicien. Grosso modo, la plupart des 12 nouvelles propositions au programme du fameux tenorman post-coltranien exhalent davantage l’afronostalgie et que l’afrofuturisme comme on pourrait le croire d’emblée. Bien sûr, on y retrouve une méga brochette d’invités: Thundercat, Taj Austin, Ras Austin, Patrice Quinn, DJ Battlecat, Brandon Coleman, D-Smoke, George Clinton, Bj the Chicago Kid, Andre 3000. Quelle que soit la qualité des renforts ayant contribué à l’exercice, cette musique vient du passé, bien qu’un tout nouveau contexte l’ait propulsé au sommet de la renaissance jazz. Vient alors cette idée: l’approche de Kamasi est au jazz contemporain ce que le post-romantisme fut au romantisme, un siècle plus tôt: recyclage ingénieux et virtuose, fervente réitération des formes admises depuis au moins 6 décennies. Oui, c’était très cool d’entendre ça il y a une quinzaine d’années, enfin un frein au déclin du jazz actuel et puis… l’impression de courte-pointe de redite et de conformisme domine au terme de quelques écoutes de ce Fearless Moment. Force est de déduire que Kamasi Washington se plaît dans sa zone de confort. Et que le soutien massif de son public, qui n’est fort probablement pas rassasié, lui donne raison. À tout ce beau monde, on ne veut que du bien…
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