période romantique

Festival de Lanaudière | Orchestre métropolitain/Yannick Nézet-Séguin/Marc-André Hamelin : Quand le naturel fait le concert

par Frédéric Cardin

Le naturel, et la nature en général, ont eu le dernier mot ce dimanche à l’Amphithéâtre de Lanaudière pour le concert de l’Orchestre métropolitain (OM) dirigé par Yannick Nézet-Séguin, avec l’impérial Marc-André Hamelin au piano. Rappelons que c’est la jeune sensation Yuja Wang qui devait être là, mais malade depuis quelques jours, elle a dû déclarer forfait. À Lanaudière, les miracles existent, selon le directeur artistique Renaud Loranger. Il n’a peut-être pas tort, car remplacer à pied levé une artiste aussi intense que Wang par un maître absolu de son art tel que Hamelin, c’est en effet une bénédiction. 

Avec l’OM et Yannick, ce sont les deux concertos pour piano de Ravel qui étaient au menu, celui pour la main gauche et celui en sol, bien sûr. D’entrée de jeu, on a su que l’on n’avait rien perdu au change, car le pianiste québécois a saisi à bras le corps, sans jamais relâcher la pression un instant, ce Concerto pour la main gauche en ré majeur, si explosif dans ses contrastes, si nerveux et urgent dans ses motifs et ses mélodies, si éclaté dans ses références, passant du jazz à la musique militaire, le modernisme et le lyrisme. Hamelin a contrôlé tout le discours et le pacing de l’œuvre, avec une confiance inébranlable, à laquelle Yannick et l’OM se sont soumis avec grâce, abreuvant leur partie musicale de couleurs fébrilement tracées par le chef. Certains solos à l’orchestre n’étaient pas transcendants, loin s’en faut, mais bon… Heureusement, ce genre de musique est une seconde nature pour le pianiste québécois, comme s’il n’avait jamais besoin d’y réfléchir, juste de laisser aller son instinct et son Moi essentiel, ce qui a retenu toute l’attention du public.

Le Concerto en sol majeur, plus substantiel en contenu quoique pas beaucoup plus étendu en durée, est une merveille absolue, qui fait partie de nos psychés mélomanes collectives. Ici, si on a pu sentir une lenteur à ‘’entrer’’ dans le jeu, vite résorbée. Les deux mouvements externes ont témoigné d’une belle maîtrise du jeu textural à l’orchestre, par Yannick, et du discours pointilliste par Hamelin. Quelques rares envolées m’ont semblé moins limpides dans leur exécution que celles du concerto pour main gauche. C’est dans le mouvement central, qui est l’une des plus belles plages musicales de l’Histoire, que le pianiste a montré une adéquate poésie, et une douceur bienveillante. Pas supérieur à ce qui se fait de mieux, mais pas inférieur non plus. Bref, une lecture de haute qualité, de celles qu’on attend des meilleurs artistes du monde. L’OM a raté la marche vers le meilleur standard de cette œuvre, en particulier dans les solos de bois qui précèdent le grand et merveilleux soliloque du cor anglais. Des maladresses esthétiques ont été perceptibles dont une respiration inappropriée à la flûte et une attaque un brin vulgaire à la clarinette. Le solo de cor anglais lui-même, bien que joliment chanté par l’excellente Mélanie Harel, aurait pu être projeté avec plus de force et de présence altière face à l’orchestre. Bref, c’est dans ce genre de détails infinitésimaux que la différence entre l’OM et l’OSM se remarque. Une coche peut-être, mais qui fait la différence pour ceux et celles qui écoutent avec attention. 

Hamelin a été salué presque héroïquement par le public, auquel il a offert de magnifiques Jeux d’eau du même Ravel. Autre miracle Lanaudois : c’est exactement au moment culminant de la pièce que le tonnerre et la pluie se sont mis à tomber, dans une symbiose spontanée aussi merveilleuse que rigolote. On aurait voulu le programmer que ça n’aurait jamais marché.

En entrée de programme, Yannick avait choisi une fort jolie partition impressionniste de Lili Boulanger, D’un matin de printemps, qui a mis la table assez correctement pour ce qui allait venir, soit un jaillissement continu de couleurs orchestrales. 

Comme si la densité musicale n’avait pas encore été assez maximisée, le concert s’est terminé avec la substantielle Symphonie n° 2 en ré majeur, op. 43 de Sibelius. Cette fois, la nature n’a pas collaboré de façon bienveillante avec les musiciens. Après quelques minutes bien installés dans le premier mouvement, public et artistes ont dû faire une pause dans la communion musicale car le déluge, non seulement bruyant, s’est même imposé jusque sur la scène en raison d’une fuite du plafond, risquant du coup d’abimer les instruments des interprètes, surtout les cordes. 

On a été déstabilisés par la reprise, qui ne s’est pas faite au début de l’œuvre comme annoncé, mais à peu près là où on était rendu. La stabilité retrouvée, on a porté attention au déploiement de ces pages sublimes entre toutes du répertoire symphonique. Yannick a réussit là où, je trouve, il n’a pas entièrement satisfait dans son enregistrement sous étiquette Atma. Dans ce dernier, une vision presque minérale, chtonique, alors que j’estime qu’il faut une approche aérée à cette symphonie, sans négliger l’ancrage au terroir. C’est un peu ce qu’on a eu alors que le ciel s’illuminait finalement. Le Finale a été adéquatement tenu et soutenu dans son ascension céleste et lumineuse si emblématique, si mystiquement puissante. Satisfaction, malgré les désaccords initiaux de Dame Nature. 

CRITIQUE DE L’ALBUM SIBELIUS, SYMPHONIES 2 ET 5

classique occidental

Festival de Lanaudière | Sol Gabetta : une Reine du violoncelle avec les Violons du Roy

par Frédéric Cardin

Vendredi soir, le Festival de Lanaudière accueillait la violoncelliste argentine Sol Gabetta, pour la première fois au Canada, disait le communiqué. En introduction de concert, le directeur artistique Renaud Loranger a plutôt mentionné une ‘’première fois au Québec’’. J’ai tenté quelques recherches, mais je ne peux dire s’il s’agit de ‘’Canada’’ ou ‘’Québec’’. Si vous le savez, faites-moi signe. 

Au final tout cela est peu important au regard d’une performance pour le moins spectaculaire que l’artiste basée en Suisse a offert au public assez nombreux. Spectaculaire, certes, mais pas dans le sens d’une esbroufe qui souhaite transformer systématiquement les allegros en furiosos Mad Max-esques. Plutôt dans le sens d’une technique tellement précise qu’elle force l’admiration et appuyée sur un chant naturel des phrases qui laisse toutes les notes s’écouler avec une facilité impressionnante. Je pense particulièrement au Concerto pour violoncelle n° 1 en do majeur, Hob. VIIb/1 de Haydn, dont j’ai rarement entendu une lecture aussi nette et touchante. En ce sens, Gabetta (et les Violons du Roy, bien entendu) ont exprimé avec excellence l’esprit de l’ Empfindsamkeit, ou le ‘’style sensible’’ de la fin du 18e siècle, un précurseur du Romantisme en ce sens qu’on y privilégie une expressivité plus libre, tout en demeurant encadré par des formes encore très précises et codées. Pas d’urgence ni de propulsion ébouriffante des rythmes, donc, ni d’attaques agressives qui cherchent à forcer ‘’l’énergisme’’. Seulement une narration posée mais exaltant une pétillance communicative, tout cela dans une exécution technique qui atteint la perfection stylistique. Ce fut un très grand moment de musique. 

L’autre concerto joué par Mme Gabetta (il y en avait deux, tant qu’à l’avoir avec nous…) était celui de Carl Philipp Emmanuel Bach, le très joli Wq 172 en la majeur, l’un de mes préférés du répertoire, bien qu’encore relativement méconnu du grand public. La violoncelliste a admis dans l’entrevue accordée à mon collègue Alexandre Villemaire qu’elle n’avait pas touché à ce morceau depuis 2014. On a remarqué, du coup, que la dame n’avait pas cette partition aussi instinctivement ‘’dans les doigts’’ que le Haydn, même si au final elle a tout de même donné une solide leçon de musicalité à quiconque voudrait s’y essayer.

Je ne sais pas si les Violons de Bernard Labadie, eux non plus, n’avaient pas été en contact avec ce concerto depuis plusieurs années, mais la fabuleuse clarté démontrée dans la première partie du concert (en plus du Haydn, la Symphonie 29 de Mozart, dont je vous parle ci-après) n’était pas aussi cristalline dans ce CPE Bach. Oh, pour n’importe quel autre ensemble, ç’aurait été un accomplissement en soi, mais après ce qu’on avait entendu précédemment, la barre venait de baisser d’un infinitésimal micron, néanmoins perceptible.

LISEZ L’ENTREVUE AVEC SOL GABETTA

Dès le début du concert, et comme mentionné à l’instant, Bernard Labadie a donné une Symphonie n° 29 en la majeur, K. 201 parfaitement équilibrée avec rythmes posés et des phrasés dessinés finement. Tout cela dans des atours à l’élégance décontractée. Déjà, on avait une idée du choix esthétique proposé pour ce concert. En fin de compte, c’est en conclusion de programme que le chef québécois a manifesté des intentions un peu plus vigoureuses avec une Symphonie n° 45 en fa dièse mineur, « Les Adieux », de Haydn, à laquelle il a insufflé une dynamique qu’on n’avait pas ressentie avant. Une conclusion convaincante qui ne dérogeait tout de même pas à l’esprit de la général de la soirée. Une belle réussite.

On souhaite seulement que ce ne soient pas des ‘’adieux’’ sur lesquels nous laissent Sol Gabetta, mais seulement un ‘’au revoir’’, car il faut absolument que cette fabuleuse interprète nous reviennent rapidement. On rêve de l’entendre à la Maison symphonique ou à la salle Bourgie!

chant choral / classique occidental / période romantique

Festival de Lanaudière | Une soirée chorale réussie pour Akamus

par Alexis Desrosiers-Michaud

Vendredi et samedi au Festival de Lanaudière, étaient donnés en diptyque les oratorios Paulus et Elias de Félix Mendelssohn. Pour l’occasion, c’est l’Akademie für Alte Musik Berlin (Akamus) et l’Audi Jugendchorakademie qui nous visitaient, le tout sous la direction de Martin Steidler. À en croire le directeur artistique Renaud Loranger, « c’est la première fois au Canada, sous toutes réserves, que les deux oratorios sont présentés ainsi, et également, chantés en allemand ; la langue habituelle étant l’anglais. Nous y étions vendredi.

C’est devant un parterre épars et une pelouse presque vide que ce magnifique concert s’est donné. Pendant les deux heures et quelques qu’a duré la soirée, tout tombait en lieu et place. L’orchestre, grossi pour l’occasion, jouait sur des instruments anciens (avec un serpent !), ce qui laissait beaucoup de place au chœur. La prononciation des choristes est précise et impeccable. Ces derniers sont habiles à varier la palette de couleurs en étant, parfois incisifs (« Lapidez-le »), parfois tout en douceur, notamment dans les différents chorals. Un des meilleurs moments de la soirée fut l’apparition de Jésus, à la fin du premier acte. Interprétée par les voix de femmes, c’était un passage extrêmement lumineux, sans être angélique et mielleux.

Chez les solistes, c’est l’alto Ulrilke Malotta qui a été la meilleure, malgré qu’elle n’ait chanté que deux petites interventions. Elle a une voix profonde et résonnante. La soprano Marie-Sophie Pollak a une belle voix, mais qui ne se démarquera jamais au cours de la soirée. Le ténor remplaçant Magnus Dietrich fait bien, mais demeure cependant trop stoïque, malgré le fait qu’il était le soliste qui incarnait et « jouait » le mieux ses rôles d’Étienne et de Barnabas. Enfin la basse Krešimir Stražanac a connu quelques problèmes durant la soirée. Parfois trop en rondeur, on perdait les émotions et les mots. Il aurait gagné en se limitant à la partition et en ne cherchant pas à en donner plus.

Finalement, un petit mot sur la présentation générale du concert. Il y aurait place à l’amélioration quant au choix des images projetées sur les écrans géants. Trop souvent, il y a eu des images d’instrumentistes qui n’étaient pas à l’avant-plan, et cela ne rend pas service du tout au spectateur niché en haut du vallon. Ça, en plus de corriger les fautes dans les surtitres.

crédit photo : Gabriel Fournier

chant choral / classique occidental / musique contemporaine

Festival de Lanaudière | Une performance du tonnerre pour Chanticleer

par Alexandre Villemaire

D’emblée, il faut le dire, ce n’est peut-être pas le cadre de performance le plus idéal auquel le public lanaudois et les chanteurs de l’ensemble vocal a capella américain Chanticleer se seraient attendus pour leur première apparition au Festival de Lanaudière. La nature s’était effectivement invitée de manière plutôt audible sur le terrain de l’Amphithéâtre Fernand-Lindsay qui n’a pas échappé aux fortes averses qui ont balayé le sud du Québec ce dimanche 13 juillet. Imperturbables, d’une bonne humeur contagieuse et avec une grande maestria, les douze voix de l’ensemble ont bravé les éléments pour offrir une performance enlevante.

Tel que raconté dans l’entretien que nous avons réalisé avec le directeur musical de Chanticleer, Tim Keeler, le programme proposait un voyage aux sources de la polyphonie, mais surtout une synthèse de la manière dont cet art musical a façonné l’écriture de la musique pendant plus de cinq siècles. Des sources véritables de la polyphonie, le programme n’en a donné que quelques exemples, avec notamment l’extrait du « Gloria » de la Messe de Nostre-Dame de Guillaume de Machaut, qui s’insérait dans un segment la mettant en relation avec l’arrangement de la prière Our Father par le compositeur afro-américain Julius Eastman. La pièce d’Eastman fait usage d’harmonies ouvertes à la quinte, agrémentées de passages vocaux chromatiques au même titre que l’extrait de Guillaume de Machaut, dont la parenté surprend par son langage harmonique tendu. Ces deux pièces étaient précédées de pièces contemporaines, dont l’intéressante Hee-oo-oom-ha de Toby Twining, une mélopée vocale texturée, bourrée d’onomatopées, de rythmes irréguliers portée par un solo de yodel interprété par le ténor Andrew Van Allsburg qui fait preuve d’une grande maîtrise vocale dans le basculement entre la voix de poitrine et la voix de tête. Parmi les autres pièces « classiques » interprétées, mentionnons aussi Musica Dei donum optimi d’Orlando di Lasso, Cantate Domino de Giovanni Gabrieli et Finlandia de Jean Sibelius qui est venu clore la première partie.

La seconde partie du concert a continué de mettre en valeur des compositions classiques contemporaines ainsi que des œuvres du répertoire américain et afro-américain. L’interprétation du traditionnel African-American Spiritual Poor Pilgrim of Sorrow a donné lieu à un moment transcendantal, porté par la voix de contre-ténor du soliste Cortez Mitchell. L’autre spiritual de l’après-midi, Wade in the Water, était très à propos alors qu’un véritable rideau d’eau s’abattait autour de l’espace couvert de l’amphithéâtre. Les douze chanteurs sont demeurés en contrôle dans leur performance, enchaînant avec la suite Not an End of Loving de Steven Sametz et la composition d’Ayanna Woods Future Ones, une douce pièce qui s’interroge sur l’héritage que nous laissons aux générations futures.

Charismatique, énergique et s’adressant régulièrement au public, avec quelques mots en français, Chanticleer a ostensiblement fait bien plus que donner un concert de musique. Ils ont créé un moment d’unité et d’apaisement avec le public par l’entremise de leur interprétation solide, techniquement maîtrisée et engagée. Je trouve qu’il est parfois un peu cliché de mettre de l’avant le pouvoir quasi mystique de la musique d’unir les êtres comme étant une manne positive universelle. La réalité est parfois plus complexe. Mais, comme les membres du groupe l’ont mentionné, alors qu’il y a beaucoup de bruit discordant dans le monde actuellement, ce type de moments musicaux, aussi petits soient-ils, constitue des instants précieux dont on ne saurait se passer. Dans cette optique, Chanticleer a éprouvé une grande joie à venir partager cette passion avec leurs sympathiques et gentils voisins du Nord. Une parole qui, tout comme l’entièreté du concert, a été accueillie par un tonnerre d’applaudissements.

baroque / opéra

Festival de Lanaudière | Le couronnement de Poppée, le triomphe d’Octavie et la maîtrise d’Alarcon

par Frédéric Cardin

Fort d’un Orfeo magistral en 2023, la Cappella mediterranea dirigée par Leonardo Garcia Alarcon effectuait un retour attendu à Lanaudière avec ‘’l’autre’’ opéra de Monteverdi, Le couronnement de Poppée. Une oeuvre différente, conçue à la toute fin de la vie du compositeur (alors qu’Orphée a été écrit une trentaine d’années plus tôt) et soumise à des diktats commerciaux inédits pour l’opéra. À ce sujet, LISEZ l’entrevue que j’ai réalisée avec M. Alarcon en prévision de ce concert

Alarcon était entouré de ses fidèles collègues, aux instruments et au chant, plusieurs étaient là en 2023. Même calibre donc, et cela en ajoutant la Lanaudoise Pascale Giguère, appelée en renfort à la dernière minute pour remplacer un violoniste malade. Chapeau à Mme Giguère, et fierté appropriée, car la musicienne a dévoilé une qualité de jeu pleinement à la hauteur de l’ensemble. 

Dans une jauge plus économe que pour Orfeo (voir encore une fois l’entrevue mentionnée plus haut), la Cappella a démontré sa parfaite adéquation avec la partition, autant dans la suggestion des affects que la précision des lignes mélodiques et accompagnatrices. Et, encore une fois, la splendeur des chanteurs et chanteuses était au rendez-vous. Le contre-ténor Niccolo Balducci dans le rôle de Néron était bien impérial, mais sans grandiloquence. Sophie Juncker, qu’on a dit indisposée par un virus, a fort bien tenu sa partie, même si on a remarqué effectivement d’occasionnelles défaillances dans la force de projection. Rien pour nous faire bouder, cela dit. Les rôles secondaires étaient tous de très belle tenue : solennel Edward Grint (Sénèque), amoureuse voire naïve Lucia Martin Carton (Drusilla), un peu pitoyable, et même loser, Christopher Lowrey (Othon, aptement ridicule avec ce t-shirt hawaïen) et truculent Samuel Boden dans une panoplie de petits rôles (une nourrice, Arnalta, Damigella…), qu’il exécutait avec humour et désinvolture, malgré le recours à une tablette sur laquelle il consultait sa partition. On ne peut qu’imaginer l’impact augmenté que sa performance aurait s’il savait s’en passer!

Mais au-delà de tout cela, j’ai été particulièrement séduit par la soprano Mariana Flores, dans le rôle d’octavie, impératrice noble et un peu hautaine, humiliée par le rejet de son empereur de mari et amenée à comploter comme une vilaine pour sauver son mariage et, surtout, son titre et sa réputation. 

Dans une robe moulante exquise, elle était désirable comme une reine se doit de l’être dans les légendes. Mais sa prestance tendance olympienne lui donnait cette distance émotionnelle appropriée, expression d’un personnage que Néron qualifie de ‘’frigide’’. Une accusation souvent teintée de misogynie, mais qui, ici, renvoie à une attitude typique d’une matrone issue d’une lignée prestigieuse et aristocratique, dont la dignité bafouée ne peut s’exprimer que par un certain mépris du monde. Mariana Flores avait, hier, la voix la plus accomplie, la plus qualitativement holistique, puissamment expressive dans la colère, poignante malgré sa réserve dans ses murmures aigus idéaux. Une voix sans faille tonale, ni approximation timbrale. Pour votre humble serviteur, la reine de la soirée, malgré sa déchéance finale dans le scénario.

Dans l’ensemble, aussi, des jeux d’acteurs impressionnants, incarnés, manifestement travaillés longuement et expertement. On y croit de bout en bout.

Leonardo Garcia Alarcon a démontré toute la profondeur de sa maîtrise du langage et du style monteverdien. Encore un triomphe pour le directeur musical. On se demande quel miracle il nous apportera la prochaine fois, mais on ne peut que l’attendre avec impatience. 

Cela dit, il faudra que le public soit digne de recevoir cette qualité artistique, en venant plus nombreux. Sinon, à un moment donné, il y a des gens qui se lasseront de proposer des programmes exceptionnels devant des parterre clairsemés. 

période romantique

Festival de Lanaudière | Bruckner et Payare : bâtisseurs de cathédrales

par Frédéric Cardin

L’un a dessiné minutieusement tous les plans d’un édifice majestueux, l’autre avait la responsabilité de le faire lever de terre, sur des fondations solides, en le parant des plus beaux atours et en l’élevant jusqu’au ciel. L’entreprise a admirablement réussi et le résultat dévoilé hier soir à l’Amphithéâtre de Lanaudière avait quelque chose d’olympien.

Je parle ici de la Symphonie n° 8 en do mineur d’Anton Bruckner, que les clichés explicatifs comparent toujours à une grande et magnifique cathédrale. Pour une fois, accordons aux clichés la part de vérité symbolique qu’ils véhiculent. L’avant-dernière symphonie du compositeur autrichien est effectivement grandiose et monumentale, qui plus est écrite dans un esprit de dévotion vibrante (Bruckner était très croyant). Cette œuvre de presque une heure et demie, réclamant un orchestre énorme, a donc tout pour stimuler une allégorie architecturale aussi impressionnante que celle d’une cathédrale. Notre-Dame? Reims? Strasbourg? Cologne? Peu importe, vous avez compris l’idée. 

Payare a donc savamment construit hier cet édifice herculéen, avec des détails et des contrastes de dynamiques renforçant le drame spirituel à l’œuvre. Drame, oui. Car même si l’on compare la Huitième à une cathédrale, même si on dit, à juste titre, qu’elle est comme une immense prière du compositeur, qui nous invite tous et toutes à partager sa dévotion avec lui, la puissance des émotions recelées dans cette partition raconte une histoire personnelle de recherche de la transcendance. 

Tout était parfait. Payare a contrôlé les élans dynamiques, sans vraiment les retenir, juste en communiquant, de toute évidence, la volonté de Bruckner. Comme un passeur spirituel. Les moments de douceur extrême étaient si peu audibles que les oiseaux à proximité résonnaient plus fortement. Le compositeur aurait été aux anges! Au contraire, les moments de magnificence emplissaient la cuvette naturelle du site comme le divin qui y prendrait toute la place. 

Et quel orchestre! Payare et nous, sommes choyés. Intonation idéale des solos, des ensembles de sections et des tutti, phrasés de l’adagio sans précipitation mais avec une énergie inhérente palpable. Cet adagio d’ailleurs, et surtout cette ascension frémissante de cordes accompagnées des trois (!) harpes, célébrissime moment (qui revient plusieurs fois) qui transporte les mélomanes tout près des portes du Paradis, avait quelque chose de purement céleste, et parfaitement réussi. La finale du Finale, quant à elle, majestueuse construction, ultime finition d’un bâtiment sublime, qui abriterait n’importe quelle divinité suprême de n’importe quel culte (Dieu, Allah, Brahma, Odin, Râ, Zeus, etc., etc.), cette finale qui vous prend aux tripes et vous élève malgré vous, était grandiose à souhait, mais sans aucune vulgarité. Que du vrai, que du ressenti, avec respect et élégance.

Oh, je pourrais chipoter sur des détails. Les trompettes du Scherzo auraient pu être beaucoup plus incisives. Je les aime ainsi, voyez-vous. Pour marquer le côté plébéien du mouvement, a contrario de la piété du précédent. Et puis, ce dernier, dont les dernières mesures invitent au recueillement, aurait pu être, justement, un brin plus ‘’recueilli’’. 

N’empêche, ce degré de qualité musicale est à porter au crédit de notre orchestre, assurément l’un des meilleurs au monde. Bravo aux solistes, impeccables, et en particulier Catherine Turner au cor. Quel travail exceptionnel, quelle justesse de ton, de sonorité, de couleur. La dame a été remarquable, maîtrisant un instrument si capricieux, et si souvent tenté par la trahison de celui ou celle qui le tient. 

Le seul véritable bémol est à mettre au compte du public : le parterre n’était que partiellement comblé. Une honte, compte tenu de la qualité du moment qui était proposé. 

chant choral / classique moderne / classique occidental / période romantique

Festival de Lanaudière | Magistrale ouverture

par Alexandre Villemaire

La 48ème édition du Festival de Lanaudière s’est ouverte avec un grand bang, aussi sonore que la première note de l’œuvre maîtresse de ce concert du 4 juillet qui inaugure un mois de musique dans la région lanaudoise. Menés par Rafael Payare, l’Orchestre symphonique de Montréal et le chœur de l’OSM ont livré une performance magistrale de l’œuvre phare de Carl Orff, la cantate profane Carmina Burana. Il s’agissait de la première fois en treize saisons que l’œuvre était interprétée au festival. Une excellente occasion pour les auditeurs et mélomanes de la découvrir ou de la redécouvrir. 

La première partie était composée de deux œuvres aux caractères imagés contrastant. En ouverture, nous avons entendu la création Icarus de la compositrice Lena Auerbach. Éminemment descriptive, l’œuvre fait bien sûr référence à la figure de la mythologie grecque qui, voulant s’approcher trop près du soleil, s’est brûlé les ailes pour finalement se noyer; exemple de la nature humaine qui cherche à repousser ces limites par vantardise et cupidité. L’œuvre oscille ainsi entre différentes atmosphères, tantôt tendues et tantôt lyriques. Une première section dresse un dialogue entre les cordes et les bois dans cet affect. Une deuxième section prend des accents plus dramatiques avec l’intervention des cuivres, suivis par un passage d’un grand lyrisme aux cordes qui évolue dans une anxiété harmonique qui culmine par une évocation de marche funèbre avec l’intervention des cloches tubulaires. Une troisième section, plus calme et apaisée, est introduite par la harpe qui dialogue avec les pizzicati des violons avant d’entendre une contre mélodie interprétée par le premier violon Andrew Wan qui progresse dans un suraigu évanescent et qui finit par se fondre dans le son aérien de verres musicaux. En sommes, une composition bien découpée à l’orchestration fine et aux effets orchestraux imagés.

Après cette pièce au style éthéré, on passe à un registre endiablé avec la Rhapsodie sur un thème de Paganini de Rachmaninov. Reprenant l’œuvre déjà virtuose du violoniste et compositeur italien Niccolo Paganini, le traitement tout aussi complexe de Rachmaninov était mené par le pianiste allemand Kirill Gerstein. Il a fait la démonstration d’une grande agilité pianistique dans l’expression des différents passages, soutenu par un Rafael Payare précis. Le seul inconfort que nous ayons ressenti était que l’orchestre, même dans son rôle de soutien instrumental, était un peu trop en retrait au niveau sonore.

Œuvre maîtresse, Carmina Burana est venu conclure cette soirée avec intensité. Dès le premier coup de timbale et la première note du chœur du chante « O Fortuna », nous sommes embarqués pour un solide voyage musical. Les paroles sont claires, la prononciation et l’articulation précises et les différentes dynamiques amenées par Payare sont exécutées rondement. Le chef de l’OSM a opé pour son interprétation sur un enchaînement de chacun des vingt-cinq mouvements en attaca, gardant ainsi l’attention et l’audience et en plus de conférer à l’œuvre une direction narrative claire à ses poèmes du Moyen-Âge abordant des thèmes comme la nature constante de la fortune et de la richesse, la joie et les plaisirs de l’alcool et de la chair. Parmi les très beaux moments, le neuvième mouvement « Reie » où s’insère un superbe passage intime entre les voix. L’entièreté de la séquence In Taberna littéralement « à la taverne » a donné lieu à une mise en scène juste et à propos entre le contre-ténor Lawrence Zazzo et le baryton Russell Braun. L’unique air de ténor « Olim lacus colueram » (Jadis, j’habitais sur un lac) qui est littéralement la complainte d’un cygne qui décrit les différentes étapes qui l’amènera à être mangé était à la fois comique et perturbant, mais d’une clarté sans ambiguïté. Sans ambiguïté également était le duo entre la soprano Sarah Dufresne et Russell Braun « Tempus est iocundum », (Le Temps est joyeux) où les inflexions de la ligne vocale et l’accélération ne font planer aucun doute sur la nature du texte qui décrit une scène d’amour engagé. Tant Dufresne que Braun ont livré dans leur air respectif une interprétation sentie et vocalement saisissante.

Avec une entrée en matière magistrale pour sa 48ème saison, nous ne pouvons que souhaiter une bonne fortune au Festival de Lanaudière pour le reste de sa programmation.

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période romantique

Festival de Lanaudière 2024 | OSM/Levanon : on a sauvé le match en deuxième demie

par Frédéric Cardin

Soirée attendue, ce samedi 20 juillet, à l’Amphithéâtre de Lanaudière : le jeune pianiste isarélien Yoav Levanon effectuait ses débuts avec la phalange montréalaise dans un concerto éminemment spectaculaire, le Tchaïkovsky. On nous le vante, ce jeune homme qui a débuté sur scène à 7 ans, rien de moins. L’entrée impériale des cors, absolument parfaits, laisse entrevoir quelque chose de posé, niveau tempo, mais dessiné avec attention. Puis arrive Levanon. Une certaine force dans le geste, certes, mais sans éclat particulier. Ensuite, des erreurs techniques parsèment le jeu, ici et là. On peut pardonner, bien sûr, si seulement c’est compensé par un investissement total et communicatif. Mais non, pas ici. On reste finalement bien calé dans notre siège, jamais soulevé par un souffle émotionnel qu’on attend en vain. Interprétation convenable sans plus, voire convenue. Levanon reprend vie on dirait, dans le rappel : très belle Campanella de Liszt, qui s’épanouit en gerbes de subtiles couleurs et délicates textures. L’OSM est, lui, superbe du début à la fin. Payare fait de son mieux pour habiller la chose. C’est presque un sans faute, un très court mais notable décalage rythmique des bois dans le 3e mouvement refuse une note qui aurait pu être parfaite. En deuxième partie, on attendait l’orchestre avec impatience dans le Scheherazade de Rimski-Korsakov, espérant retrouver une dose d’adrénaline que le piano de Levanon n’a pas su apporter précédemment. Côté coloris, c’est beau, très beau même. Payare tisse une toile adéquatement chamoirée, avec de belles et expressives nuances. Le jeu d’ensemble de l’orchestre est au rendez-vous, particulièrement chez les cuivres, vibrants et stentoriaux. Les bois pépient et virevoltent spectaculairement, les cordes sont moelleuses et chaleureuses en cette soirée un peu frisquette. Cela dit, des erreurs techniques assez ostentatoires sont commises chez quelques solistes dans des passages à découverts (trompette, cor). On n’est pas habitué. Pour d’autres heureusement, c’est plutôt du sublime : Andrew Wan, violon solo, divin, envoûtant de beauté sonore. De longues ovations du public ont confirmé la chose. Mathieu Harel également, absolument parfait dans ses solos de basson. Au final, peut-être pas la meilleure soirée impliquanr l’OSM, mais on sauve le match en deuxième demie.

classique / opéra

Festival de Lanaudière: Aida en clôture de saison

par Rédaction PAN M 360

C’est l’un des opéras emblématiques de Verdi, et l’un des plus connus, des plus aimés de tout le répertoire, sans aucun doute, entre amour tragique, intrigue politique et exotisme séduisant. Yannick Nézet-Séguin dirige une distribution vocale de tout premier rang – grandiose conclusion de la 47e édition du Festival – quelques mois avant d’inaugurer une nouvelle production d’Aida Metropolitan Opera.

One of Verdi’s most emblematic operas, and undoubtedly one of the best-known and best-loved in the entire repertoire, this is a work of tragic love, political intrigue and seductive exoticism. Yannick Nézet-Séguin conducts a first-rate vocal cast – a grandiose conclusion to the 47th edition of the Festival – a few months before inaugurating a new production of Aida at the Metropolitan Opera.

POUR ACHETER VOTRE BILLET, C’EST ICI!

Ce contenu provient du Festival de Lanaudière et est adapté par PAN M 360.

classique

Festival de Lanaudière: Mahler et le chant de la nuit

par Rédaction PAN M 360

Gustav Mahler et sa Septième, c’est un cosmos entier qui tient dans le creux de la main, celui du monde viennois et d’une certaine idée de la culture : de l’apothéose du classicisme à la modernité énigmatique du premier vingtième siècle, jamais poussée aussi loin, peut-être, que dans ce mastodonte symphonique créé dans une Europe marchant inconsciemment vers l’abîme. L’Orchestre symphonique de Montréal et Rafael Payare, dont l’interprétation de la Cinquième Symphonie, à l’été 2022, est restée gravée dans toutes les mémoires, restituent la puissance évocatrice de ce chef-d’œuvre, dans le cadre idéal de l’Amphithéâtre.

Gustav Mahler and his Seventh Symphony hold an entire cosmos in the palm of your hand, that of the Viennese world and a certain idea of culture: from the apotheosis of classicism to the enigmatic modernity of the first twentieth century, never pushed so far, perhaps, as in this symphonic behemoth created in a Europe marching unconsciously towards the abyss. The Orchestre symphonique de Montréal and Rafael Payare, whose performance of the Fifth Symphony in the summer of 2022 remains etched in everyone’s memory, restore the evocative power of this masterpiece in the ideal setting of the Amphitheatre.

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classique

Festival de Lanaudière: Boléro et autres joyaux

par Rédaction PAN M 360

Entre Ravel et Debussy, c’est toute la magie de l’impressionnisme musical que nous proposent Rafael Payare et l’Orchestre symphonique de Montréal, son aura raffinée et mystérieuse, ses moirures irrésistibles et étincelantes. C’est aussi un voyage dans le temps, vers le Paris du début du 20e siècle, une plongée dans le monde enchanteur du ballet et la fascination de l’époque pour l’exotisme d’un « ailleurs » de légende – jamais plus éclatante, sans doute, que dans l’incontournable Boléro.

Between Ravel and Debussy, Rafael Payare and the Orchestre symphonique de Montréal bring us the magic of musical impressionism, its refined, mysterious aura, its irresistible, sparkling moiré. It’s also a journey back in time, to the Paris of the early 20th century, a plunge into the enchanting world of ballet and the fascination of the time for the exoticism of a legendary « elsewhere » – never more dazzling, no doubt, than in the inescapable Boléro.

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classique

Festival de Lanaudière: L’heure exquise

par Rédaction PAN M 360

XIXe siècle musiciens, néophytes et mélomanes se rassemblaient dans les salons afin de partager un amour commun de la poésie et de la musique.

Cherchant à recréer l’atmosphère intimiste de ces soirées, Olivier Bergeron et Chloé Dumoulin, deux étoiles montantes de la scène classique, proposent un concert intime soulignant le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Reynaldo Hahn, et le centième anniversaire du décès de Gabriel Fauré.

In the 19th century, musicians, neophytes and music lovers gathered in salons to share a common love of poetry and music.

Seeking to recreate the intimate atmosphere of these evenings, Olivier Bergeron and Chloé Dumoulin, two rising stars on the classical scene, offer an intimate concert to mark the hundred-and-fiftieth anniversary of Reynaldo Hahn’s birth, and the hundredth anniversary of Gabriel Fauré’s death.

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