Grâce à sa trompette microtonale munie d’un dispositif lui permettant de faire des glissandos, le trompettiste basé à NY Aaron Shragge (à la tête du quartette Whispering Worlds) crée de vastes espaces sonores nébuleux teintés par des influences indiennes et ambiantes. À la base très influencé par le trompettiste contemporain avant-gardiste Jon Hassell, Shragge démontre toute la profondeur de sa dette envers son aîné (mort en 2021) en incorporant de manière souvent éthérée certains passages de plages précédemment enregistrées par Hassell. Prenez par exemple Moons of Jupiter extrait de Seeing Through Pictures, dernier album studio du maître, dont des échos éparpillés apparaissent ici et là dans la plage titre Cosmic Cliffs. À l’instar de Hassell qui a touché aussi bien à l’impro qu’à la musique hindoustanie, à l’avant-garde et au minimalisme (il a travaillé avec Stockhausen et Riley), Shragge ne se laisse intimider par aucune limite stylistique, bien que Cosmic Cliffs soit plus résolument attaché du côté spiritual jazz et world improv que expérimental et atonal.
Ce qui aurait été un trip de LSD en écoutant le Mahavishnu Orchestra ou certains élans exploratoires de Pink Floyd dans les années 1970 est aujourd’hui une musique créée sans l’appui de substantifiques hallucinogènes, et en pleine possession de moyens intellectuels bien contrôlés. Que cela ne vous empêche pas, cela dit, de vous en tirer une bonne grosse si le cœur vous en dit, tellement cette trompette qui sonne comme un sitar, lovée sur un coussinage jazz yogique et portée par une section rythmique acoustique et une atmosphère électronique vaporeuse, semble tout droit sortie d’une commune épanouie.
Ils sont quatre à nous faire léviter aussi bellement : Aaron Shragge – Trompette, Shakuhachi,
électronique; Luke Schwartz – guitare, électronique; Damon Banks – basse; Deric Dickens – batterie.
Ça plane, ça plane, baby.