Le quatrième album de Vince Staples, un des plus doués de la parole hip hop pour ses inclinations romanesques et poétiques, met en relief un artiste plus proche de la forme chanson. Ses superbes albums Summertime’06 et Big Fish Theory, sortis respectivement en 2015 et 2017, offraient une approche atypique pour un Californien issus des quartiers chauds de Los Angeles, vu le minimalisme électronique des productions au service d’un flow littéraire nettement au-dessus de la moyenne hip hop. Les harmonies soul/R&B et les sonorités trappy à la mode étaient exclues de son esthétique, l’artiste se distinguait par une facture fort différente. Nous sommes en 2021, Vince Staples est devenu une vedette intermédiaire, tiraillée entre la reconnaissance du grand public et celle des mélomanes plus exigeants, entre une pub de Sprite (dont il a été la figure de proue aux USA) et l’appui d’un John Cale (qui a déjà exprimé son admiration à l’endroit du rapper). Et voilà l’expression du paradoxe non résolu : un propos qui nous ramène à la réalité de la rue, à la violence urbaine, à la crainte pour sa sécurité dans une société armée jusqu’aux dents, de l’envie de richesse. Keny Beats, qui œuvrait au beatmaking dans l’album précédent de Staples (FM, sorti en 2018), est ici son seul acolyte, son style déteint forcément… On devine que le beatmaker a voulu donner un peu plus matière mélodique à son employeur tout en maintenant les acquis antérieurs du brillant MC, reste à savoir si l’impact sera plus considérable.
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