On peut difficilement parler du quatuor londonien Vanishing Twin sans mentionner Stereolab, ces rétrofuturistes et tronches de studio de la vague indie-rock des années 1990. Vidons la question en écoutant les stereolabiennes Zuum et Light Vessel, puis attardons-nous à tous les autres succulents ingrédients d’Ookii Gekkou, l’excellent deuxième album du groupe. Au fil de celui-ci, on a droit à de la disco spatiotropicale à faible gravité (Phase One Million), à de l’exotisme élégant et ellingtonien (In Cucina), à du spoken word sombre et atmosphérique (The Organism), à des harmonies célestes (Wider Than Itself et The Lift, la dernière pièce), ainsi qu’à moult autres trouvailles fascinantes.
Cathy Lucas, la multi-instrumentiste éclairée qui tient la barre de Vanishing Twin, bosse aussi au sein d’autres entités musicales, dont le groupe de pop de chambre Fanfarlo. À titre de commandante du vaisseau, c’est à elle que revient le mérite de tirer autant de cohésion d’un projet aussi multidirectionnel. Il faut dire qu’elle a judicieusement constitué son équipage : l’audacieuse batteuse Valentina Magaletti, dont le CV indique qu’elle a joué avec Tomaga, CZN et Moin; Phil MFU, alias Man From Uranus, expert ès sons étranges de synthés modulaires; puis le bassiste Susumu Mukai, dont la production discographique sous le pseudo Zongamin mérite toute notre attention.
Outre Stereolab, on peut également citer comme influence les intrépides hybrideurs The Heliocentrics et leur amalgame de jazz bizarre, de funk gauchiste, de kitsch édifiant et de paysages sonores séduisants et mystérieux. Ce lien est d’autant plus justifié que Malcolm Catto, pilier des Heliocentrics, a coproduit Ookii Gekkou. En terminant, soulignons le raffinement inusité des textes. Ceux-ci – outre les sages paroles de Wider Than Itself qui proviennent du poète Chaucer – illustrent parfaitement le soin et la réflexion que Cathy Lucas et sa bande apportent à cet aspect de leur art. Puis, près d’une phrase sur deux se termine par un point d’interrogation, ce qui atteste de la curiosité insatiable qui nourrit ces aventuriers du son.