Benoît Pinette n’a pas rectifié le tir, mais a certes trouvé de nouveaux angles d’attaque. Le coyote n’a qu’à bien se tenir !
Avec son bassiste Marc-André Landry, l’auteur, compositeur, interprète avait créé contre toute attente de la musique électronique, plutôt ambient, sous la bannière Demain déluge. Sympa, avions-nous noté il y a quelques semaines à Rouyn-Noranda, à l’écoute de ces matériaux surtout utiles à la création de l’album dont il est ici question. Et c’est ainsi que s’amorce Dynastie, qui n’a vraiment rien d’un feuilleton consacré la reproduction des riches au sommet de la pyramide sociale.
N’allons surtout pas croire que Benoît Pinette a relégué aux oubliettes son inclination americana (country folk, country rock, etc.) et sa voix de contre-ténor qui cohabitent fort bien avec les ornements ambient, mais aussi les poussées quasi grunge ou même certains arômes tex-mex.
Nous avons ici l’exemple réjouissant d’un artiste soucieux de renouveler sa proposition et ainsi évoluer, bousculer un tantinet son public en dépit de l’immobilisme latent au sein de tous les fan clubs.
On ne le dira jamais assez, une grande chanson n’est pas originale à cause de sa mélodie ou de sa progression harmonique, mais bien pour l’environnement sonore qu’elle suggère, pour le texte qu’elle porte et pour la voix singulière qui en est le vecteur principal. Inutile de rappeler que Benoît Pinette a parfaitement pigé ces enjeux, ceux de sa propre longévité.
En conférant de nouveaux instruments, synthétiseurs analogiques et autres bidules, Tire le Coyote pérennise sa pertinence chansonnière, tout en poursuivant l’expression poétique de ses réflexions, déclarations, songes et méditations sur «la beauté qui te traverse de bord en bord » ou sur fragilité extrême des rapports humains ou encore sur la précarité de notre avenir terrestre. On imagine le narrateur prendre un chemin de travers et y « rouler pour habiter la distance », puis s’y chercher « une place de stationnement » comme pour arrêter le temps, y trouver refuge, y vivre sa singularité, y « suivre son plan », même si « je sais que tu sais qu’on ne tient pas à grand-chose. »
Comme le disait feu Christian Mistral, « c’est en écrivant qu’on devient écriveron », et ce principe s’applique sans doute à Benoît Pinette, qui sait aujourd’hui ménager ses effets et faire remonter la crème de ses meilleures rimes en toute cohérence.