Simon Angell (Thus Owls) à la guitare et Tommy Crane aux percussions n’avaient jamais enregistré de projet en duo, malgré de nombreuses années de collaboration dans de nombreuses aventures musicales de la riche scène montréalaise. Ce Angell & Crane éponymement nommé nous présente un aperçu du genre de foisonnement créatif spontané qui peut jaillir de la rencontre de deux as de l’improvisation contemporaine, à base rock, et instru savante/intuitive.
Parce que, il faut le souligner, les deux artistes se sont installés dans un studio pendant six jours, ont improvisé, laissé exploser toutes les inspirations du moment afin de faire un album. Là où la démarche diverge substantiellement des habitudes du genre, c’est que la production subséquente est devenue une participante à part entière du résultat final. Pas seulement sonore, mais musical et dialectique. Les puristes de l’impro vont souvent délaisser l’étape post captation. Ce qui importe, c’est que le rendu final soit fidèle au plus haut point à l’expérience créatrice du moment improvatoire.
Ici, une autre attitude s’est imposée. Les quelque 40 heures de musique captées ont été travaillées comme un matériau brut servant de base à la composition d’un corpus final d’une quarantaine de minutes.
Le résultat s’avère tout à fait réussi, une sorte de spontanéité dessinée avec attention. Le jeu des textures est important, et emballant. Les motifs, reflets, et autres mouvements tridimensionnels vont et viennent comme les remous d’un flux musical ondoyant, de gauche à droite et surtout d’avant en arrière et vice-versa. Mais toute l’excellente spatialisation ne serait qu’artifice si les élans instinctifs de Angell et Crane n’étaient pas solidement ancrés dans une narration, certes impressionniste/expressionniste, mais solidement cohérente.
Sont conviés plusieurs pans des musiques indies/expérimentales de la scène du Montreal Sound dans une trame largement onirique et ambiante. Le drone, le no wave punk, un peu de shoegaze, l’abstraction contemporaine. Les deux artistes se questionnent et se répondent dans un discours parfois fantomatique, parfois plus incarné, entre l’acoustique et l’électrique. S’ajoutent occasionnellement les apparitions déstabilisantes mais excitantes de la chanteuse Sarah Rossy et de la saxophoniste Charlotte Greve. Tout cela est souvent trés beau et rêveur.
Angell & Crane est un petit bijou de musique d’improvisation indie expérimentale.