Le Troisième Ciel: c’est le titre de cet album, en espagnol. Et il porte très bien son nom.
Ça commence par des nappes de synthétiseurs. Au bout de 15 secondes arrive la voix flamenca céleste de la chanteuse Rocío Márquez. Et nous voilà partis pour un étonnant périple électro flamenco pour 58 minutes de bonheur.
Rocío Márquez est une chanteuse andalouse primée pour ses performances de flamenco. Bronquio est un DJ et producteur électronique. Ce mélange aurait pu se révéler catastrophique et hyper kitsch mais… Ici, les machines de Bronquio et la voix de Rocio Marquez se livrent un dialogue passionnant et original. Qui a dit que les machines ne pouvaient exprimer de l’émotion?
Le flamenco est lui-même un mélange de cultures andalouse chrétienne, juive et arabe. Depuis quatre décennies, est apparu le « nuevo flamenco », avec Camaron et Paco De Lucia, qui visaient à imprégner le flamenco de jazz et de rock. Plus récemment, il y a eu Rosalia et son album de 2018 El Mal Querer. Et le rapper C Tagana et El Madrileno en 2022.
Rocío Márquez sait parfaitement chanter le flamenco puro, mais elle est tentée depuis longtemps par des expériences. Son album de 2017, Firmamento, était déjà truffé d’expérimentations jazz. Avec Tercer Cielo, elle s’aventure sur le terrain électronique.
Soyons clair: c’est du chant flamenco: de la buleria, du garrotin,de la seguirya, mais totalement transformé par l’habillage électronique. Bronquio y fait un travail tout en subtilité, tantôt percussif, tantôt mélodique. Il y a bien un ou deux effets un peu kitsch, comme de l’autotune sur la pièce Agua. Mais après dix secondes, on a oublié, car la trouvaille suivante est fabuleuse. Le DJ y fait un travail d’orfèvre, qui pousse le flamenco vers l’avenir, sans toutefois jamais le trahir.
Ce voyage de dix-sept pièces se termine en apothéose avec la presque dansante El Corte Mas Limpio suivi de la très douce, presque a capella, Marca .
Un album avec beaucoup d’âme et d’audace. L’Espagne continue de nous étonner.