À la première minute de jeu, on croit avoir affaire à un autre album de cumbia rock, surtout lorsqu’on connaît les antécédents pimentés du Colombien Ramon Chicharron, natif de Medellin, en adoption légale au Québec depuis belle lurette. Mais voilà qu’on nous déroule sans prévenir douze mesures de batucada bien brésilienne avant de replonger illico dans le vif du sujet, plus au nord de l’Amérique latine. Insertion demandée! On sent ici la patte du réalisateur Boogàt. Celui-ci saisit finalement le microphone, fait ce qu’il fait de mieux et termine son incursion de rappeur latino dans la première chanson – Apretao – en jonglant tout bonnement avec les syllabes percussives king et kong-kong. Qui d’autre?
Ici, on garde ça simple.
Lauréat du Prix de la diversité en musique décerné en 2018 par le Conseil des arts de Montréal, ce petit groupe met en vedette les guitaristes Javier Muňos (moitié Argentin, moitié Colombien) et Adoulaye Koné, notre vétéran ivoirien de parents maliens qui donne pignon sur rue à l’Afrique rue Jean-Talon. À signaler aussi les artistes hip-hop Zalama Crew de la ville de Cali (côté Pacifique) et notre cher Vox Sambou national dans Soy de Aqui (Je suis d’ici), qui prône en créole haïtien le mélange des identités ainsi que la solidarité avant de hurler « Pas de paix sans justice! ». Une déclaration menaçante qui semble rougeoyer droit sur le bitume en feu de l’après George Floyd.
Mixées à Mexico, voici donc dix chansons sans excès où rien ne dépasse, bâties solides sur des séquences de quatre accords qui vont faire bouger les hanches et caler les bouteilles cet été; le tout sur un mélange de rythmes afro, caribéens et latins avec un zeste d’électro, presque sans claviers; à l’exception de Recuerdos, chanson lente, envoûtante et néofuturiste en langue malinké, interprétée par la formidable Djely Tapa, Révélation Radio-Canada en musique du monde 2019-2020.
Avec son timbre particulier et une certaine désinvolture accentuée par ses grosses lunettes jaunes, ce sympathique Chicharron, chanteur de champeta sans prise de tête ni mégalomanie, a sans doute réussi ici son essai discographique le plus abouti.
Bon pour passer l’été à danser collé-collé.