Voici une délicieuse excursion dans un programme mixte ou l’on peut s’imaginer dans un salon fréquentés par quelques membres (les nababs) de l’élite socio-économique des Indes britanniques en 1789. En effet, Calcutta 1789 – À la croisée de l’Europe et de l’Inde est le résultat d’une découverte inusitée : celle d’un programme de concert donné à Calcutta en 1789. Au-delà de Purcell, Handel, Johann Christian Bach et Carl Friedrich Abel, des compositeurs bien vus de l’époque, on rencontre la musique d’un certain William Hamilton Bird, un Irlandais installé aux Indes pendant une bonne partie de sa vie. Il fut le premier à transcrire (pour le clavecin à l’époque) des airs hindustanis en notation occidentale. Son recueil, Oriental Miscellany, conservé dans les archives de la métropole indienne, est une très rare incursion dans les premières ébauches d’un crossover avant la lettre. Quelques-unes de ses pièces sont entendues sur l’album. Malgré leur caractère assez littéral, leur écoute demeure tout à fait fascinante. Les colons de l’époque ne dédaignaient pas inclure des musiciens classiques indiens dans leurs concerts, et quelques pièces ici accueillent le sitar et les tablas. Ces partitions ne doivent présenter aucun défi particulier pour Uwe Neumann (sitar) et Shawn Mativetsky (tabla), mais leurs occasionnelles collaboration avec l’ensemble Notturna sont subtilement équilibrées, comme un plat traditionnel pimenté avec parcimonie afin de ne pas effrayer l’Occidental conservateur. Les Purcell et compagnies sont joués de façon standard, et non pas dans des ‘’arrangements’’, car cela ne se faisait pas vraiment à l’époque. Finalement, l’exotisme de cette parution demeure limité, et la curiosité suscitée par le concept maigrement récompensée, mais l’ensemble est assez bien joué et enregistré pour laisser malgré tout une agréable impression.
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