Il y a un commencement à tout. En ce qui a trait au vénérable bassiste de jazz William Parker, ce n’est pas du méga coffret de dix disques dont il sera question ici, bien que sa sortie soit imminente – Migration of Silence Into and Out of The Tone World paraîtra en janvier 2021 (vous pouvez en avoir un aperçu ici). Il ne s’agit pas non plus d’un livre (Parker en a déjà écrit deux), ni d’un festival (avec sa femme Patricia Nicholson Parker, il s’occupe le Vision Festival qui a lieu chaque année à New York), mais plutôt, après 50 ans de musique et deux fois plus d’albums (en tant que leader ou avec des gens comme Cecil Taylor, David S. Ware ou Peter Brötzmann), d’un modeste 45 tours portant sa griffe.
La face A présente une interprétation inspirée, livrée devant public en 2001, de la chanson-titre du dernier album de Curtis Mayfield de 1996. Capté au Festival Banlieues Bleues à Paris, l’enregistrement, brut et caverneux, ne rend guère justice aux musiciens en présence. Il offre cependant quelque chose d’assez puissant. Avec un tempo plus soutenu et une touche de reggae dans le rythme ainsi qu’un chœur de 90 enfants, sans oublier la voix émouvante de Leena Conquest, la prière fatiguée de Mayfield pour un avenir meilleur est porteuse d’un peu plus d’espoir et semble presque en voie de réalisation. Malgré l’aspect brouillon de l’enregistrement, le balafon africain se fait entendre avec clarté au milieu de l’instrumentation, une touche qui ajoute un peu plus de chaleur à ce qui était à l’évidence un moment de liesse.
La pièce sur la face B est tirée de l’album Corn Meal Dance de 2007 que Parker a enregistré avec son groupe Raining on the Moon (avec Hamid Drake à la batterie). Conquest y fait la chronique d’une lutte et tout se déroule calmement jusqu’à mi-parcours et que le groupe s’emballe. Mais l’exaspération cède rapidement le pas à quelque chose de fort, d’assuré et d’inventif. La persévérance, semble-t-il, est le dénominateur commun des deux pièces. Aucune des deux n’est essentielle parmi la volumineuse discographie de Parker, mais entendues au moment propice, elles se révèlent des plus stimulantes.