On m’avait confié la tâche de critiquer Toast, la plus récente parution de Neil Young et Crazy Horse. J’ai fixé mon écran pendant un bon moment avant de rédiger mes premiers mots. J’ai déjà écrit des critiques d’albums d’artistes dont je n’avais jamais entendu parler et d’autres que je connaissais peu. Mais le ressenti, les pensées et les réactions à leur musique faisaient jaillir les mots facilement. Je devais maintenant écrire au sujet d’un gars que j’appelle affectueusement « l’Oncle Neil », ainsi que de son groupe d’accompagnateurs, dont la musique est ancrée dans mon vécu et mon identité. Dans le vécu et l’identité de la culture populaire des 60 dernières années, en fait, au même titre que n’importe quel hymne national ou refrain d’anniversaire.
Nous avons tous nos propres souvenirs, relativement à la musique de Neil. Ses paroles sont inscrites dans notre langage et nos idiomes culturels. Parmi les groupes et les artistes que nous écoutons aujourd’hui, nombre sont ses héritiers. Et, en ce moment même, quelque part sur la planète, un groupe est en train d’interpréter une de ses chansons, dans un bar. Voilà, c’est le monde de Neil Young, et nous y vivons tous. Alors, que dire quand on veut tout dire ? Que dire quand on veut aussi ne rien dire, parce qu’aucune quantité de mots ne sera jamais suffisante? Par où commencer? Comment commencer? « Que ferait Neil Young? », puis-je lire sur cette grande affiche, chez moi.
Alors, commençons par les faits, nets et objectifs. Neil Young et Crazy Horse ont lancé un album appelé Toast, enregistré au studio Toast il y a vingt ans, puis mis au rencart. Certaines de ses chansons ont cependant émergé sur Are You Passionate? en 2002. C’est ce que fait Young depuis plusieurs années. Il a rendu publique de plus en plus de musique provenant de ses archives. Des performances live, des chutes de studio et des albums « perdus » depuis longtemps (Toast est le numéro 9 de la série Special Release, pour info) ont vu le jour. Grâce à ces documents exhumés, il nous montre qu’il y a, dans son catalogue, plus de musique inédite et mise de côté jetée que ce que produisent la plupart des artistes dans toute leur carrière. Et, bien sûr, Neil continue de faire de la nouvelle musique… Avec Crazy Horse, il a lancé Barn l’année dernière et Colorado il y a deux ans.
Puis, qui suis-je pour affirmer ce qui suit? Mais je vais l’affirmer quand même : Toast est un album costaud. Il y a des moments de douceur et des chevauchées typiques de 10 minutes, pleines de distorsion, qu’on est en droit d’attendre lorsque Neil Young et le Crazy Horse se réunissent. « Crazy Horse définit la musique sans réfléchir », a écrit Neil en 2012 dans ses mémoires, Waging Heavy Peace. « La sensation physique de jouer avec Crazy Horse ne ressemble à rien d’autre. Elle vous ouvre tout grand le cerveau, et vous pouvez sentir le vent souffler à travers. »
Tout au long de sa carrière, il a fait de la musique avec différentes formations, dont CSNY, Buffalo Springfield, The Stills-Young Band, The Stray Gators, The Promise of the Real et Pearl Jam. Et, bien sûr, il y a la magnifique musique solo et acoustique qu’il a créée. Mais il est toujours revenu au Horse. « Pour moi, ce groupe est un véhicule vers des zones cosmiques que je suis incapable de traverser avec d’autres », a-t-il écrit.
Tout ce qu’on peut affirmer, lorsqu’on critique un nouvel album de Neil Young, se résume ainsi : Neil Young a publié un nouveau disque, si vous ne le saviez pas déjà. Écoutez-le, si vous ne l’avez pas encore fait. Vous aimerez peut-être, ou peut-être pas. Mais Neil ne s’en soucie sans doute pas. Il est déjà passé à autre chose.
« Peu importe ce que vous pensez des chansons que j’ai faites avec le Crazy Horse, a écrit Neil en 2012, il s’agit pour moi des expériences les plus transcendantes que j’ai jamais vécues, en musique ».
« Que ferait Neil Young? »… On devrait peut-être se demander « Que fera Neil Young? », plutôt.