Après une éclipse de plus de 150 ans, le clavecin est redevenu un instrument de musique vivante et nouvelle au 20e siècle, grâce à des œuvres importantes et marquantes (tel le Concert champêtre de Poulenc). Le claveciniste Mahan Esfahani nous en propose trois d’origine tchèque sur cet album enregistré avec brillance et profondeur avec l’Orchestre symphonique de la radio de Prague, dirigé de façon étincelante par Alexander Liebreich.
Esfahani, pétillant et scintillant, donne vie aux concertos de Martinu, de Krasa et de Kalabis. Le premier est ludiquement épicé, faisant se côtoyer des contours baroques avec des harmonies stravinskiennes. Léger, plein d’humour, vivant et énergique, c’est l’un des bijoux du répertoire. Celui de Hans Krasa (mort à Auschwitz en 1944) est plus angulaire et grinçant, osant un court épisode séducteur et jazzy dans le 2e mouvement, mais pour revenir à l’esprit sarcastique et moqueur du début, légèrement atténué. Son instrumentation inusitée est savoureuse : violoncelle, contrebasse, clarinette, clarinette en mi bémol, clarinette basse, trompette et saxophone alto.
Victor Kalabis (1923-2006). transporte l’instrument dans un univers résolument contemporain avec une œuvre exigeante, flirtant ouvertement avec l’atonalisme. Son Concerto pour clavecin et cordes est franchement expressionniste, parfois menaçant. Cela dit, il ne manque pas de dynamisme et réussit à convaincre particulièrement dans son 3e mouvement, un énergique presto qui introduit des épisodes de flottement oniriques atonaux dans un canevas, cette fois, plus chromatique et traditionnel. Une œuvre à réécouter avec attention pour en saisir toutes les nombreuses intentions.