Le Lindberg nouveau (celui des 10-15 dernières années) continue de stimuler l’imagination et l’intelligence des mélomanes. Ce Lindberg dont la palette expressive s’est substantiellement adoucie par rapport au modernisme dur et froid comme l’acier des débuts (on repense aux extraordinaires, mais impitoyables, Aura ou Kraft), propose ici trois magnifiques partitions baignées de lumière et foisonnantes comme une explosion de couleurs florales. D’abord un Concerto pour alto, le premier du genre pour ce compositeur qui en a déjà deux pour violon, deux pour violoncelle et trois pour piano. Lindberg construit son édifice harmonique en groupes pentatoniques et le narratif de l’œuvre en une palette de caractères musicaux échangés par les protagonistes (l’alto et l’orchestre). Ces caractères se poursuivent les uns les autres dans un tourbillon florissant qui tend vers une résolution clarifiée. Écrit pour un orchestre mozartien, l’ensemble possède une légèreté particulièrement agréable. Lawrence Power maîtrise totalement les lignes virevoltantes du compositeur, ajoutant sa propre qualité aérée à la partition. L’orchestre finnois dirigé par Nicholas Collon offre un accompagnement dentelé, scintillant et extrêmement raffiné. Un véritable régal.
Deux poèmes symphoniques complètent le programme de cet album. Absence et Serenades procèdent de la même plume récemment adoucie du compositeur finlandais, ce qui ne diminue en rien le caractère encore touffu de son écriture. Les sonorités plus molletonnées servent, en vérité, à rendre plus accessible un discours tout aussi rigoureux, complexe et exigeant. Prenons Absence, qui est un entrelacs de références, de transformations et de réflexions sur le sujet ‘’caché’’ de l’œuvre : Beethoven. On y entend des citations de la Sonate pour piano no 26 Les Adieux (une autre absence), ou encore des motifs harmoniques associés aux symphonies nos 2 et 9. Lindberg s’est aussi inspiré de la lecture des notes de conversations que Beethoven utilisait à la fin de sa vie pour communiquer (devenu complètement sourd). Métaphoriquement, l’absence est ici celle de la capacité de communiquer naturellement, un oxymore percutant dans le cas d’un artiste.
Puis, Serenades fait suite à une commande de l’Orchestre de Chicago, une demande inusitée quand on connaît l’histoire des sérénades à travers les époques, forme associée à de la musique lente et/ou nocturne, alors que Lindberg est habitué à écrire de la musique agitée, souvent violente. En fin de compte, la Serenades que le compositeur a écrit est ‘’plutôt sauvage’’… Oui, mais dans le contexte d’une sauvagerie partiellement apprivoisée dans les dernières années, la partition révélée dans une magnifique splendeur orchestrale est archi séduisante.
On pourrait difficilement espérer mieux comme qualité de musique et d’interprétation. Magnus Lindberg demeure l’un des très grands de notre époque.