Les filles montagnes

· par Frédéric Cardin

Viviane Audet, comédienne, musicienne et compositrice, ne s’attendait pas à être touchée à ce point jusqu’au fond d’elle-même. C’est en se préparant à écrire la trame sonore de Polytechnique : ce qu’il reste du 6 décembre, un documentaire de Judith Plamondon, que Viviane s’est sentie chavirée par cette tragédie qu’elle connaissait, bien sûr, mais de loin, comme tant d’autres de son âge, plus de 30 ans après les faits. Tellement forte a été, pour elle, cette rencontre avec les fantômes d’un passé devenu symbolique, qu’elle est allée plus loin, car il fallait qu’elle le fasse, c’est-à-dire la réalisation de Les filles montagnes, un album autonome inspiré de la tragédie et de ses propres réactions créatives, presque cathartiques, devant celle-ci.

C’est simple, tout simple : Viviane est seule au piano, ou encore ici et là sur son vieux Wurlitzer 140B. Le piano est émotif, mais grandement pudique. Le wurlitzer, lui, est comme « le temps suspendu après le choc », à cause de ses qualités nocturnes. « Nostalgique avec ses sonorités profondes et son tremolo nerveux », comme le décrit bien Viviane dans l’aimable description qu’elle m’a fait parvenir par courriel. 

Les filles montagnes est un opus en clair-obscur. La trame narrative a quelque chose de chronologique et évolue du drame à l’espoir, des ténèbres à la lumière. Mais, attention ! tout est d’une subtilité extrafine, comme les fils tissés presque invisibles d’une toile d’araignée d’apparence si fragile.

« Je tenais à ce qu’on y retrouve de la lumière aussi, parce qu’une des choses qui me reste suite à mon incursion dans ce drame… c’est toute la lumière et la beauté que ces 14 filles-là ont laissé derrière elles »
-Viviane Audet

J’aime plus que tout l’approche choisie par Viviane : des mélodies tellement économes qu’on a parfois l’impression de fragments. Bribes de souvenirs peut-être, échos de spectres passés ? C’est plus que plausible. La compositrice s’est plongée dans les témoignages colligés des témoins et acteurs du drame. Elle a manifestement entendu leurs voix, douces, apaisées, pas du tout criardes ou revanchardes, se sentant, j’imagine, aimées et chéries, respectées.

Viviane évite certains clichés du « néoclassicisme » actuel, c’est-à-dire les arpèges style Philip Glass et l’amplitude genre Einaudi. Pour elle, tout est pudique. Ça me fait penser à la musique d’Arvo Pärt (Für Alina ou Spiegel im Spiegel, par exemple), ou encore à une esthétique à la Webern, mais entièrement tonale. Je dirais que c’est trop court, malheureusement, mais en fin de compte, c’est probablement à l’image de cet hommage, tout en retenue et en beauté d’une rare sobriété.

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