Le sens de la dérive, premier album entier de Monsieur Raph – Raphaël Delahaye, à la ville – démarre sur de délicats accords de guitare; les percussions qui viennent vite s’y ajouter nous situent : nous sommes ici en zone latinisante. De sa voix aux vibratos distinctifs et aux aigus de catégorie Mathieu Chédid, Monsieur Raph formule ensuite cette demande : « Embrasse la lune pour moi – Le jour où tu t’y installeras – Moi qui ne prétends pas – À autre chose que la Terre ».
Jeune Montréalais d’origine française au tempérament voyageur, friand de sonorités latines et d’Afrique de l’Ouest, Monsieur Raph n’est pas pour autant diplômé de l’Institut de bourlingage Bernard-Lavilliers : pas de duels au couteau à cran d’arrêt et autres récits périlleux dans ses vers. Apôtre de la chanson humaniste, Monsieur Raph file plutôt des métaphores paisibles.
Rayon pérégrinations, on peut dire que Raph a écumé l’archipel des festivals et autres manifestations chansonnières : Granby, Vue sur la relève, Francofolies de Montréal, Petite-Vallée, Ma Première Place des arts et Nuits d’Afrique, entre autres, ainsi que résidences artistiques du Conseil des arts et des lettres du Québec en Colombie et au Nouveau-Brunswick. Il a publié un micro-album intitulé NU en mai 2017.
Trois ans plus tard, appuyé d’habiles instrumentistes dont Guido Del Fabbro, qui signe aussi les arrangements de cuivres et de cordes, Raph nous livre un opus aux textures et aux textes édifiants. Km zéro fait affleurer le souvenir lointain des refrains d’un Jean Leloup vingtenaire. Yovo et Esperanza évoquent le Mali. On détecte une filiation esthétique avec Mehdi Cayenne. Sur la trop courte Le cœur parle une autre langue, chantée avec la Québéco-Mexicaine Noemi Lira, le taux d’envoûtement monte en flèche. Tout cela nous porte à croire que le folk transatlantique de Monsieur Raph est promis à un bel avenir.