Fusées… Les astres… Quitter la ville… Falaise… Les ombres…Puisque tu pars… Il est ici question de départ, de fuite, de rupture, d’éloignement, de la peur du noir. En ce monde en totale régression, de plus en plus enclin à l’intolérance, à l’exclusion, à la violence, le propos de Laura Cahen oscille entre l’intimité et la quête d’un lieu sûr et propice. Il est aussi question de relations fantasmées ou autobiographiques entre femmes de bonne volonté, de ruptures fictives ou réelles.
Savoir ce qui est réel ou ce qui est fictif importe peu dans le cas qui nous occupe. Il est largement suffisant de comprendre que la narratrice de tous ces tableaux chansonniers souhaite échapper à notre monde à l’orée des ténèbres en y aménageant un cocon à l’abri des intempéries. Cela se vit au privé, dans l’intimité, en toute conscience des malédictions qui pointent à l’horizon. Le territoire littéraire est ici soigné, épuré, les affects y sont clairement circonscrits, ne reste qu’à savourer.
De l’autre côté est le titre d’un superbe album de chansons françaises traversées par l’audace de leurs arrangements et par l’efficacité de leurs accroches mélodiques. On ne s’étonnera pas que la principale intéressée cite Laura Marling, Adriane Lenker (Big Thief) ou Aldous Harding parmi ses influences marquantes. Elle se réclame davantage du songwriting anglo-saxon, et c’est pourquoi elle a enregistré à Londres son nouvel opus.
Laura Cahen a fait Deux Zelles puis des albums solo : Nord en 2017, Une fille en 2021, la compilation Des filles en 2023, et voici De l’autre côté en janvier 2025. Ce folk de chambre mâtiné de dream pop met en relief le travail de Mike Lindsay (Tunng, Laura Marling, Buck65, etc.), un producteur inspiré par le cyber-folk, ainsi que Josephine Stephenson (Damon Albarn, Arctic Monkeys), issue de la musique contemporaine et qui meuble et décore tous les recoins ce ces chansons signée Laura Cahen. Force est de reconnaître qu’il fait bon vivre de l’autre côté, encore faut-il y basculer.