La musique de chambre contemporaine incluant le shakuhachi, une flûte traditionnelle japonaise, ne court peut-être pas les rues, mais il y en a, et elle est généralement bonne. C’est le cas de cet album intitulé a distance intertwined, du flûtiste Kojiro Umekazi. Cinq compositions pour shakuhachi et petit ensemble d’autant de compositeurs (dont Umezaki lui-même) sont présentées ici. Contemporaines sans être expérimentales, les œuvres au programme sont assez accessibles tout en offrant une écoute stimulante. L’imagerie et la poésie de l’imaginaire japonais sont convoqués efficacement sans jamais tomber dans le piège du pastiche et de l’exotisme touristique. Faded Aura de Takuma Itoh est peut-être ma préférée de l’ensemble, avec ses jeux subtils de réflexion et d’amplification du shakuhachi par les solistes du quatuor hors normes Hub New Music (flûte, clarinette, violon, violoncelle). Très impressionnant. Le reste est à l’avenant, avec des contrastes intéressants entre Death Masks de Chad Cannon, l’œuvre la plus sombre, et Whispers of Sea Rivers d’ Angel Lam, tonale, mélodique et presque cinématographique. Moonlight de SunYoung Park évoque le Conte du tailleur de bambou, célèbre au Japon (tellement que le studio Ghibli de Miyazaki en a fait une version, La légende de la Princesse Kaguya). Le monde des esprits et celui du monde réel se rencontrent à travers les dialogues imagés du shakuhachi d’un côté, et du quatuor de l’autre. Finalement, Umezaki apporte sa contribution avec Tied Together by Twilight, où l’artiste peint un portrait tout en contrastes brusques du Japon moderne, tiraillé entre modernité et tradition, jeunesse et vieillesse, urbanité et ruralité, féminité et masculinité, etc.
Musique sérieuse et narrativement dynamique pour un instrument à la sonorité magique et intemporelle.