N’en déplaise à Antibalas, au Budos Band et à tous les autres artistes des labels Desco et Daptone, le cœur battant de la renaissance du funk de Brooklyn qui a explosé au tournant du millénaire, c’était Sharon Jones & The Dap-Kings. Recréation parfaite des revues soul classiques des années 60, la formation réunissait le groupe qui accompagnait Amy Winehouse sur Back to Black et une chanteuse – laquelle a été agente des services correctionnels et chantait à des mariages – qui avait du coffre et une présence aussi bouillante qu’imposante. Leur partenariat a duré 20 ans. Deux décennies qui ont vu la sortie de huit albums, une nomination aux Grammy Awards et d’innombrables collaborations, notamment avec Michael Bublé, Phish et David Byrne – soit jusqu’au décès de Jones d’un cancer du pancréas en 2016.
Même si le groupe a créé de sacrés originaux durant 20 ans, il était aussi connu pour ses reprises percutantes, concoctées pour des bandes sonores, des publicités, des hommages ou simplement pour le plaisir. L’une de ses premières cartes de visite était d’ailleurs une version surprenante de What Have You Done For Me Lately ? de Janet Jackson. On la retrouve ici, tout comme Take Me With U, chanson de Prince tirée de Purple Rain. Ces deux titres emblématiques de la soul-pop des années 80 sont ceux qui ont été le plus radicalement transformés parmi la douzaine que compte cette compilation rétrospective (treize en format numérique), dont une reprise étonnante de l’hymne folk de Woody Guthrie, This Land Is Your Land. Les titres soul plus vieille école, comme Rescue Me d’Aretha Franklin et Signed, Sealed, Delivered I’m Yours de Stevie Wonder dans son jeune temps, ont été recréés fidèlement, tandis que d’autres portent davantage la griffe du groupe. Ainsi, les paillettes disparaissent au profit d’une interprétation plus musclée sur l’incontournable succès disco des années 70 In The Bush, et Just Dropped In (To See What Condition My Condition Was In), la curiosité de Kenny Rogers que connaissent bien les adeptes de The Big Lebowski, bénéficie d’une version survitaminée.
Cet album a beau être une compilation de reprises, il recèle de véritables bijoux du début à la fin – et ça brasse, pas à peu près ! –, avec quelques jams histoire de reprendre son souffle. C’est aussi l’occasion de lever son chapeau à Sharon Jones, reine de la musique soul aujourd’hui disparue.