L’auteure-compositrice-interprète Julia Daigle nous accueille chez elle, délicatement, dans un boudoir tendu de tapisseries pittoresques. L’air vibre au son des guitares cristallines, des réverbérations astrales, des envolées jazz-prog : c’est L’étoile de l’aube, la narratrice susurre « Poings serrés, à l’envers – Seule, j’irai vers le froid – Où les rois ne vont pas ». C’est bien parti, on pense à Anne Hébert qui disait « J’ai mon cœur au poing – Comme un faucon aveugle » dans Le Tombeau des rois. La chanson suivante s’intitule Sur la haute colline; Julia Daigle et Dominic Vanchesteing, avec qui elle a coécrit, cocomposé et coréalisé les neuf pièces d’Un singe sur l’épaule, y mettent en musique la conclusion du poème L’après-midi couleur de miel et fin d’automne de René Chopin :
« Mais si tu vois, là-bas, sur la haute colline
Le Soleil résigné qui rougeoie et descend,
Sache que c’est mon cœur qui d’amour s’illumine
Et crève brusquement comme une outre de sang. »
Noble geste que de rendre un si bel hommage à Chopin, ce notaire, critique littéraire et, surtout, poète québécois quelque peu oublié. Pour les trois pièces suivantes, soit Écho, l’hommage à devinez qui Nanette et Le psaltérion, Dominic Vanchesteing nous enjôle les oreilles à l’aide d’accords de guitare prog-romantiques qui rappelleront aux musicophiles grisonnants le C’est la vie d’ELP. Si l’on en retirait les partitions de mandoline et d’autres instruments à cordes pincées d’Usage domestique et de Cinq à neuf, ces pièces pourraient peut-être figurer dans le répertoire électro-pop de Paupière, formation mère de Julia Daigle. Vallée grise nous ramène en mode aérien, c’est l’heure du constat lucide et mélancolique « Ni le temps, ni l’amour, ni passion sont en cause – Seule reste l’illusion ». Cet étonnant album prend fin avec Chapelle ardente, pièce jazzy-atmosphérique de six minutes vingt-cinq secondes à la batterie et à la basse fluides. Puis, on quitte le boudoir baroque de Julia Daigle en souriant béatement, la tête dans les brumes.