Encensé pour son jeu « lyrique, immaculé et intelligent », le jeune pianiste canado-polonais de 26 ans Jan Liesiecki continue son exploration du répertoire centré sur la thématique de la nuit. Suite spirituelle de son dernier album consacré aux nocturnes de Chopin, également sous l’étiquette Deutsche Grammophon il présente ici des œuvres de Mozart, Schumann, Ravel et Paderewski. Si les aspects introspectifs et mélancoliques étaient évidents dans les productions de Chopin, celles présentées sur cet opus abordent essentiellement le côté fantomatique et inquiétant de la nuit. Après avoir introduit les douze variations de Mozart autour de la berceuse Ah, vous dirais-je Maman, qui se passent de présentation, Lisiecki entre dans le vif du matériau musical qui constitue l’album.
Le cycle Nachtstücke de Robert Schumann, composé à une période où ce dernier était en proie à des obsessions macabres, est empreint d’un clair-obscur musical à la fois léger et angoissant. La première pièce, indiquée Mehr langsam, oft zurückhaltend (plutôt lent, en retenant souvent), est une marche étrange, instable et inquiétante, alors que celle qui conclut le cycle, Einfach (simplement) est son contraire, avec une procession sereine et calme. Cet apaisement fait place aux accents mystiques du triptyque Gaspard de la nuit, importante œuvre pianistique du XXe siècle de Maurice Ravel, où Liesiecki fait chanter l’Ondine avec ses envoûtants roulements dans l’aigu et ses brusques changements de dynamiques, résonner le glas lugubre et plaintif d’une cloche dans Le Gibet, puis vivre le gnome Scarbo dans un scherzo au caractère frénétique.
Démontrant une maîtrise technique et un sens de l’expression musicale nuancé et vivant, Jan Liesiecki conclut l’album avec une page rêveuse signée par le compositeur polonais Ignacy Paderewski.