Jack White remet ça avec Fear of the Dawn, sa quatrième galette solo. Selon le calendrier de production de Jack, la cinquième devrait aussi paraître en 2022 et s’intituler Entering Heaven Alive. Monsieur White a peur de l’aube, donc, comme les vampires hipsters qui passent devant la maison où il a grandi, à Détroit, dans le film No Lovers Left Alive de Jim Jarmusch.
Fear of the Dawn démarre dans l’urgence avec les riffs qui se muent en sirènes d’ambulance de Taking Me Back. Le musicophile constate d’entrée de jeu que Jack joue, plus que jamais, les pédales d’effets dans le tapis. La chanson-titre suit, une tuerie garage-métal où Jack joue de tout, y compris du thérémine. The White Raven complète ce frénétique triptyque d’ouverture.
Arrive ensuite Hi-De-Ho, un fourre-tout fascinant dans lequel Jack raboute un tas d’éléments pas du tout disparates. D’abord un échantillon de l’intro flamenco de la pièce également intitulée Hi-De-Ho que chantait, en 1947, le regretté troubadour jazz multifonctionnel Cab Calloway dans le film… Hi-De-Ho! Puis, Q-Tip prend le relais, de sa voix de préado arrivé au mitan de sa mue. Un service en attire un autre : Jack avait collaboré à l’ultime album du défunt groupe de monsieur Tip, A Tribe Called Quest. Q-Tip se lance dans une litanie, entrecoupée de ponts de guitare ibérique, où il fait rimer Mariah Carey et Chuck Berry.
Eosophobia (qui signifie peur morbide de l’aube) évoque, étonnamment, l’emo-prog-métal tendance math-rock de Coheed and Cambria. La très entraînante Into the Twilight est truffée d’échantillons; au premier chef, un extrait de Twilight Zone/Twilight Tone des Manhattan Transfer, qui avaient transformé en comptine jazz-vocal l’inquiétant thème composé par Bernard Hermann. On a aussi droit à des interludes de voix en apparence antinomiques, celles de William S. Burroughs et de Bobby McFerrin.
Après l’intermède instrumental Dusk, White enfile deux pièces moins éclatantes quoiqu’efficaces, la garage-métal What’s the Trick et la blues-rock That Was Then, This Is Now. Rebelote emo-math-rock avec Eosophobia – Reprise avant la complainte Morning, Noon and Night, dont les riffs rustiques sont judicieusement pimentés d’envolées de synthé. La ballade aigre-douce Shedding My Velvet clôt cet album touffu tout flamme. À la personne qui use constamment de la citation « Il est plus beau d’éclairer que de briller seulement » (tirée de la Somme théologique de Thomas d’Aquin), le narrateur confirme qu’elle a raison.