Pays : Islande Label : Harmonia Mundi Genres et styles : chant choral / classique occidental / musique contemporaine Année : 2022

Ice Land : The Eternal Music – Saevarsson, Leifs, Thorvaldsdottir

· par Frédéric Cardin

L’Islande fascine, l’Islande attire, l’Islande séduit. Il y a quelque chose d’indéfinissable dans la beauté aride, dénudée, de ce pays agrippé au sommet d’un volcan actif. Sa musique, savante et populaire, s’est développée récemment, si on la compare aux autres musiques européennes. Essentiellement, le 20e siècle, avec Jon Leifs comme principal catalyseur, puis les éruptions rock que sont Björk et Sigur Ros, pour n’en nommer que les plus célèbres.

Ice Land : The Eternal Music fait un pont entre ces deux univers, et ce de manière très unifiée, presque monochromatique, à l’image d’un décor minéral en noir et blanc de l’intérieur du pays. L’énergie ambiante est résolument contemplative et rarement remuée par des remous dynamiques plus intenses qu’un éther placide.

Le programme oscille entre arrangements de folklores nationaux, œuvres de compositeurs contemporains (Anna Thorvaldsdottir, Hjalmar Ragnarsson, Sigurdur Saevarsson) et quelques pièces de pionniers de la musique savante nationale (Leifs, nommé précédemment, mais également Thorkell Sigurbjörnsson). Le Requiem a capella de Saevarsson est particulièrement thérapeutique, aussi paisible qu’un corps en apesanteur.

En ce qui me concerne, Ad genua, pour chœur et orchestre d’Anna Thorvaldsdottir  (la plupart des autres œuvres au programme sont pour chœur seul) est le plus beau cadeau de l’album. Commandé à l’origine par un chœur américain souhaitant rendre hommage à une série de cantates du compositeur baroque Dietrich Buxtehude (1637-1707) qui illustre différentes parties du corps de Jésus sur la croix, il s’agit d’un indéniable chef-d’œuvre. Le titre l’indique (Ad genua : « Aux genoux »), Thorvaldsdottir transpose avec une rare émotion, mais aussi une féroce intelligence de l’orchestration, des couleurs et des harmonies, le concept de la fragilité de cette partie corporelle du crucifié, à mesure que le temps passe. Glissandos, coups d’archets saltando (sautillant), mélodie hymnique des cordes soutenant l’hypnotique voix solo de Carolyn Sampson (magistrale), accompagnement de choeurs parfois plaintifs, parfois angéliques, voici uns symphonie chorale de beauté nimbée de révérence, de mystère, d’émotions et de grande spiritualité. C’est aussi la pièce la plus agitée, je dirais vivante, du disque.

J’ai déjà parlé de cette créatrice extraordinaire ailleurs sur le site. Allez voir et entendre son quatuor à cordes Enigma, c’est renversant. Elle est l’une des voix les plus brillantes de la musique d’aujourd’hui.

Lisez la critique et écoutez la musique d’Enigma d’Anna Thorvaldsdottir

L’album se termine sur un arrangement pour cordes de Fljotavik des géniaux post-rockeurs Sigur Ros, un autre trésor national islandais. La chanson, neuvième plage de leur opus Með suð í eyrum við spilum endalaust (« Avec un bourdonnement dans les oreilles, nous jouons inlassablement »), publié en 2008, est bien rendue et son atmosphère se marie parfaitement avec l’ensemble de l’album (comme la plupart des chansons du groupe, me direz-vous).

Superbe album, fortement recommandé, même si un brin monochrome n’eût été de l’exceptionnel Ad genua d’Anna Thorvaldsdottir.

Tout le contenu 360

Festival du monde arabe | Narcy, une des têtes d’affiche de la 25ème édition

Festival du monde arabe | Narcy, une des têtes d’affiche de la 25ème édition

Emilie Cecilia LeBel – Landscapes of Memory

Emilie Cecilia LeBel – Landscapes of Memory

Nathan Hudson and Ben Loory – Music for Falling and Flying

Nathan Hudson and Ben Loory – Music for Falling and Flying

Yves Cloutier – Fleuve

Yves Cloutier – Fleuve

The Noonan Trio – Inherit a Memory

The Noonan Trio – Inherit a Memory

John Luther Adams – An Atlas of Deep Time

John Luther Adams – An Atlas of Deep Time

Oktoecho | Nouvel album, nouvelle saison de croisements avec le Grand Nord

Oktoecho | Nouvel album, nouvelle saison de croisements avec le Grand Nord

Jeremy Sandfelder – Passing Time

Jeremy Sandfelder – Passing Time

Matt Haimovitz/Marnie Breckenridge – Luna Pearl Woolf/Royce Vavrek : Jacqueline

Matt Haimovitz/Marnie Breckenridge – Luna Pearl Woolf/Royce Vavrek : Jacqueline

Geordie Greep – The New Sound

Geordie Greep – The New Sound

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 | Le Finale sauve le concert au fil d’arrivée

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 | Le Finale sauve le concert au fil d’arrivée

Wolf Castle – Waiting for the Dawn

Wolf Castle – Waiting for the Dawn

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 |  Buffet symphonique au brunch dominical

Marathon Beethoven de l’OM, Jour 3 | Buffet symphonique au brunch dominical

Festival du Monde Arabe | 25 ans de rêves en couleur et puis… Méprises

Festival du Monde Arabe | 25 ans de rêves en couleur et puis… Méprises

Akousma | Hamelin, Présences imaginées, Uppender

Akousma | Hamelin, Présences imaginées, Uppender

Akousma | Solace tout en drone, sentier complexe, jardins familiers

Akousma | Solace tout en drone, sentier complexe, jardins familiers

Akousma | Cime, rumeurs et ghosts à l’Usine C

Akousma | Cime, rumeurs et ghosts à l’Usine C

Akousma | Oracle mystique, Tumultes magnétiques, Gymell granulaire

Akousma | Oracle mystique, Tumultes magnétiques, Gymell granulaire

Marathon Beethoven de l’OM, soir 2 : De la nature humaine

Marathon Beethoven de l’OM, soir 2 : De la nature humaine

Danny Brown à la SAT: le champ gauche est ravi

Danny Brown à la SAT: le champ gauche est ravi

Céu, entre rétro et mélancolie

Céu, entre rétro et mélancolie

Marathon Beethoven de l’OM, soir 1

Marathon Beethoven de l’OM, soir 1

Quasar | Le quatuor de saxophones devient octuor : Saxoctet

Quasar | Le quatuor de saxophones devient octuor : Saxoctet

Malasartes, concerts d’automne à la Sala Rossa

Malasartes, concerts d’automne à la Sala Rossa

Inscrivez-vous à l'infolettre