Helena Deland trouble et réconforte avec son deuxième album, une confession poétique imprégnée de perte et de temps échappé.
Le premier album de l’autrice-compositrice-interprète Helena Deland la voyait cherchant à se déterminer, à se dérober aux yeux des autres. Maintenant, elle tente de regarder quelque chose qui n’est plus.
Goodnight Summerland nous donne l’impression de macérer dans un espace abstrait que la couverture représente très bien. Vu le titre du projet, il est vrai qu’on gagne à l’écouter la nuit. Le silence et l’immobilisme sont personnifiés par la musique, qui parle fort de par son immense retenue. Principalement faite de guitare simple, un terrain doux se forme et permet aux textes de s’envoler. Il y a des synthétiseurs légers tissés ici et là, mais on peut voir le tout comme un sol terreux qui fertilise la poésie. L’espace est décidément laissé à la voix. L’artiste voulait sans doute que nous puissions saisir tous les détails de son énonciation.
Parce que ce qui donne la structure et la force de l’album, c’est bien le texte. Grâce à la faible présence des autres éléments, celui-ci se fraye un chemin direct à nos sensibilités. Clairement alimentée par un deuil, Deland parle de temps perdu et regretté: « If I could make this last, take more of this moment, trade in some of my past » dit-elle plus qu’elle ne le chante sur Swimmer. Et ce type d’exécution vocale brutalement honnête est partout ailleurs. On a ici affaire à une confession, et l’impuissance prend le dessus sur la pudeur sentimentale.
Un des thèmes principaux de l’album est le langage, et son incapacité souvent déchirante à permettre de dire ce qu’on veut vraiment dire. Mais Deland pousse tout de même vers le contact : « Words feel like treacherous footing, slippery rocks, but believe me, saying anything might be crucial », dit-elle sur Saying Something.
Parce que parfois, un certain « Allô? M’entends-tu? » à l’autre bout du fil peut s’avérer plus significatif que n’importe quoi que l’on pourrait dire d’autre. Parfois, l’acte de parole se vaut par lui-même. Et ce d’autant plus en rétrospective, lorsque l’autre ne décroche plus. Goodnight Summerland nous partage ce désir, cette intention pure et sans but. C’est le deuil, cet amour qui ne sait plus à quoi se raccrocher.