« Hello, I’m Johnny Cash », nous dit Bill Callahan dès l’ouverture de son nouvel album. Quelques instants plus tard, il conclut la première pièce du disque par ces mots : « Sincerely, L. Cohen ». Notre bonhomme souffrirait-il d’un trouble dissociatif de l’identité? Nenni. Il ne fait qu’adresser de sympathiques clins d’œil aux maîtres qui l’ont influencé. À vrai dire, Callahan – qu’on a déjà connu plus tourmenté – semble être d’humeur particulièrement badine depuis la sortie du magistral Sheperd in a Sheepskin Vest l’an dernier.
Sur cet album paru après un hiatus créatif de cinq ans, le chanteur qui venait de devenir père de famille célébrait les petits plaisirs tranquilles du quotidien. Il ne s’était pas mis à donner dans l’optimisme gnangnan pour autant. Son regard demeurait lucide et sa plume était toujours aussi acérée. C’est toujours le cas sur Gold Record où, d’un côté, il s’émerveille devant l’innocence des jeunes amoureux (Pigeons, Let’s Move to the Country) tout en condamnant la naïveté d’un musicien engagé de l’autre. « I protest his protest song / I’d vote for Satan if he said it was wrong », déclare-t-il sur Protest Song.
Musicalement, Callahan reprend les choses exactement où elles avaient été laissées avec Sheperd in a Sheepskin Vest. Il continue de traîner sa belle voix de baryton quelque part entre le folk de Leonard Cohen et celui de Nick Drake. L’inventivité des arrangements garde l’auditeur sur le qui-vive et magnifie les histoires que le barde lui raconte dans le creux de l’oreille. De bien bonnes histoires, d’ailleurs. Le texte de The Mackenzies, par exemple, pourrait figurer dans un recueil de nouvelles de Raymond Carver. Le chansonnier est au sommet de son art.