Je vais l’avouer d’entrée de jeu : le nom du guitariste jazz Michael Gregory Jackson ne me disait que bien peu de choses avant la parution du disque dont il est ici question. Après quelques recherches, j’ai réalisé que, bien qu’il soit largement méconnu du grand public, Jackson est un musicien qui a profondément marqué d’autres maîtres des six cordes et pas les moindres : Pat Metheny, Bill Frisell, Marc Ribot, Mary Halvorson et Vernon Reid ont tous admis être admiratifs de son travail.
Frequency Equilibrium Koan est un enregistrement devant public capté dans un club de Manhattan aux tous débuts de la carrière de Jackson, quelques mois après la sortie de son premier disque en tant que leader en 1977. Le guitariste y est entouré d’une équipe des plus épatantes : le violoncelliste Abdul Wadud, le batteur Pheeroan aKlaff (qui s’était auparavant illustré auprès de Wadada Leo Smith) et l’immense saxophoniste Julius Hemphill qui avait déjà publié l’essentiel Dogon A.D. et fondé le Saxophone World Quartet.
Le programme, qui compte quatre morceaux d’une durée avoisinant les dix minutes, s’amorce avec la pièce titre qui, à cause de la présence de Wadud au violoncelle, s’apparente davantage à la musique des compositeurs classiques contemporains qu’au jazz en tant que tel. Suit Heart & Center une danse biscornue mais irrésistible rythmée par le jeu inventif de aKlaff. Les échanges entre Jackson et Hemphill y sont délectables. Clarity, quant à elle, est la piste la plus chaotique de l’album. L’hyperactivité de aKlaff derrière les tambours et les attaques incisives du guitariste virtuose confèrent à ce free jazz véhément une charge explosive redoutable. Finalement, les choses se tranquillisent avec la bien nommée A Meditation, conclusion plus atmosphérique du disque sur laquelle Jackson troque sa guitare pour une flûte de bambou.
Cet enregistrement – bien que sa qualité sonore ne soit pas optimale – nous permet de prendre la mesure du talent d’un artiste visionnaire qui, à défaut d’avoir pu sortir de l’ombre, a exercé une influence indéniable sur ses pairs. Bill Frisell, qui se réjouit de la parution de la parution de cet album, ne dit-il pas que, malgré le fait qu’il ait été enregistré il y a une quarantaine d’année, on y retrouve la musique du futur?